L’Allemagne a atteint un point bas en matière de taux de chômage, à 5,9 % en février comme en janvier, meilleur niveau enregistré depuis la réunification en 1990. Pourtant, l’association Equal Welfare et son président Ulrich Schneider, massivement relayés par les médias de gauche, estiment que « 15,7 % des Allemands vivent dans la pauvreté, le chiffre le plus haut depuis la réunification », soit 12,9 millions de personnes. Ils se basent sur les données de l’Office fédéral allemand des statistiques, Destatis, qui recense la proportion de la population disposant d’un revenu inférieur de 60 % au revenu médian allemand. En 2005, la proportion d’Allemands vivant sous ce seuil était de 14,7 %.
Pour autant l’interprétation donnée par Schneider est controversée, ce dernier adoptant une version alarmiste du seuil en question, contraire à celle de Destatis. Il semble qu’il était urgent de faire croire à l’opinion que, malgré un chômage réduit, malgré les investissements colossaux dans les Länder de l’Est, malgré l’excédent commercial gigantesque de l’Allemagne, décidément rien ne va plus au royaume dominé par les chrétiens-démocrates.
Hausse de 49 % de la pauvreté en Allemagne en dix ans ?
« Les progrès économiques n’ont en rien réduit la pauvreté depuis longtemps », martèle Schneider. Ce dernier cite les chômeurs, les parents isolés, le tiers des étrangers et le quart des familles comportant trois enfants ou plus. Selon les critères d’Equal Welfare, le nombre de retraités ayant franchi « le niveau de pauvreté » à la baisse aurait bondi de 49 % en une décennie. Wolfram Friedersdorf, directeur de l’Association de Solidarité populaire dénonce, lui, une « avalanche » de pauvreté dans le troisième âge. Berlin et la Ruhr sont les deux régions les plus affectées. Destatis note pour sa part que le taux de « risque de pauvreté le plus bas se situe en Bavière et Bade-Wurtemberg ».
Reste que ces données sont soumises à controverse. Destatis classe les personnes dont le revenu est inférieur de 60 % au revenu médian parmi les populations seulement « menacées par la pauvreté » alors qu’Equal Welfare Association les juge déjà « pauvres ». Destatis évaluait le revenu médian mensuel des Allemands à 1.566 euros disponible net par mois par personne (en 2009, dernier chiffre disponible sur son site) soit un seuil de « menace de pauvreté » (60 %) de 939 euros par mois (respectivement 1.671 euros et 1.002 euros en France). Notons que depuis deux ans, le salaire moyen allemand est repassé au-dessus de son équivalent français.
Les associations humanitaires allemandes dramatisent la menace de pauvreté, contredisant Destatis
Walter Krämer, professeur de statistiques à l’Université technique de Dortmund, qualifie sur le site de l’agence DPA, la classification d’Ulrich Schneider de « stupide et pas sérieuse » : « Les associations de solidarité savent très bien pourquoi elles refusent de s’appuyer sur des critères statistiques crédibles : parce qu’alors elles découvriraient que la pauvreté a reculé depuis des années ». Pour Krämer, une étude sérieuse impliquerait non seulement de retenir des seuils validés sans les interpréter à sa guise, mais aussi de se plonger dans la vie réelle « en observant ce que les gens peuvent mettre dans leur chariot au supermarché ». Soit une évaluation fine du pouvoir d’achat final du revenu au regard du niveau des prix à la consommation. « Mais une telle étude demande un peu plus d’efforts, et c’est pour ça que personne ne veut le faire », dénonce-t-il.