Alors qu’Hillary Clinton et Donald Trump s’insultent mutuellement, leurs colistiers sont d’accord pour que l’armée US reste le gendarme du monde. Démocrates et Républicains préconisent la guerre au nom du devoir d’ingérence humanitaire inventé par Bernard Kouchner, rebaptisé « responsabilité de protection ».
L’élection présidentielle US est une comédie : pendant que Trump et son adversaire se font une guerre de chiffonniers, les vice-présidents putatifs, Mike Pence pour les Républicains, Tim Kaine pour les Démocrates, tombent d’accord sur une politique étrangère qui reposerait sur le même devoir d’ingérence humanitaire de la démocratie US dans les affaires d’un Etat qui ne respecterait pas ses valeurs. Lors de leur récent débat du 4 octobre, Pence a en effet déclaré que « Les USA doivent commencer à diriger la protection des civils vulnérables et de plus de cent mille enfants à Alep ». Et Kaine ajoutait : « en accord avec la résolution du conseil de sécurité de l’ONU qui a été votée en février 2014 ».
Responsabilité de protéger ou devoir d’ingérence humanitaire ?
La manipulation sentimentale de la bataille d’Alep est ici largement exploitée. L’apitoiement et le souci moral sont à l’origine du devoir d’ingérence et du réveil du gendarme US. Sans doute, pour les Républicains cocardiers, s’agit-il aussi de montrer la « force américaine » face aux « provocations de la Russie », mais le plus important est de mettre un terme à la « catastrophe humanitaire ». Démocrates et Républicains sont d’accord là-dessus. Lors du débat du 4 octobre, la modératrice, Elaine Quilano, avait invoqué « la responsabilité US de protéger les civils et prévenir le massacre de masse », et Pence et Kaine ont approuvé.
Cette responsability to protect (en abrégé R2P, telles sont les apparences infantiles de la révolution mondialiste) est une notion, et une expression, constamment poussée en avant par l’ambassadrice US à l’ONU, Samantha Power, en poste depuis 2013. Militante mondialiste, Samantha Power se sert de la responsabilité de protéger, version moderne et US du devoir d’ingérence, pour limiter la souveraineté des Etats et justifier toute guerre préventive menée par la communauté internationale qui préfigure la gouvernance globale.
Après Kouchner, Soros déclare la guerre aux nations
Dès les années quatre-vingt, Bernard Kouchner, aidé de Bernard-Henri Lévy, avait convaincu Jacques Chirac et François Mitterrand de la nécessité de limiter la souveraineté des Etats coupables d’agissements dictatoriaux au nom du devoir d’ingérence. Ce fut le titre d’un de ses livres en 1988, et de la « morale de l’extrême urgence » devant des « atrocités » qu’on ne nommait pas encore catastrophe humanitaire. Kouchner avait réussi ainsi à arracher la participation de la France à la guerre d’agression contre la Serbie en 1999, ce dont il fut récompensé par un poste de haut représentant de l’ONU au Kossovo. En 2004, George Soros (coucou, le revoilou !) transposait l’idée dans le monde des think tanks US en publiant dans Foreign Policy un article intitulé La souveraineté des gens. Il y défendait l’idée que les gens délèguent leur souveraineté à un Etat, et que si celui-ci en abuse, alors « la communauté internationale peut traverser les frontières d’un Etat pour protéger les droits de citoyens en particulier ». C’est lumineux : le devoir d’ingérence limite la souveraineté des Etats au nom du droit de chacun tel qu’il est défini par les institutions supranationales et la démocratie anglo-saxonne.
Démocrates, Républicains, pontes de la politique et intellectuels US
Comme il n’y a pas de hasard, l’Open Institute, qui est une branche de l’Open Society Foundation, le bras armé par lequel Soros finance les projets qui conviennent à son militantisme mondialiste, finance le GCR2P. Entendez, en bon français, le Global Center for Responsability to protect, le centre mondial pour la responsabilité de protéger. C’est là que l’on retrouve Samantha Power. Après avoir fondé successivement le Carr Center pour une politique des droits de l’homme et participé à la Commission internationale sur l’intervention en regard de la souveraineté nationale, que le gouvernement canadien avait instaurée en 2000 pour lutter contre les « atrocités de masse », et dirigé le Bureau de prévention des atrocités, elle a donc lancé, en accord avec Barack Obama et l’ONU, le GCR2P. Avec l’aider de sommité des universités et de la politique US. Et de plusieurs ONG célèbres, International Crisis Group, Human Rights Watch, Oxfam international, Refugees international, et l’institut WFM pour une politique mondialiste.
La guerre humanitaire, ultima ratio de la démocratie mondiale
Ce GCR2P se propose de travailler avec les ONG, les gouvernements et les organisations internationales qui cherchent à rendre opérationnelle la fameuse responsabilité de protéger. Il s’est donné officiellement pour mission de décliner les principes du devoir d’ingérence des Démocrates et des Républicains du monde entier en un guide pratique pour agir contre les atrocités et les catastrophes humanitaires.
Ce dont Kouchner rêvait le GCR2P le fait. Les principes sont simples : un Etat a le devoir de protéger ses populations des atrocités de masse ; la communauté internationale a le devoir de l’assister s’il n’en est pas capable ; si l’Etat échoue, la communauté internationale a le devoir d’intervenir par des mesures coercitives. Et voilà justifiée l’ingérence concrète de la « communauté internationale » et la fin de la souveraineté nationale. Naturellement, si des sanctions économiques échouent, la guerre s’impose. La guerre humanitaire est l’ultima ratio de la démocratie mondiale. C’est un triomphe pour notre french doctor. Via les think tanks US, et sous l’impulsion de l’ONU, son devoir d’ingérence s’impose désormais partout, de la Libye à la Syrie. Et avec quel succès !