L’archevêque émérite de La Plata en Argentine, Mgr Hector Aguer, fait le lien entre l’essor de la « tradition », en particulier de la tradition liturgique, parmi les jeunes, et la juste réaction face à l’abominable blasphème de la cérémonie d’ouverture des JO à Paris. Dans une réflexion publiée à l’occasion de la fête de l’Assomption, ce prélat qui avoue n’avoir jamais célébré autre chose que le nouveau rite de la messe, « avec la plus grande dévotion et le plus grand amour possibles », n’hésite pas à dénoncer ses origines et, en creux, son manque de « profondeur théologique » et de « beauté littéraire » dont il crédite la messe traditionnelle. Il montre comment elle éblouit les jeunes catholiques et décrit en somme comment leur rejet d’« artifices novateurs » s’accompagne de fruits visibles : le souci de créer des familles respectueuses des principes de la chasteté évangélique, et celui de féconder la société elle-même par la mise en œuvre de la sûre doctrine de l’Eglise. « Le progressisme est stérile », observe-t-il au début de sa réflexion ; sa conclusion affirme : « La jeunesse de l’Eglise, don du Christ ressuscité, est l’actualité pérenne de sa Tradition. » Une vraie renaissance…
Les jeunes préfèrent la tradition au progressisme
Voilà un bel encouragement à cultiver ce respect de la tradition de l’Eglise sur tous les plans ! Voici la traduction intégrale de ce texte de Mgr Hector Aguer, publié en espagnol par nos confrères d’Infovaticana. – J.S.
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Mgr Hector Aguer : La tradition, jeunesse de l’Eglise
Une idée reçue veut que la tradition soit constituée par l’enchaînement des traditions portées par les anciens, et que les jeunes soient attirés par la nouveauté, par l’invention d’artifices novateurs. Mais la réalité de la vie de l’Eglise, et de la brèche qui s’y est ouverte, fait mentir cette supposée vérité. Depuis Vatican II, le progressisme a régné comme expression de la réalité ecclésiale, c’est-à-dire de la présence ecclésiale authentique. Or, une appréciation réaliste de ce qui se passe montre que le progressisme est stérile, incapable d’une nouveauté qui s’ouvre sur l’avenir. Les faits sont indiscutables : les séminaires diocésains et les noviciats religieux sont vides, les communautés sont au bord de l’épuisement, bref, les illusions sont toutes contredites par une vérité indéniable. Cela est particulièrement vrai en Europe, où l’on a cessé de faire confiance en la Tradition authentique, qui se renouvelle sans cesse selon une loi qui exprime la Volonté du Seigneur, l’Epoux céleste de l’Eglise, qui est Mère et Maîtresse, et qui, par conséquent, abonde en fils et en disciples.
Le panorama de décadence et de mort résultant de la persécution arbitraire de ce qui est réellement nouveau, cède désormais le pas devant un phénomène incontestable où brille l’Espérance : dans les vieux recoins délabrés où régnait le syndrome postconciliaire, des multitudes de jeunes découvrent avec joie la Tradition de toujours et l’accueillent comme la réalité authentique d’une Eglise qui s’épanouit pour porter du fruit dans la société contemporaine. Ainsi s’ouvre un nouveau cycle chrétien. Cela est particulièrement vrai aux Etats-Unis, où un renouveau eucharistique commence à se faire jour, dont le récent Congrès eucharistique national et les importants pèlerinages qui l’ont précédé sont des expressions claires et encourageantes. Il existe des situations comparables, par exemple dans des pays comme l’Argentine et l’Espagne, où certaines paroisses et certains groupes débordent d’une jeunesse fervente, sérieusement engagée dans la recherche de la gloire de Dieu et de sa propre sainteté. Ils sont de plus en plus nombreux à participer aux pèlerinages de Notre-Dame de Chrétienté et à d’autres manifestations publiques de la foi, dans lesquelles se manifeste un catholicisme clair, qui ne craint ni le témoignage, ni l’héroïsme.
