Avortement en Inde : quand le choix des femmes tue les filles

avortement Inde choix tue
 

L’Inde est un cas d’école de notre confusion morale, pour les partisans de l’avortement. En effet, ce droit de l’homme inscrit dans la Constitution française repose sur le principe du libre choix des individus en général et des femmes en particulier, qu’aucune considération religieuse ou morale n’est admise à brimer. Mais il se trouve qu’en Inde, la société étant ce qu’elle est, l’avortement est pratiqué de manière différentielle depuis que les femmes « bénéficient » du diagnostic prénatal. Elles préfèrent systématiquement les garçons, si bien que dans l’Etat de Bihar, par exemple, il y a moins de 9 filles pour 10 garçons à la naissance. Quand elle a le choix, la mère tue les filles de préférence.

 

On tue les filles en Inde après le diagnostic prénatal

Les statistiques sont formelles et l’écart s’aggrave. D’après le ministère de la Santé du Bihar, 882 filles sont nées pour 1.000 garçons en 2023-2024 contre 894 en 2022-2023, et 914 en 2021-2022. Dans certains districts, comme le Vaishali, le ratio est passé à moins de 800 pour 1.000. Le gouvernement envisage une discrimination positive en faveur des filles, consistant en une aide financière de la naissance jusqu’aux études universitaires pour freiner ce qui ne prend plus le nom d’IVG, ni même d’avortement, mais de « fœticide », pour bien montrer l’horreur de la chose. Des actions de « sensibilisation » du public sont en préparation, afin de mobiliser et de former les diverses communautés à la question. Et l’Etat entend s’assurer que les techniques utilisées pour le diagnostic prénatal, comme l’amniocentèse, ne le seront que pour détecter des anomalies, non pour déterminer le sexe.

 

Le choix des femmes va jusqu’à l’avortement illégal

Ce ne sont quand même que des mots. Car, en dehors de l’amniocentèse, on peut détecter le sexe d’un bébé après 14 semaines d’aménorrhée, soit dans les délais légaux permettant de pratiquer l’avortement. La vraie question, chacun la connaît, c’est que les Indiennes préfèrent avoir un fils, soit qu’elles conservent une mentalité « archaïque », soit qu’elles estiment la vie plus facile à un enfant de sexe masculin. C’est la rencontre de cette donnée sociologique avec des moyens de détection modernes qui a provoqué ce déséquilibre croissant entre filles et garçons à la naissance. Ce choix est si fort et si invétéré qu’il provoque de véritables trafics médicaux : on tue des fœtus de petites filles bien après le terme légal. Ainsi, dans un autre Etat de l’Inde, le Karnataka, le directeur d’une clinique, deux infirmières et deux autres employés ont-ils été arrêtés en décembre 2023 après qu’un fœtus de fille âgé de 22 semaines eut été découvert dans une poubelle.

 

L’Inde prend des mesures en faveur des filles

On a découvert ainsi qu’un vaste trafic de fœtus, qui a tué 900 filles, avait eu lieu au mois de novembre dans deux villes du Karnataka. Là aussi, le gouvernement a annoncé des décisions promptes, avec une « task force », et là aussi l’équilibre filles-garçons n’est pas respecté à la naissance, pour les mêmes raisons. De ces efforts, les autorités indiennes attendent un léger progrès à l’échelon de l’aide entière : il devrait y avoir 48,8 % de filles à la naissance en 2036 contre 48,5 en 2011. Derrière ces paroles et ces pronostics, l’Inde se pose des questions. Il est intéressant de citer à ce propos Rudrani Gupta, la journaliste de Shethepeople, le site dont ces informations sont tirées, qui ambitionne de représenter un « mouvement global pour et par les femmes ».

 

Derrière le pro-choix, toujours, un permis de tuer

Elle écrit notamment : « Le grand nombre de filles manquantes montre que notre société souffre encore de maux sociaux tel le fœticide des filles et l’infanticide. Cela montre que les filles sont toujours considérées comme un fardeau. (…) La première question qui m’est venue à l’esprit est, comment quelqu’un peut être aussi méchant et inhumain pour tuer un fœtus seulement pour son genre ? Comment quelqu’un peut décider si quelqu’un a le droit de vivre ou non en fonction du sexe qu’il a à sa naissance ? » Elle a raison. Ce choix est inhumain. Le choix de tuer un bébé dans le ventre de sa mère parce qu’il est ressenti comme un fardeau est inhumain. Mais comment peut-on l’empêcher ici si on le revendique là ? Nous nageons dans une effarante confusion morale et intellectuelle : il ne saurait y avoir d’un côté le mauvais avortement eugénique ou sexiste, et de l’autre le bon avortement laissé au libre choix de la mère : car la mère qui préfère les garçons pourrait le revendiquer ! Il y a, toujours et partout, quels que soient le confort et l’idéologie de chacune, l’assassinat assumé, revendiqué, du tout petit.

 

Pauline Mille