Le roi d’Arabie saoudite, Salman bin Abdulaziz al Saoud, est actuellement en voyage (muni de 500 tonnes de bagages tout de même), fait rare pour lui. Son périple le conduit vers la Chine et le Japon, l’Indonésie, la Malaisie, Brunei et les Maldives. Entre soleil éternel et Islam tolérant, ces quatre derniers pays ont une réputation qui sert leur activité touristique, mais selon Julie Lenarz du Daily Telegraph, c’est à l’ombre que l’islamisme se développe dans ces pays, et l’argent de l’Arabie saoudite n’y est pas pour rien. Le voyage du souverain saoudien a-t-il pour objectif la diffusion de l’islam salafiste ?
La journaliste souligne que d’aucuns restent attachés à ce qui est en train de devenir une image d’Epinal, croyant encore en la compatibilité entre l’islam et la démocratie qui cohabiteraient paisiblement en Extrême-Orient. Vision décidément trop rose, car l’islam, c’est l’islam. Les chrétiens d’Indonésie ou des Philippines ont payé pour le savoir.
En revanche, le fait que les courants de l’islam s’affrontent est une réalité. Au cours de son voyage d’un mois, le roi Salman aura notamment porté des propositions d’accords et de contrats, sans compter des partenariats d’investissement, comme il est habituel dans le cadre de ces tournées de VRP de haut niveau.
L’islam d’Asie se rapproche du wahhabisme d’Arabie saoudite
C’est que les liens se resserrent entre ces lointains paradis et l’Arabie saoudite. C’est notamment le cas aux Maldives, dont le président actuel Abdulla Yameen est devenu un « conservateur religieux » qui a recherché le resserrement des liens avec le royaume wahhabite – spécialement sur le plan des affaires islamiques. En 2014, un prince saoudien s’est engagé à construire dix mosquées « de classe mondiale » aux Maldives, tandis qu’un universitaire d’Arabie abondait le don de 100.000 dollars pour « l’éducation islamique ».
Depuis lors, le lien est devenu systématique. Alors que l’Arabie saoudite ouvrait son premier poste diplomatique aux Maldives, un accord signé entre Riyad et Male garantissait aux Saoudiens un droit de regard sur toutes les constructions de mosquées.
Le voyage actuel du roi Salman porte notamment sur la proposition saoudienne d’acquérir un atoll des Maldives – malgré l’opposition de la population locale. Un avant-poste de choix pour propager l’islam « traditionnel », attaché à une stricte application de la charia.
L’Arabie saoudite déverse de l’argent aux Maldives pour la construction de mosquées
La journaliste du Telegraph observe que tous les voyants sont déjà au rouge aux Maldives : on y voit de plus en plus de femmes en niqab ou en burqa et de tous les pays au monde, les Maldives fournissent le plus de djihadistes par tête par rapport à la population à l’Etat islamique, à l’exception de la Tunisie. Et ce malgré une parfaite connaissance des individus radicalisés de la part de la police locale : rien n’est fait pour les empêcher de partir.
Le cas de Brunei est également emblématique. A l’instar de l’Arabie saoudite, la charia y est appliquée dans toute sa force, ayant été intégrée dans le code pénal en 2014. Cela n’est pas d’une originalité absolue : des pays chiites comme l’Iran ne sont pas moins actifs dans l’application quotidienne des règles de l’islam. Brunei est en train de mettre tout cela en œuvre par étapes : la deuxième phase, qui inclut des peines d’amputation pour vol est déjà en vigueur. La troisième et dernière phase, prévue pour 2018, introduira la peine de mort – par lapidation notamment – pour l’adultère, l’avortement, l’homosexualité, l’apostasie et le blasphème.
Diffusion de l’islam et de la charia en Asie
La Malaisie s’oriente elle aussi vers une mise en œuvre d’un islam de plus en plus intégral. Le Premier ministre Najib Razak est en guerre contre l’« humanisme », la laïcité et la tolérance à l’égard d’opinions divergentes au sein de l’islam, qu’il qualifie de « menace pour la sécurité nationale ».
L’islamisme progresse en Indonésie, surtout dans certaines régions dans ce pays fortement décentralisé : ainsi, dans la province d’Aceh et dans la partie occidentale de Java, les gouvernements locaux ont obtenu la permission de Jakarta de mettre en œuvre leur interprétation de la charia, avec la mise en place une police des mœurs qui surveille la consommation d’alcool et de porc, et le respect des codes de conduite et d’habillement les plus rigoureux. La peine du fouet y est fréquemment appliquée, y compris aux non musulmans.
Dans ce contexte, la volonté saoudienne de s’ingérer dans les infrastructures islamiques ne peut qu’inquiéter.
Anne Dolhein