Le mystère Jérôme Bosch est un film-documentaire qui entend expliquer, ou du moins suggérer des pistes d’interprétation, pour le célèbre triptyque de cet artiste flamand proposé à la sagacité des visiteurs au Musée du Prado à Madrid. Ce triptyque comprend trois panneaux : le Paradis, le Jardin des Délices, l’Enfer. Le vaste panneau central, le Jardin des Délices, donne son nom à l’ensemble. En soi, l’idée est bonne, la démarche intéressante. Avec ces centaines de personnages, humains, animaux, monstres, ces multitudes de scènes juxtaposées, il y a certainement matière à un film.
Une forme d’enquête est menée, du moins durant la première partie du film, commençant par essayer de comprendre l’auteur, sa démarche, à replacer dans le contexte historique du Brabant – aujourd’hui aux Pays-Bas – du XVème siècle. Jérôme Bosch (vers 1450-1516) est en effet un des innombrables illustres inconnus ; nous savons très peu de choses de sa vie, au plus sa participation à une confrérie pieuse d’artistes, au siège situé dans une chapelle de la cathédrale de Bois-le-Duc (’s-Hertogenbosch en néerlandais). Des historiens, des historiens de l’Art, des restaurateurs sont invités à s’exprimer sur Jérôme Bosch, son œuvre en général et le fameux triptyque du Prado en particulier. Ils se montrent intéressants, voire passionnants. Tel n’est pas forcément le cas des visiteurs anonymes réguliers, des écrivains, des poètes, des musiciens, dont les propos sont d’un intérêt variable.
Le mystère Jérôme Bosch : une invitation au voyage au Musée du Prado à Madrid pour voir ou revoir le célèbre triptyque
Le Paradis et le Jardin des Délices sont à peu près correctement expliqués, dans une perspective dominante d’histoire de l’Art, qui de façon générale se tient. Le film use habillement des techniques que permettent le cinéma, comme les plans d’ensemble, les grossissements, les balayages. La caméra est utilisée avec intelligence. Toutefois, il pourrait paraître étonnant que l’Enfer, sanction du Jardin des Délices, ne soit lui que très superficiellement, expliqué ; de même le mot « démon » est banni du vocabulaire, alors que les animaux monstrueux, en particulier les composites présents en Enfer, sont assurément, indiscutablement, des démons dans l’optique de l’artiste et des spectateurs du temps. Certaines vérités chrétiennes seraient-elles donc devenues à ce point indicible à notre époque, même au sujet d’un tableau peint vers 1500 ? Quelques rapprochement paraissent douteux, mêlant nudité antérieur au péché originel, nudité peccamineuse du Jardin des Délices, et impudeur grossière des naturistes de Woodstock et d’une certaine contre-culture des années 1960-70, aussi laide que superficielle et datée. Parfois, le propos du mystère Jérôme Bosch semble quelque peu s’égarer.
Mais, malgré une quasi-impasse flagrante sur l’Enfer, quelques digressions oiseuses, Le mystère Jérôme Bosch invite véritablement à la réflexion sur le travail de cet artiste singulier et majeur, et au voyage au Musée du Prado à Madrid pour voir ou revoir le célèbre triptyque.