Le vote non de la Hongrie à l’ukase de Bruxelles imposant des quotas de migrants, comme celui du referendum en Colombie ou le Brexit, exprime une défiance générale des peuples devant les élites – dont elles se moquent ostensiblement. Cela autorise des interprétations multiples.
Le texte du referendum était simple : « Voulez-vous que l’Union européenne décrète une relocalisation obligatoire de citoyens non-hongrois en Hongrie sans l’approbation du Parlement hongrois ? » Poser la question, c’est y répondre, et la Hongrie a voté massivement non. Les Hongrois ne veulent pas de migrants chez eux, surtout si c’est Bruxelles qui les leur impose. Pourtant nos médias parlent de « pari perdu » pour le premier ministre Viktor Orban, organisateur du referendum, de « revers » et même « d’échec ».
Le non aux migrants plus massif que le oui à Bruxelles
Cela vaut une brève analyse des résultats. La presse française et les sites anglophones ne la facilitent pas, car, à l’heure où je rédige, ils n’avaient pas publié de données complètes et détaillées. Aussi se contentera-t-on de chiffres approximatifs. La participation s’établit autour de 43,5 %, les exprimés juste au-dessous de 40 %, et le pourcentage du vote non par rapport aux exprimes atteint plus de 98 %.
Viktor Orban a noté (en Hongrie, ils ont des données plus précises, mais je ne lis pas le hongrois) que, 3,23 millions de Hongrois ayant choisi le vote non, jamais il n’avait recueilli sur son nom autant de soutiens, et il souligne que cela fait deux cent mille de plus que le nombre des oui lors du vote d’adhésion à l’Europe de Bruxelles (3,05 millions). Si l’on regarde maintenant les pourcentages, et non plus les nombres absolus, on peut ajouter que la proportion des électeurs hongrois ayant choisi le non (98 % de 40 %) s’établit à nettement plus de 39,5 %. Soit presque autant que le pourcentage des Français qui ont élu François Hollande président en 2012 (avec pourtant une participation très élevée, supérieure à 80 %). Pour mémoire, la victoire en France du oui à Maastricht résultait d’un vote beaucoup plus maigre : 51,04 % de 67 % des suffrages exprimés, soit moins de 34 % des inscrits.
La Hongrie sans ambiguïté face au referendum
Dans le cas de Maastricht, et bien sûr dans le cas de François Hollande, nul ne songea à invalider le résultat. Pourquoi ? Parce que la participation avait passé la barre légale et symbolique des 50 %. Pour la raison inverse, le résultat du referendum en Hongrie ne sera pas tenu pour valide. C’est parfaitement légal, mais cela ne devrait pas conduire les élites mondialistes à triompher et à conclure, comme le fait l’ancien premier ministre socialiste Ferenc Gyurcsany que les Hongrois ont « dit non à Orban ». Si l’on calcule bien en effet, ceux qui ont dit non à Orban sont, d’une part les 2 % des 40 % d’exprimés qui ont vraiment choisi le vote non, soit 0,8 % des inscrits. Plus, sans doute, la plupart 3,5 % de bulletins nuls qui font la différence entre les votants (43,5 %) et les suffrages exprimés (40 %). Soit un total d’un peu plus de 4 %. En somme, parmi les Hongrois qui ont pris la peine de montrer leur opinion, 4 % et des brouettes ont dit oui, alors que 39 et des queues ont dit non. Soit en gros un score de 89 % contre 11 %. Le referendum se clôt par une écrasante victoire du non.
Ils tentent de prendre la Hongrie au piège de referendum
Pour les nier, les élites, à Bruxelles, à Paris, dans les médias, font valoir le haut niveau de l’abstention. Selon elles, il indique que la Hongrie aurait refusé la « campagne de peur ». Et il est vrai que la gauche avait recommandé l’abstention pour contrecarrer ce qu’elle nommait « un plébiscite en faveur d’Orban », plébiscite aujourd’hui manqué selon elle. Etrange stratégie et étrange sophisme. Les hérauts de la démocratie ont choisi de refuser la règle de la démocratie électorale, qui est de compter les voix. Ils ont préféré additionner leurs voix putatives à celles, toujours sûres, qui se taisent (plus de trente cinq pour cent aux législatives hongroises), et ceux qui, d’accord avec Orban sur la question posée par le referendum, s’opposent à lui pour toute autre raison.
Les radios ont complaisamment diffusé des témoignages d’abstentionnistes qui « refusent d’être un pion sur l’échiquier d’Orban », et le politologue Zoltan Kiszelly montrent une opposition toute heureuse d’exprimer sans risque son mécontentement regardant la politique de santé publique, l’éducation, ou la corruption. En somme, si le plébiscite rêvé par Orban à l’occasion du referendum a échoué, le vote n’en est pas moins un plébiscite contre les migrants et ceux qui veulent en imposer la présence en Hongrie.
