Les errements (et les résultats) du système de santé soviétique archi centralisé auraient pu freiner les ardeurs occidentales… mais non. La Grande-Bretagne, tout particulièrement, fait montre d’une opiniâtreté à toute épreuve quoique son système se délite un peu plus, année après année… Des responsables ont déclaré que les opérations non urgentes auraient des délais de plus en plus grands, et qu’il était normal que les jeunes médecins aient des horaires corrects. Actuellement, les deux tiers des médecins généralistes ne travaillent plus qu’à temps partiel… On nous vante la gratuité et l’égalité d’accès aux soins : mais ces soins risquent de s’amoindrir et on ne parle pas de la qualité – quant à la liberté de choix du patient, on peut oublier. C’est un horizon similaire qui se profile en France.
Bienvenue en Socialie médicale – la santé devient rationnée.
Santé : 18 semaines pour une hanche ? Ce sera beaucoup plus, ma brave dame…
La NHS avait auparavant pour objectif de traiter les patients dans les 18 semaines suivant la consultation de leur médecin généraliste : ce sont désormais des mois d’attente qui se profilent pour les opérations dites de routine, id est « non urgentes », comme celles de la hanche, du genou ou encore de la cataracte… « Nous avons besoin de personnes qui peuvent attendre plus longtemps », a déclaré un cadre hospitalier anonyme du NHS dans le Daily Mail, pour pouvoir se concentrer sur les accidents, les cas d’urgence ou les traitements des cancers.
La Constitution de la NHS doit pour lui refléter « les changements significatifs de la pratique clinique ». Changements dus à la pression croissante… des patients (qui vieillissent), des immigrés (qui se multiplient) des soigneurs (qui se raréfient) et de l’argent disponible (qui se raréfie aussi). Il faut être « réaliste » selon le PDG d’un des plus grands groupes d’enquête de la NHS, des décisions « vraiment difficiles » doivent être prises.
Les autorités ont averti que la NHS avait du mal à se relever après le pire hiver jamais enregistré : le nombre de patients en attente d’une opération a atteint 4,3 millions, le plus haut niveau en dix ans ! La santé devient rationnée. Un prix terrible à payer, en particulier pour les personnes âgées qui, en plus d’en souffrir, peuvent devenir dépendantes pour une opération retardée ad vitam.
Temps partiel pour deux tiers des médecins généralistes – une génération gâtée ?
Où sont les médecins ? Pulse, un magazine médical, a analysé les chiffres de la NHS de mars pour révéler que des milliers de personnes abandonnent des postes à plein temps, partent à l’étranger ou vont dans le secteur privé. Les deux tiers des médecins généralistes ne sont plus qu’à temps partiel : seulement 31 % d’entre eux travaillent 37,5 heures par semaine, soit 4 % de moins qu’il y a trois ans – la baisse est rapide. Et parmi les généralistes de la NHS, 1 poste de médecin sur 7 est vacant.
Trop de travail, trop de stress…
Mais aussi, c’est un autre article du DailyMail qui s’en fait l’écho, une autre conception du travail, en particulier chez les jeunes générations, celle des millénials, la génération « flocon de neige », qui ne veut plus, de l’avis d’un responsable de la NHS, travailler la nuit ou les week-ends… et ils pourraient aller voir ailleurs, si on ne les écoute pas ! Mais les plus anciens s’accommodent de ces horaires anti-sociaux depuis bien longtemps… Un vrai conflit intergénérationnel, d’autant que ces jeunes raisonnent le plus souvent en carrière à court terme.
Alors, évidemment, l’Association médicale britannique a reconnu qu’il n’était « pas surprenant » que les médecins généralistes, sur-employés, recherchent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Mais c’est là où on voit, au passage, qu’il est difficile de marier une population professionnelle qui a acquis un mode de vie très occidental voire capitaliste et un système de santé centralisé soviétoïde…
Le système centralisé se meurt ?
A côté de ça, le désert médical s’étend. Il y avait en juin, en Angleterre, 107 743 postes vacants dans la NHS, une augmentation de 9,4 % par rapport à mars 2017. Comme le faisait remarquer le think tank The King’s Fund, les pénuries de personnel infirmer risquent tout particulièrement de devenir un cas d’urgence nationale. Quant à regarder vers l’avenir, il n’est pas glorieux : les chiffres officiels montraient en février que 41 %, soit environ 10 000 médecins généralistes, partiront en retraite dans les cinq à dix prochaines années.
Alors, un plan est bien prévu ! L’État a déclaré, en avril dernier, qu’il allait injecter 2,4 milliards de livres sterling pour tenter de combler cette pénurie de médecins généralistes. Et 5 000 médecins généralistes supplémentaires seraient recrutés d’ici 2021… mais recrutés où, c’est une autre question – le Daily Mail parle de « médecins bon marché ». L’État parle, lui, de « médecins associés » qui pourront effectuer diagnostiquer les patients, recommander des traitements, effectuer des interventions mineures.
Curieusement, la même situation se profile en France, où Macron vient d’annoncer dans son plan Santé, mardi, la création de 4 000 postes d’« assistants médicaux » d’ici quatre ans, qui pourront s’acquitter de tâches simples comme prise de tension etc…
Le système centralisé soviétique se promettait d’être plus humain – on a vu ses résultats. Qu’en sera-t-il de nos systèmes qui prennent le même chemin ?
Clémentine Jallais