Rien qu’avec un nom pareil, quand il est donné par un État policier, on devrait déjà se méfier… Jeudi 5 octobre, le comité de la magistrature de la Chambre a présenté publiquement le « USA Liberty Act », qui ré-autorise la fameuse section 702 du FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act) devant expirer le 31 décembre prochain, en assurant l’avoir « désarmée »…
Dans la lignée du « Patriot Act » et son successeur, le « USA Freedom Act », la logique est toujours la même : contrôle et surveillance, sous couvert de réforme – les lanceurs d’alerte ont du bon. C’est un fruit auquel, une fois goûté, l’on peut difficilement résister. Avec la loi antiterroriste, la France cède à la même tentation moderne et totalitaire.
USA Liberty Act : une pseudo réforme
Depuis que le New York Times et The Hill en avaient donné quelques extraits en septembre, les associations de défense des libertés civiles étaient dans l’attente de cet énième renouvellement de la section 702, l’une des parties les plus controversées du FISA, puisque, limitée officiellement à « la collecte de communications électroniques par des personnes non américaines à utiliser dans la défense de notre pays », elle a généré, dans les faits, une collecte massive de données plurielles des Américains via les fournisseurs de services Internet, sans pratiquement aucune restriction et très peu de contrôle judiciaire.
Encore une fois le Congrès a été largement pressé par la communauté américaine du renseignement et a accédé à ses désirs orwelliens. Le projet de loi donne à voir quelque arrangements pour la vitrine, prétendant répondre aux critiques fort nombreuses sur la violation de la protection de la vie privée et son manque de transparence : il limiterait d’ores et déjà certaines activités illégales de la NSA et mettrait fin à des abus…
En fait, comme le dit si bien un journaliste du New American, « Rien de si patriotique ne peut être exempt de compromis désagréables »… Show must go on.
Cette notion-paravent de « sécurité nationale » pour la surveillance globale
POGO (Project On Government Oversight), organisation non partisane qui surveille les dépenses publiques, soulève trois points de cette nouvelle législation. A savoir que les dénonciateurs, ceux qu’on appelle les lanceurs d’alerte, ne sont encore pas assez protégés contre les représailles de leurs employeurs. Que le conseil de surveillance du gouvernement est exempté des lois sur la transparence (Sunshine Act). Et que ce programme global, surtout, continue de mettre en danger les libertés civiles des Américains.
Un article du site Tom’s Hardware, consacré aux nouvelles technologiques, montre bien que « USA Liberty Act » est toujours un outil d’espionnage, qui, à côté de certaines réformettes, codifie également en droit la collecte massive de données des Américains ainsi que la capacité de la NSA de partager des données avec d’autres agences nationales. L’année dernière, Obama avait fait élargir certains décrets « qui ont permis à la NSA de partager des données de renseignements bruts sans mandat avec 16 autres agences (…) sans aucune approbation judiciaire ».
La « USA Liberty Act » semble impliquer que les données seront conservées suffisamment longtemps pour que les agences nationales puissent obtenir les mandats des juges ou d’autres types d’approbations. Les organismes nationaux d’application de la loi ont donc toujours le droit d’examiner les données saisies sur les citoyens américains par la NSA.
« En d’autres termes, la collection supposée « accessoire » commence à paraître moins accessoire et plus volontaire » : les règles (le FISA ne visait que les étrangers) semblent avoir été conçues pour céder la place aux exceptions.
La section 702 n’a pas été l’objet d’abus, elle a été conçue pour cela
Pour « Le Centre pour la démocratie et la technologie » (CDT), la section 702 n’a pas été l’objet d’abus, elle a été conçue pour cela. Une énième réforme ne devrait la changer en rien, si ce n’est asseoir et conforter son objectif natif : la surveillance sans restriction, dénoncée en son temps par Snowden, en partie à travers les deux programmes Prism et Upstream autorisés par la section 702, qui contrôlent les métadonnées via les grandes entreprises technologiques américaines, et permettent de puiser directement dans les flux de données circulant dans les infrastructures réseau.
Après avoir avalé la couleuvre Snowden, le gouvernement américain avait battu sa coulpe et dégainé l’USA Freedom Act, en juin 2015, censé panser les plaies d’un peuple trahi. Comme le notait un autre journaliste du New American, l’utilisation du mot « patriot » dans le « Patriot Act », voulait persuader les Américains que la manière « patriotique » de faire face au terrorisme était de commercer la liberté pour la sécurité. Dans le « Freedom Act », l’utilisation du mot « liberté » vise à les convaincre que leur liberté leur est rendue, en « réformant » soi-disant cette société de surveillance… Billevesées.
« USA Liberty Act » réutilise avec la même hypocrisie cette notion de « liberté », en utilisant un autre mot possédant une nuance à la fois plus générale et personnelle – il veut enfoncer le clou. Une outrecuidance affolante pour beaucoup de critiques américains. Mais il faut, non seulement que le dispositif se maintienne mais qu’il soit accepté, voire promu par ceux qu’il implique.
En France aussi, on emprunte le même chemin. Approuvé mardi 3 octobre par l’Assemblée nationale, le projet de loi antiterroriste va prendre la suite de l’état d’urgence tout en gravant dans le marbre les grandes lignes d’un aménagement temporaire : l’exception rentre dans le rang, au nom de la sacro-sainte sécurité nationale. A qui profite le terrorisme islamique ?