Les reculades, contradictions, et amendements de la loi Confiance à l’Assemblée nationale montrent que si la moralisation de la vie politique est un leurre agité par le pouvoir, la politisation de la vie morale est le moyen qu’il a choisi pour habituer le peuple au totalitarisme.
On avait commencé à sourire en voyant le ministre de la justice François Bayrou, porteur du grand projet macronien de loi sur la moralisation de la vie politique embourbé dans des affaires et forcé à démissionner. D’entrée de jeu, la confiance dans les promesses solennelles du président de la République en prenait un coup. Depuis, le nouveau garde des sceaux, Nicole Belloubet, a dû en rabattre pas mal sur les ambitions affichées, les ministres ne seront pas obligés, par exemple, de présenter un casier judiciaire vierge, mais, complété par plusieurs amendements capitaux, la loi Confiance, comme on l’appelle, montre son vrai visage et son objectif réel : c’est la politisation de la morale et sa soumission au politiquement correct.
La loi Confiance ne garantit pas la moralisation de la vie politique
Les députés approuvent l’interdiction pour un assistant parlementaire d’être rémunéré par les lobbys, mais n’ont pas voulu l’étendre au Conseil d’Etat, au Conseil constitutionnel et au président de la république : est-ce moral ou est-ce politique ? Les députés approuvent l’interdiction pour les parlementaires et les ministres d’employer leur famille : on a fait beaucoup de bruit avec cela depuis l’affaire Fillon, mais en quoi cela rendra-t-il la vie politique plus morale ? Et si des maîtresses ou des amants sont employés en toute légalité, en quoi la moralisation y gagnera-t-elle ? Et la suppression des frais de mandat, qui fait tant de bruit, ajoutera-t-elle quoi que ce soit à la probité de nos élus ?
En fait la loi dite « Confiance » de moralisation de la vie politique a pour première fonction de détourner l’attention du peuple en lui donnant à croire que son dégoût pour la classe politique tient à des questions de sous, et en lui donnant à croire aussi qu’on traite ces questions, de sorte que la classe politique mérite à nouveau sa confiance. En réalité la question n’est pas correctement traitée et surtout l’aversion du peuple pour la classe politique vient de tout autre chose : il la hait parce qu’elle le trahit, le laisse envahir, le soumet au libre-échange ruineux et à l’invasion, prépare son remplacement.
Robespierre avait un casier vierge
La deuxième fonction de la loi Confiance est de gauchir dans l’esprit du public la nature de la politique en confondant le légal et le moral, et en définissant par la loi ce qui est moral pour imposer la politique de son choix. La politique n’est pas un métier de bisounours. Prétendre en évincer tous ceux qui n’ont pas un casier judiciaire vierge est une mauvaise plaisanterie, à moins que cela ne soit une méthode de sélection des plus dissimulés. Ni Jules César, ni De Gaulle, ni Mitterrand n’aurait passé l’examen avec succès.
Mais c’est un bon moyen de démagogie. Robespierre avait les mains propres, il n’arrêtait pas de se les laver compulsivement. Ho Chi Minh, Staline et Mao Tse Toung se flattèrent de lutter contre la corruption. Les puritains qui ont triomphé aux Etats-Unis aussi. L’ennui est que ce n’est pas seulement une bonne arnaque mais une propédeutique au totalitarisme. Quand les politiques jouent aux rois-juges, il y a toujours du mouron à se faire. Soumettre le politique à la loi moralisatrice, revient à transférer la souveraineté à celui qui décide de la morale et s’abandonner à son arbitraire.
L’amendement d’En Marche engendre la politisation de la morale
La loi Confiance n’échappe pas à la règle. Pour atteindre la moralisation de la vie politique, elle ne se contente pas en effet de veiller à la probité des élus, elle a ajouté un petit amendement de derrière les fagots proposé par En Marche avec l’approbation du garde des sceaux. Il assimile à un homme improbe, et rend donc inéligible, toute personne condamnée pour « faits de discrimination, injure ou diffamation publique, provocation à la haine raciale, sexiste ou à raison de l’orientation sexuelle ».
Le badaud ne verra pas bien ce que cet amendement vient faire dans un texte qui réprime l’indélicatesse des politiques en matière d’argent, mais c’est qu’il comprend mal la cohérence de la nouvelle morale politique : il s’agit d’éliminer de la politique tous les « indignes », et les plus indignes de tous les indignes sont ceux qu’on peut soupçonner de « racisme ».
Le totalitarisme bisounours d’En Marche vaut celui de 93
Comme on sait que les tribunaux français interprètent de façon très extensive tout ce qui touche aux « discriminations » en matière de race ou d’orientation sexuelle, et qui se trouve réprimé par les lois Gayssot et Pleven, on peut avoir confiance que les juges puniront sévèrement tous les indignes à la moindre déclaration suspecte. Et voilà par exemple les opposants au grand remplacement, les critiques de l’invasion, éliminés d’office, pour peu qu’ils disent explicitement ce qu’ils pensent et ce qu’ils veulent : ils pourront à tout moment être rendus inéligibles.
Nous nous moquons du totalitarisme législatif de la révolution française ou de celle d’octobre, mais nous l’imitons, avec peut-être un peu moins d’emphase dans les explications de vote, et encore. Le totalitarisme en marche est gentil et honnête, il s’installe par consensus de tous les partis : au nom de la moralisation de la vie politique, il impose à tous sa politisation de la vie morale, pour le plus grand bien des petits et des grands.