Attentat : la Turquie face à la démocratie

Attentat à Diyarbakir la Turquie face à la démocratie
 
Un attentat a fait deux morts et plus d’une centaine de blessés vendredi en fin de journée à Diyarbakir, dans le sud-est de la Turquie, lors d’un rassemblement du parti pro-kurde HDP, le parti démocratique des peuples, et à la veille des élections législatives qui auront lieu dimanche. L’exercice électoral est souvent ponctué de violences dans ce pays, alors que nombre d’opposants au président Erdogan l’accusent de chercher à confisquer la démocratie à son seul profit, et à celui de son parti, l’AKP.
 
« Le but était de créer le chaos et un bain de sang dont le pouvoir nous aurait fait porter la responsabilité », accuse le député HDP Altan Tan, qui, comme les autres dirigeants de ce parti qui entend représenter « toutes les diversités et les minorités de la Turquie », se dit convaincu que ces attentats étaient soigneusement planifiés.
 

Un attentat en Turquie

 
L’explosion s’est produite alors que Selahattin Demirtas, co-président du HDP, s’apprêtait à prononcer son discours de clôture de campagne devant des dizaines de milliers de personnes massées sur une place de Diyarbakir. La colère a rapidement succédé à la panique, et de nombreux jeunes ont commencé à lancer des pierres contre les forces de polices qui couvraient la manifestation. Celles-ci ont aussitôt répondu par des tirs de gaz lacrymogène et de canons à eau, qui ont eu tôt fait de disperser les plus excités – ce qui n’a pas empêché les échauffourées de continuer, de façon sporadique, dans la soirée.
 
Empêché de prononcer son discours, le dirigeants du HDP a appelé la foule au calme : « Il faut contrôler notre colère, elle va s’exprimer dans les urnes, mais ne tombons pas dans la provocation. » Une « provocation » qui a également fait l’objet du propos du président Erdogan. « Il est d’une importance capitale que ce type de provocation contre nos citoyens ne perturbe pas le climat de paix et de fraternité de notre pays », a estimé, dans un texte très clair, le chef de l’Etat.
 

Quelle démocratie pour les Turcs ?

 
Ce message n’aura que peu convaincu les responsables du HDP. « Nous savons très bien qui a commandité ces attentats, qui parle jour après jour le langage de la haine pour faire monter la tension dans le pays », a ainsi déclaré l’un des vice présidents du HDP, Saruhan Oluç. De fait, le président Erdogan n’a cessé de dénoncer le HDP comme « le parti terroriste », dénonçant son « athéisme », et accusant notamment Selahattin Demirtas d’être « un mangeur de porc ».
 
Il est vrai que celui-ci peut paraître gênant face à la volonté hégémonique du président turc. En effet, alors qu’il présente pour la première fois des candidats sous les propres couleurs, le HDP était crédité, ces derniers jours, dans les sondages, de 11 % à 12 % d’intentions de votes. Si cela se réalisait effectivement, le chef de l’Etat aurait alors grand mal à trouver une majorité des deux tiers, au Parlement, pour changer la Constitution et instaurer le régime présidentiel dont il rêve.
 
La violence aura ainsi été au cœur de cette campagne. 125 attaques de locaux ou réunions du HDP ont été répertoriées. Si, bien sûr, elles ne portent pas de marque permettant de remonter à leurs commanditaires, les responsables de l’HDP sont persuadés qu’elles sont le résultat de la campagne du président Erdogan.
 
Saruhan Oluç insiste : « Ce gouvernement sait qu’il a déjà perdu l’élection et il panique, car jusqu’ici, il a gagné toutes les élections et il ne sait pas perdre. Il ne veut pas perdre. »
 

François le Luc