COMEDIE Aferim ! ♠


 
Aferim ! , qui signifie félicitations en turc, est un film roumain difficilement définissable, ce qui ne le rend pas plus intéressant pour autant. Il tient largement du western par son action centrale : dans la future Roumanie de 1835, deux policiers, un père et son jeune fils, poursuivent un voleur fugitif. Mais l’action comme les personnages sont traités systématiquement avec une ironie immédiatement perceptible, à plusieurs degrés, ce qui fait que le film tient plutôt de la comédie. Fondamentalement, il s’agit d’une farce balkanique, fantaisie grossière, qui se comprend difficilement hors de son contexte culturel d’origine. Par exemple, la réponse à la question posée par les policiers à un pope sur l’appartenance ou non au genre humain des Juifs ou des Tziganes, est construite à partir de citations de livres bibliques apocryphes très populaires parmi les moines des Balkans, avec la thèse paradoxalement peu orthodoxe d’une humanité pré-adamique.
 

Aferim ! : peu recommandable

 
Le réalisateur s’est livré à un exercice de style multiple. Il a inclus dans les dialogues de ses personnages des citations d’une quinzaine de grands écrivains roumains. Démarche que seront en mesure d’apprécier les seuls connaisseurs de la littérature roumaine, assez rares en France. Sur le plan esthétique, il a multiplié les décors, les costumes, les cadrages, les couleurs – ou plus exactement leur absence, usant des nuances de noir et blanc – et les hommages à Eisenstein, imité d’assez près. Si le talent du réalisateur soviétique est hors de doute, il a toutefois servi sans finesse une idéologie détestable. Et, chose désagréable, les moines et popes d’Aferdim semblent un prolongement des lourdes caricatures anticléricales du cinéaste communiste. Le fugitif est un esclave tzigane. D’où des descriptions longues de la souffrance de cette communauté il y a un peu moins de deux cents ans. Sans douter du caractère pénible de la condition rom dans la Valachie de 1835, la fresque brossée au pinceau épais est vraisemblablement des plus excessives. Là encore, il y a un hommage appuyé aux moujiks d’Eisenstein. La farce balkanique comprend enfin moult vulgarités et obscénités, des plus regrettables. Exotique certainement, Aferim ! n’en reste pas moins peu recommandable.
 

Hector Jovien

 
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