La semaine de prière pour l’unité des chrétiens, qui se célébrera cette année du 18 au 25 janvier, se déroulera sous le signe de Luther. Une proposition de prière internationale a été préparée par le Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens conjointement avec la Commission foi et constitution du Conseil œcuménique des Eglises et plus précisément avec le Conseil des Eglises en Allemagne (ACK) qui ont préparé la trame d’une célébration dont le maître mot se trouve résumé en ces paroles : Luther est un « témoin de l’Évangile ».
Cela s’est fait naturellement dans le contexte du rapprochement du pape François avec les luthériens, qui l’a notamment conduit à accueillir un buste de Luther au Vatican et à multiplier les rencontres célébrant les 500 ans de la Réforme. Et tout aussi naturellement, hélas, tout ce beau monde a travaillé sur des traductions « œcuméniques » de la Bible, histoire de promouvoir encore un peu plus ce consensus qui veut mettre fin à des siècles d’opposition en gommant des différences de fond. Opposition née, faut-il le rappeler, de la rupture provoquée par Luther, directement responsable de ce manque d’unité que l’on déplore aujourd’hui.
Luther, le « témoin de l’Evangile » salué par l’Eglise catholique…
La décision des Eglises d’Allemagne – toutes les Eglises chrétiennes, la catholique comprise – d’organiser un « Christusfest », ce qui n’a été possible qu’après de longues discussions, est qualifiée par le Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens de « résultat remarquable si l’on considère que, par sa nature, la Réforme a conduit à de nombreuses divisions au cours de l’histoire ». C’est bien de le dire. Mais le texte poursuit, citant le rapport qui a résulté des travaux comment de la commission catholique-luthérienne sur l’unité, Du conflit à la communion : « En distinguant bien les intuitions théologiques de la Réforme de ce qui était de l’ordre de la polémique, les catholiques sont maintenant en mesure d’entendre le défi que Luther pose à l’Eglise de notre temps et de reconnaître en lui un “témoin de l’Évangile” (Du conflit à la communion, 29). Ainsi, après des siècles de condamnations mutuelles et de diffamation, pour la première fois en 2017 les chrétiens luthériens et catholiques commémoreront ensemble le début de la Réforme. »
Ainsi l’Eglise catholique aurait-elle – c’est bien ce que suggère le texte – besoin de s’enrichir des « intuitions théologiques » de Luther et de cesser de condamner et « diffamer » une entreprise directement dirigée contre la foi catholique et la primauté de Pierre.
C’est sous l’impulsion du souvenir de Martin Luther que les différentes Eglises qui font partie de l’ACK ont présenté leur approche de la Bible dans une brochure commune, tandis que « par ailleurs, l’ACK a organisé un “pèlerinage” symbolique à Wittenberg auprès de diverses Eglises membres ». Tout cela a abouti à la proposition d’un schéma de célébration œcuménique, des textes « qui serviront principalement de base à la célébration de la Semaine de prière », mais qui « pourront aussi contribuer à la commémoration de la Réforme luthérienne », peut-on lire sur le site du Conseil pontifical pour l’unité.
Le Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens préparé des célébrations œcuméniques
« D’une part, il fallait qu’il soit une célébration de l’amour et de la grâce de Dieu, la “justification de l’humanité par la grâce seule”, soulignant l’élément principal sur lequel se fondent les Églises issues de la Réforme de Martin Luther ; d’autre part, il devait également reconnaître la douleur causée par les profondes divisions qu’elle a générées et qui ont affecté l’Église, nommer ouvertement les fautes commises et offrir une opportunité de progresser vers la réconciliation », expliquent les textes accompagnant le projet de célébration. La perspective est donc clairement luthérienne. Le texte a d’ailleurs été rédigé lors d’une rencontre en septembre 2015 à l’hôtel Luther de Wittemberg en Allemagne… Séances de travail ponctuées par des visites à la maison de Luther où il habita avec sa famille après avoir quitté son monastère, son lieu de naissance, la porte de l’église d’Eisleben où il aurait affiché ses 95 thèses…
Aussi la célébration commence-t-elle sur une demande de pardon pour les « péchés de division » commis après la réforme, mais il va de soi que l’on ne désigne pas nommément tel ou tel responsable… Suivent les gadgets : la construction d’un mur – rappelant le Mur de Berlin – en boîtes à chaussures portant chacune le nom d’un de ces péchés : « manque d’amour, haine et mépris, fausse accusation, discrimination, persécution, communion brisée, intolérance, guerres de religion, division, abus de pouvoir, isolement et orgueil ». Prières et demande de pardon seront alors suivies d’un démantèlement du mur et de la construction d’une croix avec ces mêmes « pierres ». Niveau : patronage.
Si Luther est témoin de l’Evangile, il faut tout revoir !
Tout le reste évite soigneusement les thèmes qui divisent, ce qui sépare objectivement l’Eglise catholique des autres confessions chrétiennes et ce qui distinguent celles-ci entre elles.
De l’impossibilité de « célébrer » une Réforme hérétique, il n’est évidemment pas question.
En revanche, le texte mis en ligne par le Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens comprend un petit rappel sur la crise des migrants qui se félicite de la coopération des différentes Eglises en vue de leur accueil (dont l’Europe fait aujourd’hui les frais) :
« Au moment où ce texte a été écrit en 2015, de nombreuses personnes et Eglises en Allemagne ont mis en pratique leur désir de réconciliation en accueillant d’innombrables migrants provenant de Syrie, d’Afghanistan, d’Érythrée, ainsi que des pays des Balkans occidentaux en quête d’un refuge et d’un nouveau départ dans la vie. Le soutien concret offert à ces personnes et les réactions vigoureuses à l’hostilité xénophobe ont été un clair témoignage de réconciliation pour la population allemande. En ministres de réconciliation, les Eglises se sont activement impliquées en portant assistance aux réfugiés dans leur recherche d’un logis, tout en essayant de contribuer à une amélioration des conditions de vie dans les pays qu’ils avaient dû quitter. Il est tout aussi nécessaire de se lancer dans ces initiatives concrètes de soutien que de prier ensemble pour la réconciliation et la paix si l’on veut apporter espérance et consolation à ceux qui fuient de terribles situations. »
Mais de les évangéliser, il n’est pas question non plus.