La lecture française des événements survenus à Charlottesville est automatique. Sans souci aucun des contradictions ni des inexactitudes, nos confrères, dans leur grand majorité, n’ont qu’un commentaire : « l’extrême droite ». Répétée comme un écho maudit aux quatre points cardinaux de l’hexagone (si l’on veut bien me passer cette étrange géométrie), cette expression nauséeuse semble désormais avoir dépassé l’étrange point de référence que constituait jusqu’ici le seul führer Hitler.
Pour qui a eu le temps ou le goût de s’y adonner, la lecture des journaux français sur les événements de Charlottesville laisse une impression de répétition inlassable – comme un copier-coller, diraient sans doute les plus jeunes d’entre nous. La plupart d’entre eux comportent en effet trois éléments de base.
Lecture française des événements de Charlottesville
Le premier consiste en une certaine approximation des événements de Charlottesville, qui prouve que, contrairement à mes sympathiques consœurs Pauline et Anne, leurs auteurs ne se sont pas attardés à étudier les faits en profondeur.
Le deuxième est une critique systématique du président Donald Trump, jugé coupable tantôt de n’avoir pas réagi assez vite, ni assez fort contre les « extrémistes », « racistes », et autres « nazis » ; tantôt d’avoir osé renvoyer dos à dos les extrémistes des deux camps s’affrontant autour de la mémoire du pauvre général Lee.
Tout est bon contre un Trump devenu, pour des raisons qu’on explicitera peut-être un jour, l’ennemi public numéro un. Quoi qu’il advienne, de Charlottesville à la Corée du Nord en passant par le Venezuela, le président américain a tort. Et quand, étonnement, Le Figaro, sous la plume d’Yves Thréard, veut y voir, sur tel ou tel sujet, une stratégie, Le Point a tôt fait de dénoncer cette complaisance.
Le troisième élément est l’ajout systématique, une fois refermés les guillemets de citation des condamnations de ces événements (et d’où que viennent ces condamnations) de l’expression de l’extrême droite, quand bien même les propos américains cités n’usent pas de cette expression.
Quand l’extrême droite dépasse Hitler
Mais, en France, l’expression, répétée ad nauseam, « extrême droite » semble désormais avoir supplanté la référence à Hitler. Il y a à cela une certaine logique. Même avec un Reich pour mille ans, Adolf Hitler est désormais mort, bien mort, et enterré. Tandis que l’extrême droite n’a pas d’âge, et peut même servir à qualifier des époques qui n’en avaient nulle connaissance. Disons, pour faire court, que si la reductio ad Hitlerum est le point Godwin d’une discussion, la référence à l’extrême droite est devenue un réflexe pavlovien – ce qui est, somme toute, plus « utile ».
Cela permet, en effet, de se dispenser de toute réflexion, de toute intelligence de la réalité. Il me souvient d’une discussion, lors de je ne sais plus quelle réunion, où je m’étonnais, devant un étudiant, de ce que l’on qualifie le nazisme – à savoir le national-socialisme – d’extrémisme de droite. Et mon interlocuteur de me répondre, avec une naïveté désarmante qui excluait toute nécessité de preuve, que le socialisme avait changé d’acception, sinon au cours des âges, du moins à celui des décennies !
Adieu au duc d’Orléans, et à la nation
Ne restait donc que le nationalisme, auquel on voit bien qu’une guerre terrible a été faite depuis 1945, et, aujourd’hui, force est de constater que tout ce qui est national n’est – surtout pas ! – nôtre.
Il faudrait sans doute abondamment développer aujourd’hui la brochure de Jean Madiran Extrême droite ? Ah non, assez ! Ou le Dictionnaire de la Réplique, publié sous la direction de Bernard Antony. Et, bien sûr, étendre le lectorat de Réinformation.tv.
On doute cependant que le temps suffise à la majorité de nos confrères pour corriger l’espèce de psittacisme qui les saisit dès qu’une idée de droite pointe le bout de son nez. Ils n’avoueront jamais que ce qu’on qualifie aujourd’hui d’extrême droite n’a rien à y voir, et ne correspond en rien aux réelles idées de droite. Et personne ne viendra jamais dire que l’extrémisme est une notion de gauche, servant à disqualifier l’adversaire – sauf, sans doute, dans l’expression « extrême gauche » où, apparemment, elle devient quintessence…
Plus que jamais, la rhétorique est une arme. Et elle n’a plus même besoin aujourd’hui pour cela d’être un art…