Sous la direction de M. Christophe Dickès, personnalité catholique engagée bien connue, collaborateur à l’ « Homme nouveau », vient d’être publiée dans la collection des dictionnaires « Bouquins », un ouvrage majeur pour la connaissance de l’Eglise catholique, le dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège. Par Olivier Thibault.
Ce savant pavé compte 1100 pages, les articles, écrits par une cinquantaine de spécialistes, se succédant selon l’ordre alphabétique, avec des renvois plutôt bien faits, et un index. Le sujet invite à une description physique du site du Vatican, et des principaux monuments chrétiens romains, ce qui est accompli de manière rigoureuse, et aidera certainement le pèlerin, ou le touriste soucieux du patrimoine religieux, à préparer consciencieusement sa visite. Le « Saint-Siège » indique la dimension spirituelle de l’ouvrage, présentant particulièrement les personnes des papes, leurs actions depuis le milieu du XIXème siècle avec Pie IX (1846-1878), sous le règne duquel le territoire pontifical est réduit à la Cité du Vatican (1870), jusqu’à l’actuel titulaire François (depuis 2013). L’ouvrage est écrit dans une optique d’apologétique : toutes les actions significatives des papes auraient été bonnes, ou du moins bien intentionnées, et accomplies en parfaite continuité avec les prédécesseurs. Ce point de vue systématiquement positif peut étonner.
Un oubli significatif
Mais il fournit des réponses précises aux polémiques actuelles ou passées, qui se résument le plus souvent à une collection de caricatures imméritées ou ignobles, y compris parfois parmi des catholiques trop ignorants de leur histoire véritable. La ligne générale suit celle du pape émérite Benoît XVI (régnant en 2005-2013) : trouver la continuité, pourtant pas toujours évidente a priori, dans les actions des pontifes et de la Curie, ou le magistère de l’Eglise catholique, définis par les papes et sur la période étudiée les conciles de Vatican I (1869-1870) et Vatican II (1962-1965). Il y aurait une droite ligne, assez large, et deux dangers, le progressisme sur la gauche, l’intégrisme sur la droite. Le premier est bien défini, ainsi que ses formes multiples – dont la théologie de la libération – ; par contre l’épouvantail « intégriste » sert beaucoup mais n’est jamais précisément cerné, ce qui déçoit ; il existe certes un article « traditionalisme » à peu près honnête, mais fourre-tout de sensibilités assez éloignées, des multiples sédévacantismes à la Fraternité Saint-Pierre. Les personnalités catholiques majeures du XXème siècle sont présentées, sous un angle assez systématiquement favorable, y compris pour des figures audacieuses comme Chenu, Congar, ou même le fort original Teilhard de Chardin. Curieusement, Mgr Lefebvre est oublié.
Nécessité d’un glossaire
Le fonctionnement interne du Vatican, il faut bien l’avouer complexe, avec ses multiples conseils et organismes, qui varient dans le temps, est bien décrit, des bureaux essentiels – la secrétairerie d’Etat – aux plus anecdotiques – les postes vaticanes -. Sans constituer exactement un dictionnaire du catholicisme, cet ouvrage peut dans une large mesure sur les deux derniers siècles en tenir lieu, remplaçant une multitude d’ouvrages en langue française des années 1970 à 1990 à peu près tous marqués par un progressisme militant fort contestable. Toutefois, il manque nonobstant pour cet usage des définitions de termes essentiels, qui seraient aussi bien utiles pour comprendre certains articles –e n particulier celui sur l’Eglise hollandaise, au clergé de plus restreint mais toujours aussi « créatif » – puisque pris parfois à des sens traditionnels ou à ceux créés par de nouvelles théologies comme « messe » ou « eucharistie », ou « sacrement »…
Dialogue ou syncrétisme ?
Les dogmes tels qu’ils sont définis actuellement à Rome sont respectés. L’érudition sérieuse triomphe des mauvaises légendes hostiles, en particulier sur Pie XII (1939-1958), dans la réalité historique très hostile au « national-socialisme », dont une manipulation soviétique des années 1960 qui fait encore foi des décennies après la fin de l’URSS tend à en faire contre toute vérité le « pape de Hitler ». Peut-être aurait-il fallu aussi distinguer parfois entre un modèle romain actuel théoriquement soutenable pour certaines pratiques, comme les rencontres « interreligieuses » -régulières depuis Assise I en 1986 – le dialogue avec d’autres confessions, pas seulement des chrétiens, et l’effet réel produit sur les fidèles, celui d’un syncrétisme démobilisateur. L’enthousiasme systématique ne convainc pas toujours. Nonobstant, il convient de saluer la somme globale de travail et la publication de cet outil indiscutablement utile.
Christophe DICKES (direction) Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège, collection « Bouquins », Robert Laffont, 2013, 30€