Le cas de la France est surprenant : les autorités ecclésiastiques y en ont eu assez de persécuter le lefebvrisme et les jeunes recréent des traditions joyeuses aux racines séculaires. La messe traditionnelle est bien antérieure à l’invention d’un nouveau rite, œuvre d’un franc-maçon qui s’était emparé du prétendu héritage de Vatican II. Le nom de Mgr Bugnini leur dit-il quelque chose ? Les jeunes sont éblouis par le latin, la propre langue du catholicisme. Le phénomène auquel j’ai fait allusion impose paisiblement sa réalité : des séminaires et des noviciats qui reprennent vie tout comme des familles nombreuses dans lesquelles règne Humanae vitae et sa défense de la chasteté évangélique, et une société qui retrouve le sens chrétien inscrit dans les encycliques de Léon XIII. Il est l’avenir, en somme, de l’Eglise dont le regard est tourné vers l’avènement du Seigneur, toujours présent.
Ce que j’ai écrit sur le goût des jeunes pour le latin est très significatif. La messe de toujours – dont Benoît XVI a dit qu’elle n’avait jamais été abolie – se caractérise par sa profondeur théologique et sa beauté littéraire, qui plongent leurs racines dans le VIe siècle. La théologie reprend le Credo de l’Eglise, et quant à la langue, il faut rappeler que la messe n’était pas récitée mais chantée, tout simplement ; en cela, le rite latin s’identifie aux différents rites orientaux. Un atout original y réside dans le chant grégorien, avec son rythme libre et ses passages complexes et pourtant très limpides, et qui se prêtent au chant choral. Le drame est que les autorités ecclésiastiques l’ont abandonné et l’ont remplacé par la guitare. En Argentine, il y a eu de précieuses trouvailles pour la « Nouvelle Messe » en espagnol, tel que le recueil de Psaumes composé par le Père Osvaldo Catena. Mais, malheureusement, ce qui s’est répandu en général ne possède pas de valeur musicale appréciable.
Mgr Aguer salue la légitimité et la richesse de la tradition
Je parle en toute autorité. Depuis mon ordination sacerdotale, je n’ai célébré que la Messe de Paul VI, avec la plus grande dévotion et le plus grand amour possibles. Je n’ai jamais célébré la messe traditionnelle.
Le phénomène nouveau de l’influence des jeunes au sein de l’Eglise catholique s’est manifesté sans détours face au blasphème qui a altéré l’ouverture des Jeux olympiques. Il s’agissait d’une parodie, avec des travestis et des drag queens, de la dernière Cène de Jésus avec ses disciples, une scène qui a été historiquement exploitée par de grands peintres comme Léonard de Vinci. Combien cette version a dû être scandaleuse pour que la Conférence épiscopale française, habituellement si réticente, regrette vivement la moquerie et la dérision du christianisme, soulignant qu’elle était le fruit des préjugés de certains artistes. Il s’agissait d’une séquence intitulée « Festivités », dans laquelle le Seigneur et les apôtres étaient représentés par des personnages pervers, « un mannequin trans » et le chanteur Philippe Katerine, presque nu, et avec certains attributs de Dionysos, le dieu grec du vin et de la fête. La gauche politique a applaudi l’événement, estimant que la cérémonie avait servi à renforcer les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. En revanche, l’aile droite de Marine Le Pen a dénoncé le blasphème, auquel se sont ajoutées des images humiliantes pour la glorieuse histoire de la France.
Les jeunes du monde entier ont incarné la réaction de l’Eglise à ce débordement de culture antichrétienne. C’est dans la jeunesse qui réagit contre les moqueries infligées à la tradition chrétienne de l’Europe et à la vérité de la foi catholique que se manifeste la jeunesse de l’Eglise. Parmi les ambiguïtés du monde numérique et le développement sauvage des réseaux, ce sont aussi les jeunes qui expriment la présence du christianisme, ce sont eux qui rendent visible aujourd’hui la Tradition de l’Eglise en s’en faisant les témoins. Comment expliquer ce phénomène si ce n’est dans le Mystère de la Providence et de la présence permanente et accomplie du Seigneur : « Je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Sur cette parole se fonde notre Espérance sereine.
Une conclusion : la jeunesse de l’Eglise, don du Christ ressuscité, est l’actualité pérenne de sa Tradition.
+ Héctor Aguer
Archevêque émérite de La Plata.
Buenos Aires, jeudi 15 août 2024, Solennité de l’Assomption de la Très Sainte Vierge Marie