Automobile : le Parlement européen veut réduire de 40 % les émissions de CO2 en 2030, Carlos Tavares (PSA) s’indigne

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Le Parlement européen a voté en faveur d’une réduction de 40 % des émissions de CO2 par les voitures et les utilitaires de moins de 3,5 tonnes à l’horizon 2030 par rapports aux niveaux de 2021, soulevant un tollé chez les industriels de l’automobile. Le texte fixe un objectif intermédiaire : une réduction de 20 % des émissions de CO2 dès 2025. Carlos Tavares, dirigeant de PSA Peugeot-Citroën et président de l’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA), a fustigé des « positions extrémistes » engendrées par une « pensée superficielle » au sujet du gaz carbonique et dénoncé la dérive de l’automobile électrique.
 

Obsédé par le CO2, le Parlement européen suscite une levée de boucliers

 
Obsédé par le CO2, le Parlement européen suscite une levée de boucliers. Pour Bernhard Mattes, président de l’Association allemande des constructeurs automobiles (VDA), « le Parlement européen impose des objectifs totalement irréalistes, il ignore leur faisabilité technique et économique ». Ces objectifs « ne pourront pas être atteints sur la période fixée », ajoute-t-il, espérant que les négociations à venir avec le Conseil européen, la Commission européenne et le Parlement déboucheront sur des décisions plus raisonnables et mesurées. La Commission européenne propose pour sa part un objectif de réduction de CO2 moins ambitieux : de 15 % en 2025 et de 30 % en 2030 par rapport à 2021.
 
Le secteur du transport est le seul dont les émissions continuent de croître, du fait des transports routier et aérien. En France les camions, dispensés in extremis d’écotaxe sous Hollande, sont responsables de 20 % des émissions de la route, sans parler de leur implication dans les accidents (14 % des tués) et la dégradation de la voirie, l’usure des routes étant proportionnelle à la puissance 4 de la charge à l’essieu. Ils bénéficient d’un remboursement partiel de la TVA sur le carburant et de la suppression de la taxe à l’essieu, soit un milliard d’euros par an. La question centrale est donc plus celle du mode de transport, en particulier pour le fret ou les déplacements de proximité, que celle de la réglementation sur les moteurs. Mais de cela le Parlement européen ne semble pas vouloir entendre parler. L’écologie punitive est le bras armé d’une Europe hallucinée.
 

Pour le rapporteur au Parlement européen, il faut « des automobiles propres »

 
Les nouvelles lois européennes pour le secteur du transport visent globalement une réduction des gaz à supposés effets de serre de 40 % en 2030 par rapport à 1990. Pour Miriam Dalli, rapporteur maltais du projet de loi sur les moteurs au Parlement européen, « si nous ne nous assurons pas que l’Europe produise des automobiles propres dans un délai raisonnable, non seulement nous ne réussirons pas à remplir nos engagements pris dans le cadre des Accords de Paris sur le climat, mais l’industrie automobile européenne sera distancée ». Le Parlement européen a par ailleurs ajouté à son texte des dispositions, suite aux scandales sur les falsifications de données d’émissions (par Volkswagen en particulier), pour durcir les conditions d’évaluation des émissions des véhicules neufs.
 
L’Allemagne, dont le secteur automobile est considérable, a objecté que les réductions d’émissions envisagées détruiront des emplois. Berlin soutiendra la position moins radicale de la Commission européenne et propose un plan pour réduire la pollution émise par les véhicules diesel les plus anciens en circulation. Mais d’autres Etats-membres, en tête desquels se trouve sans surprise la France de MM. Macron et Philippe, soutiennent les objectifs les plus contraignants.
 

Le Parlement européen veut plus de véhicules électriques

 
Le texte du Parlement européen instaure par ailleurs un système de crédits pour encourager les constructeurs à produire des véhicules électriques, malgré le bilan environnemental controversé de ces derniers : pollution indirecte engendrée par la construction et le recyclage des batteries dotées de métaux lourds, explosion de la consommation d’électricité en cas de basculement du parc routier en mode électrique…
 
Mais la pensée environnementaliste unique, qui omet l’essentiel (la répartition modale) pour se fixer sur ce qui désormais est accessoire au vu des progrès réalisés (le mode de propulsion), paraît plus aveugle que jamais. Quand Carlos Tavares juge que « les positions extrêmes sont portées par des Etats qui ne possèdent pas d’industrie automobile », il paraît oublier que la France de M. Macron, pourtant gros producteur automobile, constitue l’un de leurs principaux avocats, de même qu’en Allemagne les ministères fédéraux de l’Environnement et des Finances.
 

Carlos Tavares met en garde contre un basculement forcé vers l’automobile électrique

 
Depuis des années, l’ACEA présidée par Carlos Tavares met en garde contre les graves conséquences sur l’industrie automobile européenne d’un basculement forcée vers la propulsion électrique. En début d’année, elle a commandé un rapport qui a souligné la relative simplicité des voitures électriques à batteries, susceptible d’entraîner une chute de 38 % des parts de marché des fournisseurs basés en Europe et un effet proportionnel sur l’emploi, les bénéfices et les compétences. Le rapport a aussi mis en garde sur les conséquences d’une importation de batteries asiatiques, soulignant que le coût d’une batterie lithium-ion, à 140 dollars par kW, peut représenter jusqu’à 50 % du coût total d’une automobile électrique. Il alerte enfin sur une dépendance induite aux terres rares comme au cobalt produit par le Congo.
 
Carlos Tavares souligne l’importance de l’industrie automobile pour l’économie européenne : 13 millions d’emplois industriels, financements universitaires, formation, recherche-développement… « A cause de l’affaire Volkswagen, vous croyez que nous sommes tous des escrocs », a protesté Tavares, avant de lancer aux députés européens : « Mais si vous refusez de nous écouter, les responsabilités (des conséquences) vous incomberont. Je prendrai des décisions pour protéger mon entreprise, et vous risquez de ne pas apprécier les résultats ». « Nous devenons un peuple très superficiel », a-t-il déploré.
 

Matthieu Lenoir