Jamais depuis les accords du Latran le Vatican n’avait mené un tel procès profane, à propos de l’affaire dite de l’immeuble de Londres, au terme de laquelle un cardinal, Angelo Becciu, et neuf autres inculpés ont été lourdement condamnés. Le pape François, poursuivant l’effort de clarification des finances vaticanes lancé par Benoît XVI, avait confié à un tribunal laïc, et au parquet de Rome, le soin de débrouiller l’imbroglio financier noué à partir de 2014 autour de l’achat au-dessus de son prix, et de la revente, d’un immeuble situé dans le centre de Londres, placement spéculatif ayant mal tourné et donné lieu à des détournement de fonds. Un enchevêtrement que les magistrats ont pris neuf ans à éclairer, et où il a été souvent question de fraude, blanchiment, corruption et extorsion. Et le Denier de Saint Pierre y a été utilisé. En 2023, les sentences, lourdes, sont tombées. Mais aujourd’hui, c’est l’un des protagonistes les plus douteux, le financier italo-britannique Raffaele Mincione, qui se retourne contre le Pape. Et qui le poursuit devant l’ONU. En l’accusant notamment d’avoir obtenu certaines informations en autorisant des écoutes téléphoniques qu’il juge illégales. Cette accusation n’a pas de sens, puisque le pape est le chef légal et légitime de l’Etat du Vatican aux termes des accords du Latran. L’autre accusation porte sur la procédure suivie. Mincione se dit victime d’une « chasse aux sorcières » et ne reconnaît pas la compétence du tribunal qui l’a condamné : « Mes droits fondamentaux ont été piétinés et ignorés. Comment pourrait-il être admissible que je sois condamné pour avoir transgressé une loi spirituelle qui s’applique seulement aux membres de l’Eglise, qui ne semble pas s’appliquer à quiconque d’autres qui s’occupe d’investissements au Vatican, et dont je ne savais rien. » Ce que cet excellent compère nomme « loi spirituelle » est le droit canon. Il est possible qu’il n’en ait jamais entendu parler, mais neuf autres prévenus (et non « personne d’autre ») ont été condamnés comme lui pour des faits et sous des qualifications parfaitement compréhensibles et punissables par la loi pénale ordinaire. Cela n’a pas empêché Mincione de gémir : « Cela a été une expérience dévastatrice pour moi et ma famille et j’espère vraiment que les Nations unies vont poursuivre le Vatican en justice. » C’est un peu gros, mais on ne sait jamais avec l’anti-papisme féroce des Anglo-saxons. Le pape a bien évidemment raison en la matière, mais à force de mélanger les genres, politique et religion, dans l’ouverture au monde, on s’expose à ce genre de retour de bâton.