La technique est habituelle : pour imposer l’idée qu’il faut accepter les changements politiques et économiques en cours dans le monde dans le sens de la globalisation, on brandit la menace des pires malheurs pour ceux qui ne s’y soumettraient pas. La Bank of International Settlements (BIS), souvent qualifiée de banque centrale des banques centrales, vient ainsi de mettre à profit son rapport annuel pour dénoncer « la rhétorique protectionniste » qui a cours dans de nombreux pays. La mondialisation serait devenue le « bouc émissaire » de la croissance des inégalités alors que, selon elle, l’ouverture des frontières a permis de relever le niveau de vie dans le monde. La poursuite de la mondialisation est indispensable, estime la BIS, c’est la répartition des gains qu’elle entraîne qui pose problème.
A l’inverse, cesser le processus de mondialisation reviendrait à renoncer à tous ses bénéfices.
Dans le viseur, on devine l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, le vote favorable au Brexit et le succès des partis « populistes » qui traduisent l’insatisfaction et l’insécurité croissante de populations laissées pour compte.
La BIS assure que la mondialisation a permis de relever le niveau de vie global
Selon le rapport de la BIS, revenir sur la mondialisation serait « très dommageable pour le niveau de vie », alors que « de nombreuses données montrent que la globalisation n’est pas responsable de la progression des inégalités de revenus à l’intérieur des pays qui lui a été concomitante ».
« Les tentatives en vue de revenir sur la mondialisation constitueraient la mauvaise réponse à tous ces défis. La mondialisation, tout comme l’innovation technologique, aura fait partie intégrante du développement économique », affirme la banque centrale des banques centrales, qui accuse quant à elle d’autres facteurs, et avant tout la technologie, d’avoir creusé l’écart entre les riches et les pauvres. La BIS reprend ainsi à son compte une idée soulevée notamment par Stephen Hawking en 2015 en ces termes : « Tout le monde peut profiter d’une vie de luxe et de loisirs si seulement les richesses produites par les machines sont partagées ; au contraire le plus grand nombre pourra être réduit à la misère si les propriétaires des machines font campagne avec succès contre la redistribution des richesses. A ce jour, la tendance semble favoriser la deuxième option, alors que la technologie alimente des inégalités toujours croissantes ».
La poursuite de la mondialisation devra s’accompagner de redistribution
Le point de vue de la BIS n’est qu’une expression de cet avertissement et il vise le même objectif : travailler ensemble au plan global, mettre en place des politiques domestiques et internationales, renforcer les « liens du commerce mondial et de la finance » pour les rendre « plus résilients », obliger les grandes sociétés à cesser de déclarer leurs profits et leurs salaires dans différentes parties du monde en vue de réduire leurs charges fiscales et sociales. Il faut davantage de « coopération internationale » pour s’assurer que ces sociétés, spécialement les « grandes multinationales », paient leur « juste part des impôts ».
La mondialisation est ainsi créditée de la baisse de la pauvreté et de la hausse du niveau de vie dans nombre de nombreux pays : ce disant la Bank of International Settlements se fait l’écho d’une satisfaction semblable exprimée par le FMI et par l’OCDE qui, sur le même ton, réclament la poursuite de la globalisation. Tous estiment qu’il appartient aux gouvernements nationaux d’assurer une distribution équitable des richesses, rêve socialiste s’il en est. Il faut y rattacher notamment les propositions en vue de mettre en place un revenu universel qui n’est plus lié au travail, considéré comme incapable d’assurer une subsistance correcte au grand nombre, mais à la simple existence de son bénéficiaire. Jusqu’au jour où le payeur décidera que ces existences reviennent trop cher ?
La banque centrale des banques centrales a la mondialisation pour objectif, mais aussi le socialisme généralisé
Le rapport du BIS recommande également aux gouvernement de rendre leur marché de l’emploi assez flexible pour aider ceux dont les emplois sont délocalisés à bénéficier d’une formation professionnelle continue et à profiter des campagnes régionales pour l’emploi.
Pour mémoire, il existe un fonds social européen qui subventionne à coups de millions d’euros les programmes d’aide aux travailleurs dont le gagne-pain a disparu de l’UE, délocalisé quelque part en Asie ou ailleurs où les salaires sont moins élevés : avec l’argent du contribuable européen, c’est un système discret de subventionnement de la délocalisation. Cet argent n’a surtout pas pour objet d’aider les sociétés à rester sur place et encore moins à les aider à se moderniser pour conserver l’emploi dans leur pays d’origine. Le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation illustre parfaitement la manière volontariste dont on a mis en place et accompagné la fuite des emplois.
L’article du Guardian est illustré par une image de navire de l’armateur chinois OOCL en train de vider sa cargaison sur un port déjà saturé de conteneurs remplis de toutes sortes de marchandises venues du bout du monde. Il assure que l’ouverture des frontières aux biens a permis de mieux répartir la technologie, d’accroître les gains de productivité et de rationaliser celle-ci, notamment par la circulation de biens et services moins chers et de meilleure qualité qui ont permis de relever directement le niveau de vie des foyers. L’expérience réelle dit le contraire, avec de nombreux produits venus de pays à bas coûts qui vous lâchent au bout de quelques jours ou de quelques années, selon qu’il s’agit de bricoles ou d’électroménager. C’est cela le progrès ?