Lors d’une rencontre avec les participants au congrès de l’association italienne « Science et vie », samedi, le pape François a qualifié d’« attentats à la vie » plusieurs formes d’atteintes à la vie humaine, comparant l’avortement, l’euthanasie et la mort de migrants en mer, et quelques autres tragiques formes de mépris de la vie humaine. La Croix – qui rend compte de ces déclarations – croit savoir que le pape François se montrait « prudent sur les questions d’avortement et d’euthanasie au début de son pontificat », mais que depuis la fin du synode extraordinaire sur la famille en octobre dernier, il « réaffirme sans détour (…) les positions de l’Eglise dans ces domaines sensibles ».
Cette présentation est loin d’être exacte : depuis le début de son pontificat, le pape François dénonce l’euthanasie et l’avortement en termes souvent vigoureux.
Ce qui change, c’est la manière de dire les choses : en évoquant dans un même souffle les morts des migrants en mer et les crimes contre la vie naissante ou finissantes qui, eux, sont « justifiés » par de nombreuses lois nationales et promus sur le plan international, le pape a certainement voulu attirer l’attention d’une autre manière.
Peu de médias citent le pape François qui compare avortement, euthanasie et morts de migrants en mer
Dans la presse francophone, en tout cas, l’initiative a fait long feu : à part La Croix, peu de grands médias ont répercuté les propos du pape. C’est peut-être la preuve qu’ils leur semblent très percutants, mais raison de plus alors pour qu’ils soient passés sous silence.
Les voici, plus complètement rapportés que par La Croix :
Il ne faut « jamais oublier tous les attentas contre la sacralité de la vie humaine », a-t-il dit. « La plaie de l’avortement est un attentat à la vie. Laisser mourir nos frères dans des barcasses dans le canal de Sicile est un attentat à la vie. La mort sur le lieu de travail parce qu’on ne respecte pas les conditions minimales de sécurité est un attentat à la vie. La mort par dénutrition est un attentat à la vie. Le terrorisme, la guerre, la violence mais aussi l’euthanasie sont des attentats à la vie. (…) Une société juste reconnaît la primauté du droit à la vie depuis sa conception jusqu’à son terme naturel », a-t-il affirmé, invitant à « réfléchir » aussi sur l’usage que l’on fait de la vie. « Le degré de progrès d’une civilisation se mesure justement par sa capacité à protéger la vie, surtout dans ses phases les plus fragiles, bien plus que par la diffusion d’instruments technologiques ».
L’idée est habile : il s’agit de faire réfléchir ceux qui ont le souci du respect du travailleur ou de l’opprimé pour les mettre face à la réalité de l’avortement et de l’euthanasie. A moins que ce ne soit aussi, un peu, l’inverse : invitation des « cathos bon teint » à rejoindre le concert pro-immigrationniste.
Attentats à la vie : des différences de degré et de nature
Sans vouloir aller plus loin dans ces suppositions, on peut tout de même observer ceci. Les morts injustes, provoquées par des injustices de toutes sortes, sont des tragédies. Les morts par homicide – terrorisme, violences meurtrières – sont des crimes qui méritent châtiment. Les morts injustes des migrants d’Afrique ou d’Asie ne sont pas provoquées par les pays où ils rêvent se rendre pour y trouver un avenir meilleur : en sont coupables les passeurs, et ceux qui créent ou laissent pourrir les situations qui poussent ces malheureux à prendre la mer. Vient ensuite le devoir de ceux qui doivent les secourir – mais pas pour autant les accueillir systématiquement, c’est une autre question !
Quant à l’avortement et à l’euthanasie, ce sont des crimes qui ont la particularité d’être présentés, de plus en plus, comme des droits. L’avortement légal a déjà précipité vers la mort plus d’un milliard de victimes ; l’euthanasie légale permettra peut-être dans l’avenir un massacre tout aussi démesuré. On change de degré – mais aussi de nature. Car il y a une différence entre la mise à mort de celui qui est absolument sans défense – l’enfant à naître – en obtenant la complicité de sa propre mère, et la négligence coupable ou le terrorisme généralement réprouvé. Il y a une différence entre l’euthanasie louée et organisée socialement, qui prétend résoudre des souffrances et qui avance sous l’apparence du bien, et le naufrage de migrants, fussent-ils des centaines, qui, parfaitement conscients des risques qu’ils encourent, viennent à la recherche d’un avenir meilleur.