Non à Bruxelles, Non aux Migrants, Non à Orban
Il est significatif en outre que le Jobik, le parti d’extrême droite qui préconise une politique bien plus ferme qu’Orban en matière d’immigration, demande aujourd’hui sa démission au regard du résultat, par la voix de son président Gabor Vona. L’abstention qui permet aux élites mondiales de nier la réalité de la victoire du non a pour principales racines un ras-le-bol général du système d’une part, de l’autre la méfiance particulière envers un de ses représentants partiellement en rupture de ban, méfiance partagée par les plus critiques envers le système. En somme l’abstention qui sauve le système est le fruit de l’aversion qu’il cause, le discrédit où il est tombé reste son dernier moyen de se maintenir.
A vrai dire il n’en a cure, car la démocratie électorale va sur sa fin, dans le plan de marche de la gouvernance mondiale, et le déni de démocratie est aujourd’hui devenu le cas ordinaire, le réflexe automatique des élites et des médias aux ordres. Un réflexe scandaleux bien sûr, mais dont le scandale n’éclate plus aux yeux du public : le déni de démocratie est si usuel qu’il est aujourd’hui reçu dans la société.
Quand le referendum pète dans les mains du système
Observons ce phénomène en prenant un peu de recul pour examiner ensemble les deux referendums de ce dimanche – en compagnie de celui du 23 juin, puisque le premier ministre du Royaume-Uni Teresa May a tiré la leçon du Brexit à ses yeux hier lors de la convention du parti conservateur britannique. Viktor Orban en Hongrie, David Cameron en Angleterre, et le président Juan Manuel Santos en Colombie ont tous trois lancé un referendum pour répondre à l’accusation faite aux élites de s’éloigner du sentiment populaire, et pour exploiter à leur profit ce qu’ils croyaient le résultat probable du vote. Le résultat est mitigé pour Orban, les Hongrois ont voté non aux migrants et à Bruxelles mais pas oui à lui-même ; il a été désastreux pour Santos et Cameron. Le dernier a pris le Brexit en pleine figure, et le premier, qui n’était pas du tout tenu de proposer aux Colombiens de ratifier l’accord de paix qu’il a signé avec les Farc, a été désavoué par la majorité des suffrages exprimés.
En Colombie aussi, un referendum-boomerang
La suite donnée à cette salve de referendums montre que les élites n’auront pas longtemps fait semblant d’écouter le vote populaire. En Colombie, contrairement à ce qui se passe en Hongrie, le scrutin était tenu pour valable dès que « 13 % » (sic) des citoyens approuveraient les accords de paix. Telles sont les fantaisies de l’arbitraire démocratique. Donc le referendum est valide, avec 50,21 % de non et plus de 37 % de participation. Donc le président Santos est désavoué, en même temps que sa paix, qui se trouve rejetée par le peuple colombien parce qu’elle ne prévoit pas de sanction contre les FARC. Qu’à cela ne tienne, Santos, qui jusqu’à hier ne prévoyait « pas de plan B » (les sondages lui donnaient 60 % de « oui ») et « rejette toute renégociation », a fait une déclaration martiale pour masquer sa confusion et tenter d’imposer sa politique en dépit du vote : « Je ne me rendrai pas et continuerai à rechercher la paix ». Il répète que l’accord « reste valide et restera en vigueur ».
Le seul argument de Bruxelles est la peur
En Angleterre, la voix choisie par les élites est semblable. Le chantage à l’effondrement économique, la stimulation de la peur, avait été le seul argument des partisans de Bruxelles lors de la campagne du referendum. Aussitôt le Brexit acquis, il a été abandonné : les affaires marchent en Grande Bretagne, et chacun s’accorde à dire que la « City s’arrange de la situation actuelle ». Les leaders du Brexit ont été éliminés (Nigel Farrage) ou mis au pas (Boris Johnson, désormais soutien de l’entrée de la Turquie dans l’UE).
Aujourd’hui, dans son discours devant la convention du parti conservateur, une Matilda May euphorique a affirmé qu’elle utiliserait « sans retard » l’article 50 qui permettra au Royaume-Uni de quitter l’Europe de Bruxelles, dès mars 2017. Elle a été péremptoire dans le truisme, « Brexit is Brexit ». Elle a aussi promis bruyamment de le « réussir, le Brexit ».
