Les réalisateurs d’un film biographique sur Winston Churchill n’ont pas pu faire l’économie des accessoires qui sont devenus la marque de fabrique de l’homme d’Etat britannique. Le chapeau, le nœud papillon et le cigare sont au rendez-vous. Mais un peu comme Mein Kampf assorti d’une préface de mise en garde, le « biopic » s’accompagne d’un message aux spectateurs signalant que la présence d’un barreau de chaise incandescent dans la bouche du héros « n’est due qu’à des préoccupations d’ordre artistique ». Une censure qui a fait bondir les historiens et les biographes de Churchill, pour qui ce politiquement correct est non seulement insupportable, mais susceptible de produire l’effet inverse de celui recherché – et ridicule par dessus tout.
Il faut dire que les réalisateurs d’Universal Pictures n’ont pas lésiné : la mise en garde qui figure au générique de fin est du genre bavard. « Les représentations de tabagisme contenues dans ce film ne sont dues qu’à des préoccupations d’ordre artistique et n’ont pas pour objectif de promouvoir la consommation de tabac. Le ministère de la santé a établi que de graves risques de santé sont associés au tabagisme et au tabagisme passif. »
Le cigare de Winston Churchill est politiquement incorrect
Bref, n’allez pas croire qu’en consommant de gros cigares, vous allez gagner la Seconde Guerre mondiale, ni aucune autre d’ailleurs – on vous aura prévenu !
Sous le titre Darkest Hour (« L’Heure la plus sombre »), avec Gary Oldman dans le rôle titre, la sortie du film est prévue au Royaume-Uni le mois prochain et raconte l’action de Churchill au cours de l’année 1940, avec une première scène qui le montre assis, fumant dans une pièce obscure. La deuxième transporte le spectateur dans le métro de Londres, où, fumant toujours, Winston Churchill se penche sur un bébé de cinq mois. C’est sans doute beaucoup plus grave que de balancer des bombes sur Dresde ou de partager le monde entre l’Union soviétique et l’Occident, comportement auquel n’est associé aucun avertissement. Faisant cela, Churchill était pourtant nettement plus dangereux pour l’humanité, et même pour la planète.
Censure dans un nouveau film sur Winston Churchill : filtrage de mouches
Pour Mary Beard, professeur d’humanités à Cambridge, la censure « ne fera qu’ajouter à la tentation » de fumer. Un autre historien de Cambridge, spécialisé en histoire européenne contemporaine, Richard Evans, pense au contraire : « Je n’imagine pas que ce film va inciter beaucoup de gens à se précipiter pour acheter des cigares. »
Le biographe Hugo Vickers s’amuse, quant à lui. Les réalisateurs auraient dû ajouter une ligne à son avis : « Sir Winston Churchill a atteint l’âge de 90 ans. »