On sent de l’exaspération chez le cardinal Gerhard Müller. Au cours d’un long entretien avec Raymond Arroyo de la chaîne de télévision catholique américaine EWTN – déjà évoqué sur reinformation.tv à propos du scandale des prêtres prédateurs sexuels – l’ex-préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi a donné son avis sur l’accord qui vient de se conclure entre la Chine et le Vatican. Il a expliqué « faire davantage confiance au cardinal Zen », qui a qualifié l’accord d’« incroyable trahison », qu’aux signataires romains du texte qui, force est de le constater, ont l’entier soutien du pape François.
Précisant qu’il n’avait lui-même rien d’un expert en diplomatie entre la Chine et le Saint-Siège, le cardinal allemand a tout de même tenu à dire à quel point il est préoccupé, à la suite de cette signature, par la préservation de la vérité chrétienne et de la liberté religieuse des catholiques en Chine.
« Pour moi qui suis théologien, la vérité de la Révélation et l’autonomie de l’Eglise quant à la doctrine et la vie religieuse viennent d’abord. Cet accord est-il fondé sur la liberté religieuse ? », a-t-il demandé.
Le cardinal Gerhard Müller fait confiance au cardinal Zen pour juger des affaires religieuses en Chine
De fait, il y a de quoi se poser les questions puisque le contenu exact du texte n’a pas été révélé. A peine sait-on que les évêques nommés par l’association patriotique qui rassemble les catholiques officiellement reconnus par le pouvoir communiste en Chine ont été établis dans la communion avec Rome, tandis que le pape est nominalement reconnu comme chef de l’Eglise catholique. On parle de son droit de veto sur la nomination des évêques dans cette Eglise « patriotique » ouvertement soumise au pouvoir du parti communiste chinois, sans savoir dans quelle mesure ce droit est limité – or il semble bien l’être de manière notable. On sait aussi que deux évêques fidèles à Rome au sein de l’Eglise clandestine ont été invités à céder leur place à des évêques officiels. Tout un ensemble qui, pour le cardinal Zen, consiste à livrer les brebis en pâture aux loups.
C’est avec toutes ces questions que le cardinal Müller s’est montré en phase, et il s’en est expliqué : « Je fais davantage confiance au cardinal Zen parce qu’il a toute son expérience avec les communistes, de leurs mensonges et de leurs persécutions. (…) Certainement, le pape a l’office et la charge de rappeler ces schismatiques à la pleine communion avec l’Eglise, mais la question est celle-ci : quel est le prix à payer ? Pouvons-nous conclure un accord – la Sainte Eglise, le Corps du Christ – avec des communistes athées ? »
L’accord du Vatican avec la Chine s’est fait avec des communistes athées
Que le cardinal Müller affiche publiquement son accord avec le cardinal Zen à ce sujet témoigne de sa part d’une disposition inédite à exprimer une critique vive de la hiérarchie vaticane, même si par le passé, il a plus discrètement contesté telle ou telle décision, comme le licenciement subit de trois prêtres, excellents collaborateurs de la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Dans le même entretien, le cardinal a multiplié les libres propos, demandant par exemple qu’un procès canonique soit ouvert contre le cardinal McCarrick et dénonçant le langage des droits et d’ouverture qui a facilité le scandale des abus sexuels.
Gerhard Müller s’est demandé au micro si le parti communiste chinois accorde à l’Eglise catholique et aux autres dénominations chrétiennes, ainsi qu’aux autres religions, « une liberté complète fondée sur les droits de l’homme ». Sans entrer sur la discussion sur la pertinence des droits de l’homme sans Dieu comme fondement de la liberté religieuse des catholiques, on notera que le cardinal n’a pas hésité à condamner un système politique où le « parti tout-puissant » est « la religion du peuple ».
Le cardinal Gerhard Müller dénonce l’emprise du Parti unique sur la religion
Il a précisé : « Il est absolument contraire à la loi naturelle qu’un groupe d’hommes, ou un homme, le dictateur, ou la dictature d’un parti ait le pouvoir absolu ou le pouvoir spirituel sur la conscience du peuple. »
Le cardinal Muller estime que le seul fondement d’une réconciliation entre le Saint-Siège et les évêques illégalement créés en Chine serait le respect de la part du gouvernement chinois de la liberté religieuse de l’église catholique. « Nous devons refuser toute interférence des pouvoirs politiques dans notre vie religieuse », a-t-il conclu.
Mais tout porte à croire que c’est la solution inverse qui a été adoptée.