Promise au cours de sa campagne électorale par Donald Trump, la dérégulation de Wall Street, très attendue par le monde de la haute finance et aujourd’hui ouvertement envisagée par l’équipe du nouveau président des États-Unis, a été vivement contesté par la Banque centrale européenne, qui met en garde contre une politique qui pourrait déclencher une prochaine crise financière, après des années de contrôle de plus en plus serré.
Le président de l’ECB, Mario Draghi, assure que le laxisme des règles bancaires a joué un rôle important dans la genèse la crise de 2008, et qu’un retour à ce type de réglementation très favorable à la spéculation est non seulement inquiétant mais dangereux.
Pour Andreas Dombret, membre du conseil de la Banque centrale allemande, ce renversement ou cet assouplissement des règles serait d’autant plus dommageable qu’il serait subit : « Ce serait une grande erreur », a déclaré ce membre du comité de Bâle chargé d’élaborer les nouvelles règles bancaires globales.
Déréguler Wall Street : une promesse de Donald Trump
Si les Etats-Unis modifient la réglementation bancaire, ce sera en outre de manière unilatérale, se démarquant des Etats qui maintiennent un contrôle plus strict des activités boursières et bancaires. Déjà, la présidente de la Fed, Janet Yellen, a été interpellée par les responsables politiques afin de qu’elle se retire du comité de Bâle dont certaines règles, affirme un sénateur, désavantageraient les Etats-Unis.
« Il appartient à tous les régulateurs de soutenir l’économie américaine, et de passer à la loupe les accords internationaux qui tuent des emplois » a déclaré ainsi Patrick McHenry, vice-président du comité des services financiers du Sénat. Et il ne fait guère de doutes que les règles imposées par le comité de Bâle pèsent très lourdement sur les établissements bancaires « systémiques » et en particulier sur l’activité financière et donc économiques des grands pays développés.
Concrètement, l’administration Trump veut revisiter les régulations Dodd-Frank qui visent à contrôler la prise de risques par les banques : on se souviendra que la crise des subprimes avait été déclenchée par la vente de dettes toxiques correspondant à des crédits accordés à des emprunteurs présentant un fort risque d’insolvabilité, moyennant des promesses de fort rendement.
Dans le même temps, côté américain, on reproche à l’Europe de bénéficier actuellement d’un euro sous-évalué qui favorise ses exportations au détriment du commerce extérieur des Etats-Unis. Mario Draghi s’est défendu des accusations de manipulation monétaire lancées par les Etats-Unis, soulignant que l’important excédent commercial allemand, qui est dans la ligne de mire, est le résultat de sa compétitivité économique et non d’un avantage monétaire.
La Banque centrale européenne contre la dérégulation de Wall Street
Quoi qu’il en soit, l’Allemagne n’a aucun moyen de contrôler seule la valeur de la monnaie unique européenne : ce pouvoir appartient exclusivement à la banque centrale, étant entendu que la BCE n’a de comptes à rendre à personne sur ce chapitre. Ses membres allemands sont favorables à une politique de relèvement des taux d’intérêt qui entraînerait probablement une réévaluation de l’euro, mais n’ont pas la possibilité de l’imposer. Les abandons de souveraineté sont passés par là.
Selon Draghi, les diverses mesures de stimulus décidées par la BCE ont entraîné une baisse de l’euro sans la rechercher : « Les politiques monétaires que nous avons menées sont le reflet d’une étape différente du cycle dans la zone euro par rapport à ce qui se passe aux Etats-Unis ».
Manipulation de la monnaie, peut-être pas. Orientation des tendances économiques, ça oui, certainement. On ne les félicite pas du résultat.