Les autorités turques célèbrent avec faste l’anniversaire de la bataille des Dardanelles, qui vit la victoire de l’Empire ottoman sur les forces alliées en 1916. Un choix étrange, au moment où elles demandent à entrer dans l’Union européenne. Et imposent à celle-ci de choisir une mémoire pour l’Europe.
Rien ne commandait de telles célébrations. Le débarquement de Gallipoli, alias bataille des Dardanelles, commença bien un vingt-cinq avril, mais 1915, le centenaire aura lieu l’an prochain. Quant à la victoire turque, elle ne fut définitive que le 9 janvier 1916. Sans doute cela fut-il une sanglante erreur organisée par Churchill, alors premier lord de l’Amirauté britannique, mais l’on ne voit pas très bien l’intention du gouvernement d’Ankara.
Que devrons-nous faire le 29 mai ?
On pourrait imaginer, dans le même ordre d’idée, que le Saint Siège organise des festivités extraordinaires pour rappeler Lépante, le sept octobre, ou les Autrichiens et les Polonais la levée du siège de Vienne le douze septembre. Ou, pour corser les petites réunions entre amis, Angela Merkel pourrait inviter François Hollande deux fois par an, le premier septembre pour fêter 1870 et le dix mai en souvenir de 1940. Il semble bien que la décision d’Erdogan relève du nationalisme au plus mauvais sens du terme et de la discourtoisie envers des gens auquel il demande par ailleurs de l’accueillir. Maintenant la question se pose aux penseurs de Bruxelles : s’ils prétendent faire de l’Europe un ensemble politique cohérent, dont les membres ne se regardent pas en chien de faïence, il faudra construire une mémoire pour l’Europe. Et nous dire par exemple s’il faut pavoiser ou mettre les drapeaux en berne le 29 mai, jour, chacun le sait, de la chute de Constantinople.