Ce n’est que le début d’une longue série de nominations et de prix. La très établie Los Angeles Film Critics Association (LAFCA) vient de décerner ses trois plus hautes récompenses au film pédéraste « Call me by your name ». Un écho à l’année 2005, où elle récompensait de manière similaire le film gay « Le Secret de Brokeback Mountain ».
Plus de dix ans plus tard, la critique est moins controversée, tristement plus unanime…mais l’écart d’âge fait néanmoins réfléchir le pourtant bien progressiste Slate…
Déjà consacré deux fois « meilleur film »
« Call me by your name » vient donc d’être sacré « meilleur film 2017 » par la très établie Los Angeles Film Critics Association. Et son personnage principal, à savoir l’acteur Timothée Chalamet qui joue le jeune Elio, a remporté le prix du meilleur acteur. Tandis que Luca Guadagnino a partagé le prix du meilleur réalisateur avec Guillermo del Toro.
Trois consécrations qui en attendent d’autres. Et qui ont eu des précédents : quelques jours auparavant, la New York Film Critics Circle a aussi donné à Timothée Chalamet le prix du meilleur acteur, et les Gotham Awards ont distingué le long-métrage comme meilleur film. Le film détient également une note de 98 sur 100 sur le site web dévolu aux critiques et aux informations sur les films, « Rotten Tomatoes ».
« Call me by your name » raconte l’idylle pédéraste d’un été, dans les années 1980, d’un homme jeune de 24 ans et d’un jeune homme de 17 ans. Lors de son premier week-end d’ouverture du quatre écrans, il a recueilli la moyenne la plus élevée par cinéma de 2017.
Un écart d’âge qui reste dérangeant… même parfois à gauche
The Guardian, aussi, évoque une critique assez unanime, de spécialistes reconnus aux initiés d’Hollywood, en passant par les ados du site communautaire Reddit. Néanmoins, certains se sentent obligés de concéder sinon leur mal-être, du moins celui des autres. Comme Jeffrey Bloomer qui écrit pour Slate (qui n’est pas vraiment conservateur). Bien qu’il considère le film comme l’« histoire d’une découverte, urgente et belle », il admet que certains spectateurs pourraient être probablement dérangés par la représentation qui est faite de la relation.
« L’écart d’âge va faire réfléchir plus de gens que simplement les trolls de droite – il a fait réfléchir mon compagnon progressiste lors d’une projection en avant-première ».
Tout en maintenant que « les lois sur l’âge de consentement ne sont pas une ligne rouge universelle qui rend automatiquement une relation prédatrice ou non », Jeffrey Bloomer s’interroge sur le caractère « éthique » de la chose, par-delà sa légalité. Et conclut de la façon suivante : « À mon avis, il est raisonnable d’être dérangé par la relation non conventionnelle dans « Call Me by Your Name », mais il n’est pas raisonnable de dire que le film endosse la pédophilie ou tout abus basé sur le pouvoir, simplement parce qu’il dépeint cette relation. »
L’Eden sexuel universel de « Call me by your name »
C’est bien le problème. Le film tout entier part et parle du désir du jeune homme, face à l’autre qu’il convoite et qu’il veut : dans une sorte d’Eden, au bord d’un lac italien, sous la chaleur de l’été, subir la puissance tranquille et irréfragable de l’attraction sexuelle, intellectuelle et sentimentale. C’est la célébration du plaisir, avant tout, croquer dans un fruit mûr ou écouter une ballade au piano.
Pas de haine, pas d’ostracisme, pas d’emprise non plus… Cet adolescent ne connaît pas ni ce dont la propagande LGBT affuble les prétendues jeunes victimes de l’homophobie ambiante, ni les affres de la pédophilie. Comme le disait le magazine Variety, « Elio représente l’aube d’une nouvelle manière ». Nouvelle manière de répondre à sa sexualité, la sexualité. Qui est plurielle – et personnelle. Universelle.
Rappelons encore que les deux héros ne sont pas fondamentalement gays, ni l’un, ni l’autre : Elio, qui ne s’intéresse pas aux garçons de son âge, court une jeune Italienne tandis qu’Oliver néglige ses relations hétérosexuelles chez lui.
La sexualité gaie tempérée d’un film qui veut normaliser
L’écrivain Chad Felix Greene s’est inquiété de ce « grand message » que le film envoie aux adolescents LGBT (et aux autres, a-t-on envie de rajouter) : « C’est un message culturel pour les adolescents : rechercher des partenaires adultes et romancer des relations qu’ils ne sont pas encore capables de gérer. Cela normalise cette perspective à tel point que les gens ne peuvent pas comprendre pourquoi elle serait faussée. Cela justifie la légalité en tant que mesure de la moralité » (et ça séduit d’autant plus que cela se passe entre riches intellectuels blancs).
De l’autre côté de la barrière, certains ont regretté le côté « aseptisé » de la relation (dans le New Yorker, Richard Brody regrette la « très petite intimité cinématographique » des deux hommes), le fait que tout cela soit plus suggéré que sexuellement explicite. Pourtant, « Call Me By Your Name » semble bien avoir été désigné « porte-drapeau arc-en-ciel 2017 ». Et ils ne se trompent pas. Le film fera bien mieux pour eux que beaucoup de navets gays.