Envoyé spécial : reportage a priori

Envoyé spécial : reportage a priori
Une affaire inédite oppose les habitants d’un quartier près de Grenoble à France 2 : ils accusent l’émission Envoyé spécial d’avoir fait sur eux un reportage a priori et déformé sciemment leur image. Au delà de l’aspect juridique se dessine une défiance croissante des Français pour la façon dont les médias les représentent.

Cette affaire pose trois questions distinctes. D’abord les faits. Ce sont des données sinon toujours mesurables, du moins constatables. Quelle est la situation à Villeneuve, quelles sont les statistiques de police et de justice par exemple.
Ensuite le droit. Avant que l’enquête ne soit menée, France 2 l’aurait commandée à une société de production avec pour titre : Villeneuve, de l’utopie à l’enfer. Si, comme dans certains coins de banlieues, la loi des dealers est imposée, si, comme dans certains endroits de Marseille, on s’y bat à la Kalachnikov, et que des mineurs de quinze ans y trouvent la mort, on peut soutenir, peut-être, que passer commande d’une enquête comportant le mot enfer dans son titre est légitime.

La cécité des gros médias

Et puis il y a le bon sens. A un moment où la profession de journalistes rejoint dans le discrédit celle de politique, où les Français se défient ouvertement de l’information était-il opportun pour une émission comme Envoyé spécial, qui prétend à un certain sérieux, de déclarer les jeux faits à l’avance avec un titre de reportage a priori ? Et l’intérêt de l’enquêteur, le petit plus apporté par un bon journaliste, n’est-il pas précisément, à mesure que l’on décrit nettement une situation difficile, d’y apporter quelques nuances, quelques compléments qui permettent de mieux comprendre ? Disons les choses clairement, chacun d’entre nous a un jour été longuement interrogé sur un sujet qu’il connaissait : s’efforçant d’être à la fois clair, précis et nuancé, il n’a vu retenir après montage que le plus plat, le plus caricatural, le moins significatif. Il faudrait que nos confrères des gros médias finissent par le comprendre.