Il y croit dur comme fer, ou du moins c’est ainsi qu’il l’exprime : pour Anders Fogh Rasmussen, Vladimir Poutine pourrait bien décider de « tester » les capacités de réactions de l’OTAN en agressant les Pays Baltes. L’ancien secrétaire général de l’Alliance Atlantique, qui a quitté son poste à la tête de l’OTAN en septembre, a fait ces déclarations au quotidien conservateur britannique The Daily Telegraph, assurant que la probabilité était « haute » de voir Poutine attaquer les Pays Baltes pour « mettre à l’épreuve l’article 5 de l’OTAN ». Cet article stipule que toute attaque contre un pays membre de l’OTAN sera considérée comme une attaque contre l’ensemble, et déclenchera une mobilisation collective.
Pour Rasmussen – qu’il soit sincère ou qu’il joue à faire peur – le scénario est le suivant. Désirant conserver, asseoir, voire agrandir la zone d’influence de la Russie en Europe orientale, Poutine et le Kremlin déclencheront une « guerre hybride » dans les Etats Baltes, jouant sur l’importante minorité russe présente en Estonie et en Lettonie pour faire intervenir « des petits hommes verts » sans insignes reconnaissables en vue d’une intervention déguisée.
Poutine veut rendre à la Russie son statut de grande puissance
« Il ne s’agit pas du tout de l’affaire ukrainienne. Poutine veut restaurer la Russie dans son rôle de grande puissance », a affirmé Anders Rasmussen, qui verrait bien Poutine jouer de l’ambiguïté d’une telle attaque pour voir s’il peut enfoncer un coin dans la solidarité atlantiste pour pousser les plus timorés et les plus faibles des membres de l’OTAN à minimiser la manœuvre. Résultat : la Russie parviendrait ainsi à avancer ses pions tout en fragilisant l’image de l’OTAN et l’entente sur laquelle repose cette alliance. La crédibilité de l’OTAN en prendrait un coup si son conseil rejetait un éventuel appel à l’aide de la part d’un des Etats baltes.
Alors que l’OTAN a renforcé son déploiement dans la région des Pays Baltes avec la présence d’escadrons d’avions de chasse, histoire de montrer un peu les dents, Anders Rasmussen appelle l’organisation à y aligner plusieurs milliers de soldats en alerte permanente, avec la capacité d’agir de manière « préventive » dans les 48 à 72 heures. « Mais cela coûte très cher. Peu nombreux sont ceux qui en sont capables », a-t-il affirmé.
Anders Fogh Rasmussen : l’Europe n’a plus les moyens de sa défense
Et d’accuser les Européens d’avoir à ce point réduit leurs dépenses militaires depuis le début de la crise financière qu’ils peuvent à peine se défendre sans l’aide américaine : « La situation est critique. Nous avons beaucoup de soldat mais nous ne pouvons pas les déplacer. »
« Les pays de l’OTAN ont fait des coupes dans leurs budgets défense qui atteignent les 20% en termes réels sur ces cinq dernières années – chez certains il s’agit de 40% – alors que la Russie a augmenté le sien de 80%. L’agression contre l’Ukraine est un signal d’alarme », a-t-il poursuivi. « La crise libyenne nous a appris que l’Europe dépend totalement des Américains pour ce qui est du ravitaillement en vol, des drones et de la surveillance des communications. Nous n’avons pas de transport aérien. La situation est vraiment mauvaise », assure Rassmussen.
Le Telegraph pointe l’exemple belge, le « pire » de tous : « La Belgique dépense 96% de son budget défense en salaires, pensions et cantines bourguignonnes. La part réservée aux équipements militaires est tombée à 4%. »
Les Pays Baltes, l’épreuve du feu pour l’OTAN ?
L’avertissement d’un ancien chef de l’OTAN est forcément partial : il représente le point de vue de l’Alliance atlantique face à la Russie qui est dans le collimateur des puissances occidentales… tout en continuant de commercer et de participer au concert des nations dans les instances supranationales. C’est tout le paradoxe d’une situation et de propos dont on ne peut prétendre connaître les ressorts profonds.
Ce qui est clair, vérifiable et sans aucun doute le plus inquiétant, c’est que les membres européens de l’OTAN sont à la fois dépendants des Etats-Unis pour leur défense et exposés aux actions de la Russie si celle-ci se piquait de pousser son avantage. Dans tous les cas, grands perdants…