L’Angleterre globale contre l’Europe, pas contre les migrants
En prime, elle a roulé abondamment le tambour de l’indépendance de la Grande-Bretagne, mais pour faire quoi, concrètement ? Réponse : passer les meilleurs accords possibles avec l’UE et retrouver une politique de libre échange intégral avec les autres pays du monde au profit du « Global UK », c’est-à-dire « l’Angleterre mondiale ». Et si elle entend rétablir la maîtrise de Londres sur sa politique d’immigration, elle prévoit de l’utiliser contre les Polonais, pas pour désislamiser l’Angleterre ni la débarrasser des innombrables immigrés venus du sous-continent indien. Le Brexit se fait contre l’Europe, de Bruxelles et d’ailleurs, mais pas pour les peuples européens. Le Brexit aura été l’occasion pour le peuple anglais de se défouler, non de reprendre en main son destin.
En Hongrie Orban poussé sur sa droite est tenu par le vote non
Les choses iront-elles différemment dans la Hongrie de Viktor Orban ? La colère des peuples européens, que manifestent les succès de l’AfD en Allemagne et la possible victoire, bientôt, du FPÖ à la présidentielle autrichienne, incite les élites mondialistes à ouvrir des soupapes de sécurité. Et Orban, aiguillonné sur sa droite par le Jobik, doit pour se maintenir jouer la carte de la fierté et de la sécurité de la Hongrie. Mais on l’a vu en d’autres occasions plutôt ambigu sur l’armée européenne. Il n’est pas impossible que le système lui laisse carte à moitié blanche pour tempérer l’exaspération européenne sans créer l’irréparable à ses yeux.
D’ailleurs, la politique de la soupape de sécurité qui passe par le referendum peut aussi s’analyser comme un processus de décrédibilisation du referendum (puisqu’il produit des résultats controversés et non suivis d’effets suffisants). Un processus ouvertement préconisé par certains juristes, comme l’avait montré au moment du Brexit une chronique dans le Monde d’un juriste mondialiste, Laurent Cohen-Tanugi. Il s’agirait ainsi d’étoffer la justification théorique du déni de démocratie.
La rhétorique totalitaire de Bruxelles contre le referendum
En attendant que cela aboutisse, Bruxelles utilise des moyens plus classiques pour nier le vote non. La peur, toujours, d’abord. Le président du parlement européen, le socialiste allemand Martin Schultz a dénoncé le « jeu dangereux » censément joué par Viktor Orban, inversant sans vergogne les faits : c’est l’Europe de Bruxelles qui a ouvert le feu en ouvrant ses frontières sans consultation et en tentant d’imposer des quotas de migrants.
Quant au président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker, il l’a pris sur le mode institutionnel : « Si des referendums sont organisés sur chaque décision des ministres et du parlement européen, l’autorité de la loi est en danger. » Une déclaration savamment piégée, car elle met sur le même pied, mine de rien, les décisions du Conseil européen, contestables mais conformes au traité, et celles du parlement, qui n’ont aucune autorité. De plus, il parle « d’autorité de la loi », ce qui semble d’une indécence extraordinaire, l’Europe de Bruxelles ne cessant de saper par ses initiatives la nécessaire autorité des Etats, semant partout le chaos. Mais il sait ce qu’il fait, puisque son but est précisément de substituer le règne d’une loi abstraite, forgée par une caste irresponsable et non élue, à celui des Etats dirigés malgré tout par des gouvernements choisis par les peuples.
La morale des seigneurs supérieure à la volonté des peuples
Les déclarations de ces gardiens du temple, la désinformation des médias européens ont le même but politique, empêcher que la volonté des peuples ne trouve d’expression dans une politique effectivement appliquée. Elles postulent toute que quelque chose est infiniment supérieur à la volonté passagère des peuples, la loi morale intangible dont les humanistes sont les dépositaires. La métaphysique maçonnique de l’indifférencié exige la fin des frontières, c’est très au-dessus des petits intérêts et des petites souffrances des peuples européens. Cela implique qu’il faut limiter au minimum l’expression de la volonté de ceux-ci. Aujourd’hui, le système est bien forcé de leur lâcher un peu la bride. Cela ne va pas sans une critique morale dégoûtée de ceux qui imposent leur « égoïsme national », et nos journalistes n’ont pas assez de mépris contre Orban qui « refuse de prendre sa part de l’effort commun » en disant niet aux quotas de migrants. Surtout, il ne faudrait pas que ce refus mène trop loin. Si jamais le système laisse passer, parce qu’il s’y trouvera forcé, un populiste (Höffer en Autriche, par exemple), il s’arrangera pour en limiter l’action et le discréditer le plus vite possible. Afin que l’expérience démocratique échoue et que le progrès vers la gouvernance mondiale puisse reprendre le plus tranquillement possible.