Le Monde publie un sondage sur les jeunes à l’école. Ils seraient las de la politique traditionnelle, plus portés sur l’humanitaire et l’environnement. Pour répondre à cette mutation, l’Education nationale préconise une scolarité plus politisée, qui conditionnerait l’obtention du bac.
Ce n’a l’air de rien, c’est un sondage comme il y en a des milliers chaque année, commandé par un machin comme en sécrètent en permanence la bureaucratie en général et le mammouth de l’éducation nationale en particulier. Celui-là a pour acronyme CNESCO, Conseil national d’évaluation du système scolaire, et fut fondé en 2013 par Vincent Peillon, ministre, dans sa « loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République ».
Les jeunes n’aiment ni ne connaissent la politique traditionnelle
Dans sa grisaille administrative et son jargon pédagogique, ce sondage débouche à la fois sur une école plus politisée et une mutation du politique. Il s’intitule « Bénévolat, projets citoyens , élections, vie du lycée… »: les lycéens veulent-ils encore s’engager ? ». Ça ressemble à une tarte à la crème et c’est le premier chapitre d’une enquête nationale sur l’école et la citoyenneté. 6 600 élèves de terminale ont répondu. Les médias leur ayant appris que la politique est décevante, ils régurgitent bien la question de cours. Deux tiers d’entre eux ont une confiance modérée dans le système démocratique et seuls 37 % se « sentent capables de participer à la vie politique ». Un tiers envisage une action syndicale. Après douze ans d’éducation civique, seuls 56 % des élèves de terminale déclarent « bien comprendre es questions politiques qui concernent la France ». Ils se vantent.
Le sondage décrit une mutation politique souhaitée par l’école
Cependant, si ces jeunes sont désengagés de la politique, ils ne sont pas «civiquement apathiques ».71 % d’entre eux se disent prêts à signer des pétitions, 62 % à participer à des manifestations et 58 % à boycotter de produits. Quelques-uns, dit-on, à faire la grève perlée du smartphone.
Ils ont intégré la mutation de la politique venue de la gauche radicale américaine. Les nouvelles formes d’action « sociale », pétitions, manifs, boycott, et les nouveaux domaines désignés à l’action (loin du régalien traditionnel), l’humanitaire, l’environnement. Là où le pouvoir manipule le mieux les affects.
Il y a pourtant dans cette troupe bien-pensante de mauvais élèves : les vrais cancres et les forts en thème. Les premiers parce qu’ils sont à peine capables de jouer avec leur portable, les derniers parce qu’ils préparent Normale et qu’ils se fichent du vulgum pecus. Le bénévolat n’est pas leur truc, plus d’un sur dix est décidé à ne jamais s’investir dans les affaires de la cité, près d‘un tiers n’a pas confiance dans la démocratie.
L’école doit politiser les jeunes, pour ceux qui ont commandé le sondage
Cela navre le CNESCO. Le lycée est tout de même, après la crèche, le premier lieu où les jeunes apprennent à vivre ensemble. Il faut leur donner l’occasion de s’engager. Aux Etats-Unis, les élèves doivent participer à des « community services » pour valider leur dernière année d’école. Le CNESCO préconise donc un « compte temps de bénévolat » nécessaire à décrocher son bac. En gros, on donnera des bons points à ceux qui se seront engagés dans le vivre ensemble, dans l’humanitaire et l’environnement, donc les jeunes les plus politisés selon les canons de la mutation politique en cours. Le système tourne bien rond : un sondage prétend que les jeunes ont intégré la nouvelle mentalité qu’on leur inculque, et, pour l’amplifier, on préconise les nouveaux moyens d’accélérer la Révolution. Telle est la refondation de l’école, sous Blanquer comme sous les autres.