Une récente étude sur la population des Etats-Unis par le démographe Nicholas Eberstadt révèle que pour de nombreux Américains, la vie est aujourd’hui plus difficile qu’il y a 15 ans. Sous le titre « Notre misérable XXIe siècle », l’étude montre que si la richesse du pays a fortement augmenté, la pauvreté elle aussi est à la hausse. La globalisation, serait-on tenté de dire, joue à plein. La santé économique des Etats-Unis est bien moins bonne, pour le pays réel, que ce que montrent des statistiques tronquées ; la santé elle-même est en pleine déconfiture. Bienvenue au pays laissé derrière lui par Obama…
MercatorNet, le site pro-famille australien, a résumé les points les plus importants de cette longue étude. Le premier est encourageant : la création de richesses aux États-Unis n’a fait que croître. Depuis 2000, la valeur nette estimée des foyers américains et des associations à but non lucratif a plus que doublé pour atteindre 90.000 milliards de dollars.
Mais en termes de PIB, la valeur ajoutée à l’économie américaine depuis 2007 n’aura été que de 12 % supplémentaires ; en PIB par tête, et compte-tenu de l’accroissement démographique, cela représente 4 % d’augmentation seulement depuis juste avant la crise, ce qui fait dire à Eberstadt que l’Amérique a « souffert de quelque chose qui s’apparente à une décennie perdue ».
La richesse des Etats-Unis augmente, mais pas celle des petites gens
Tout cela est allé de pair avec une chute « dramatique » du nombre de travailleurs. La proportion des emplois par rapport à la population pour les hommes et les femmes adultes civils a plongé de près de 5 %, entre 2000 et 2016, pour arriver à 59,7 % seulement. C’est une dégringolade majeure qui a commencé avec la récession de 2001 et qui a été aggravée par la crise de 2008. On n’avait jamais vu un chiffre aussi bas et une chute aussi rapide depuis la Seconde Guerre mondiale.
Qu’en est-il donc du chômage ? Les chiffres officiels sont extrêmement optimistes : officiellement, le taux des demandeurs d’emploi se situe à 4,8 % seulement, ce qu’on se plaît à nommer le niveau de chômage « incompressible ». Mais en réalité, ce pourcentage ne prend en compte que les chômeurs qui sont effectivement en recherche d’emploi, et non tous ceux qui sans travailler, ne font plus rien pour s’y remettre. En réalité, pour chaque homme américain chômeur âgé entre 25 et 55 ans, il y en a trois autres qui ne travaillent pas et qui ne recherchent pas non plus de travail.
L’étude de Nicholas Eberstadt souligne à ce propos que la reprise depuis 2008 est la première de l’histoire des Etats-Unis au cours de laquelle l’indicateur de base sur le marché du travail ne s’est pas amélioré.
La richesse progresse mais le temps travaillé des hommes a diminué de 12 %
Pour ce qui est des femmes, le taux d’emploi des 25-54 ans a également chuté de manière importante, pour se retrouver au niveau où il était il y a une génération, à la fin des années 1980.
Conclusion : l’économie des Etats-Unis du XXIe siècle a produit beaucoup plus de richesses, et beaucoup moins de travail. Entre 2000 et 2015, le nombre d’heures de travail payé par adulte civil a ainsi chuté de 12 %.
Tout cela va de pair avec une détérioration de la santé des Américains en général. Outre la hausse de la mortalité parmi les hommes blancs de classe moyenne, et celle des suicides, on a constaté le début d’une baisse de l’espérance de vie aux Etats-Unis en 2015. Parmi la population mâle en âge de travailler mais qui ne travaille pas et ne cherche pas d’emploi, soit quelque 7 millions d’hommes, près de la moitié consomme aujourd’hui quotidiennement des antidouleurs, tandis que les prescriptions d’opiacés sont en plein boom.
La pauvreté s’accompagne d’un chômage endémique
Et cette armée d’hommes dans la force de l’âge ne se contente pas de ne pas travailler : pas de bénévolat, pas de soins aux enfants, pas de tâches ménagères, ces hommes passent leur temps à regarder passivement la télévision, des DVD, Internet, tablettes et autres écrans, à raison de quelque 2.000 heures par an – c’est l’équivalent d’un emploi à plein temps, pour une « activité » d’abrutissement.
La prise en charge de leurs médicaments, et notamment de leurs antidouleurs, se fait par le biais des assurances sociales : Medicaid et autres plans de protection au niveau des Etats viennent au secours de cette population à très faibles moyens. Parmi la population des hommes civils âgés de 25 à 55 ans, on compte un peu plus de 20 % de bénéficiaires du Medicaid, mais la proportion atteint 53 % chez ceux qui ont abandonné le monde du travail. Ils sont directement « dépendants », à plus d’un titre, des pouvoirs publics, note Eberstadt.
Celui-ci observe également que le lieu commun selon lequel Donald Trump « hérite au moins d’une économie en bon état » est une contrevérité. La richesse américaine globale a pu augmenter, mais la population, et surtout les gens simples, ont à juste titre le sentiment de vivre dans les profondeurs d’une récession qui n’en finit pas.