Michel Barnier : l’Europe et le Royaume-Uni seront confrontés à de « graves conséquences », en cas de Brexit dur

Barnier Europe Royaume Uni Brexit
 
Michel Barnier vient de l’écrire à nouveau dans le Financial Times, le 26 mars : l’Europe et le Royaume-Uni seront confrontés à de « graves conséquences » si le Brexit est dur. Comprenez, si le fauteur européen ne se plie pas aux conditions de sortie édictées par l’UE et à un nouvel accord de libre-échange post Brexit encore édicté par l’UE… Les menaces sont à peine voilées – le négociateur en chef de l’UE réitère ses conditions à la veille de l’engagement du bras de fer.
 
Le Royaume-Uni doit, en effet, notifier formellement son intention de quitter l’Union Européenne, demain, mercredi, avant la période de négociations de deux ans. Coïncidence amusante, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont réunis dimanche dernier, à Rome, pour célébrer le 60ème anniversaire du traité « fondateur »…
 

Brexit : pas de négociations sans « règlement des comptes »

 
Michel Barnier n’a sans doute pas apprécié les déclarations répétées de Theresa May qui préfère se passer d’accord plutôt que de conclure « une mauvaise affaire »… « Ce scénario d’un non-accord, ce scénario du no deal, n’est pas le nôtre » a-t-il déclaré à Bruxelles, le 22 mars dernier. « Le Brexit aura d’importantes conséquences humaines, économiques, sociales, judiciaires et politiques (…) le manque d’accord aurait des répercussions encore plus sérieuses ».
 
Et il l’a répété, dimanche, dans le Financial Times, à quelques jours de l’officiel Brexit, dessinant avec soin un avenir sombre au pays traître. L’UE n’a « rien à cacher », favorise « la transparence et le débat public ». C’est au Royaume-Uni de prouver qu’il est fiable et digne de confiance : « Cela signifie s’entendre sur le retrait ordonné du Royaume-Uni avant de négocier tout futur accord commercial. Plus tôt nous serons d’accord sur ces principes, plus nous aurons de temps pour discuter de notre futur partenariat. »
 
Pas de « scénario sans contrepartie ». Autrement dit, pas de négociations sans règlement préalable des comptes. Le « retrait ordonné », c’est le respect des engagements du membre déloyal, autrement dit le nettoyage de l’ardoise pour le mauvais élève européen, la punition ultime (de chiffres, il n’est toujours pas question, mais un haut responsable européen avait parlé d’au moins 50 à 60 milliards de livres sterling).
 

Les incertitudes européennes à propos du Royaume-Uni

 
Cet impératif financier fait partie essentielle des « trois incertitudes » créées, selon lui, par la décision britannique de quitter l’Union européenne.
 
A côté de cette crainte du manque à gagner pour les collectivités territoriales et tous les bénéficiaires des programmes financés actuellement par le budget européen, Michel Barnier avait aussi évoqué dans son discours du 22 mars à Bruxelles, devant le Comité européen des régions, les droits des 4,5 millions de citoyens britanniques au sein de l’UE et de citoyens européens au Royaume-Uni, qui poseraient dès lors question.
 
Ainsi que le flou généré aux nouvelles frontières de l’Union, à commencer en Irlande : « Nous ne défendrons rien qui affaiblisse le dialogue et la paix en Irlande du Nord ». Il a rappelé la part prise par l’Union pour accompagner le Good Friday Agreement, dont le Royaume-Uni a toujours été l’un des garants…
 
Le syndicat des 27 États membres multiplient les points de contrôle, les nœuds, qui pourraient s’avérer gordiens si le Royaume-Uni ne courbe pas l’échine.
 

Barnier fait planer la peur et le doute

 
Si ces conditions de sortie ne sont pas respectées, pas d’accord commercial envisageable. Et Michel Barnier fait planer la peur, dans le style « Vous allez voir ce qu’il vous en cuira ».
 
« Le Royaume-Uni fait le choix de sortir du marché intérieur et de l’union douanière et il sera un État tiers dans deux ans. En faisant ce choix, le Royaume-Uni se trouvera mécaniquement dans une situation moins favorable qu’un État membre de l’Union. Il ne lui sera pas non plus possible de participer à la carte au marché unique. » Alors que les 27 Etats membres, eux, seront plus prompts à s’adapter…
 
Il a évoqué « les perturbations sévères du transport aérien » et « les longues files d’attente à Douvres » à cause de la réintroduction de contrôles douaniers contraignants, « la perturbation des chaînes d’approvisionnement, y compris la suspension de la livraison de matières nucléaires au Royaume-Uni », etc…
 

En même temps l’Europe a aussi besoin de cet accord

 
En bref, ça va être douloureux, s’il n’y a pas d’accord post-Brexit : mais l’arrangement doit encore se faire aux conditions de Bruxelles… Interdit pour Theresa May de réduire les taxes sur les entreprises, les droits des travailleurs et les normes environnementales ! La concurrence doit être « loyale », selon le mot de Michel Barnier : interdit donc, dans les faits, au Royaume-Uni de profiter de son statut de pays libéré de l’Union Européenne…
 
Mais le clan des 27 ne crache pas non plus sur la perspective d’un « nouveau partenariat », qui garantirait les versements financiers du Royaume-Uni. C’est toute la difficulté et la diplomatie de ce bras de fer.
 
Donald Tusk doit convoquer, début mai, les 27 chefs d’États et de gouvernement pour discuter et entériner les lignes directrices des futures négociations.
 

Clémentine Jallais