L’attaque de l’Azerbaïdjan contre les Arméniens du Haut-Karabagh annoncée et justifiée à l’avance par rt.com

Azerbaïdjan Haut-Karabagh justifiée rt.com
 

L’Azerbaïdjan a lancé le 19 septembre une offensive faite de « bombardements sans relâche » sous forme de « frappes chirurgicales », comme l’a annoncé Bakou : une nouvelle offensive destinée à en finir avec les « séparatistes » Arméniens du Haut-Karabagh. Affairement rondement menée avec l’approbation tacite de la Fédération de Russie, supposée jouer un rôle de quasi casques bleus dans la région : dès mercredi, l’Azerbaïdjan a annoncé un cessez-le-feu et l’ouverture de « négociations » en vue de » réintégrer » cette zone disputée, tandis que les Arméniens ont annoncé qu’ils déposeraient les armes, confirmant la tenue de pour parler dès jeudi à dans la ville azérie de Yevlakh. Il semble que les Arméniens n’aient pas vraiment eu le choix, la Russie, jadis leur « allié » sur le papier s’est bornée à évacuer quelques milliers de civils (selon ses propres dires). La Russie a tout simplement fermé les yeux si elle n’a pas encouragé. Quelques jours plus tôt, le 15 septembre, le média contrôlé par le Kremlin Russia Today, rt.com, prévoyait la déflagration : l’attaque de l’Azerbaïdjan était annoncée et justifiée à l’avance.

Rt.com dénonce des « séparatistes » arméniens, montrant que dans cette catégorie, il y a les bons et les méchants : les bons sont les séparatistes russes en Crimée ou dans la région de Donetsk, les méchants sont les chrétiens aux prises avec l’ennemi héréditaire islamique.

 

L’Azerbaïdjan attaque le Haut-Karabagh avec l’approbation tacite de Moscou

Cet article est véritablement très révélateur et devrait interpeller ceux qui ont présenté la Russie comme la protectrice de l’Arménie chrétienne face aux voisin islamiste azerbaïdjanais. On y apprenait que la situation dans la Caucasie du Sud redevenait « tendue » au point de faire craindre une « guerre chaude ». Rt.com affirmait que les échanges de tirs avaient été quotidiens depuis quelques temps, reprenant les affirmations de Bakou qui faisaient des Arméniens les agresseurs.

Ces Arméniens contraints à la négociation en l’espace d’un jours faute de moyens et de soutiens, auraient-il donc pris le risque d’une guerre ouverte ?

Russia Today, par la plume de Christina Sizova, commentatrice politique et sociologique spécialisée dans les relations internationales et basée à Moscou, n’avait en tout cas pas prévu le tour que viennent de prendre les événements et annonçait froidement que les exercices militaires conjoints de l’Arménie et des Etats-Unis en cours jusqu’au 20 septembre, ainsi que les pressions de Bruxelles en cours étaient aux yeux de Moscou de nature à prouver que des USA et l’UE cherchaient à provoquer l’escalade du conflit entre les deux anciens pays membres de l’URSS.

 

L’attaque contre les « séparatistes arméniens » justifiée par rt.com

Pendant ce temps-là, le ministère des Affaires étrangères de l’Azerbaïdjan qualifiait de « manipulation politique » les rapports concernant une concentration de troupes aux frontières arméniennes, accusant en bloc l’Arménie de se laisser manipuler alors même que des négociations étaient, disait-il, considérées comme possibles par Bakou et Yerevan au sujet du Haut-Karabagh. Le ministère dénonçait par la même occasion « la poursuite de provocation politico-militaires » de la part de l’Arménie.

Russia Today prenait dans cet article fait et cause pour la position azerbaïdjanaise au sujet du Haut-Karabagh, attribuant les difficultés dans la région à la montée des conflits « ethniques » à mesure que la puissance centrale soviétique s’était émoussée dans les années 1980, et vantant le rôle de la Russie dans les accords qui ont fait suite aux attaques de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie de septembre à novembre 2020 – avec les prises de territoire correspondantes par Bakou. Le média ajoutait que l’Arménie se rendait coupable de boycotter les accords signés à cette occasion.

Alors que le Karabagh est en proie à une crise humanitaire dramatique, que Moscou a pris fait et cause pour le régime islamiste de Bakou, voilà que la presse russe rend l’Occident coupable de la situation du fait que l’Arménie se serait tourné vers l’Europe au mépris de ses relations privilégiées avec la Russie.

 

L’introuvable soutien de l’UE aux Arméniens face à l’Azerbaïdjan

Reste que le prétendu soutien de l’UE à l’Arménie demeure introuvable, alors même que, comme le soulignent Yann Baly, président de Chrétienté-Solidarité et Bernard Antony, directeur de la revue Reconquête, « à l’issue d’une année d’un blocus pour tenter d’isoler et d’épuiser les populations arméniennes de ce territoire, le régime islamiste d’Aliev vient de mener une opération militaire de conquête, avec la complicité tacite et le feu vert de Moscou, certain du silence et de l’inaction honteuse d’une communauté internationale si peu préoccupée par le sort de l’Arménie et de son peuple ».

Le communiqué de Chrétienté-Solidarité ajouté :

« Bien entendu, la France condamne l’agression mais la république macronienne n’a plus ni la diplomatie, ni la force armée pour intimider, un tant soit peu, le régime criminel de Bakou.

« Ce dernier sait, d’ailleurs, fort bien acheter les silences voire les complicités, que ce soit dans les médias (de tous bords), dans les arcanes des diplomaties occidentales voire au plus haut niveau des instances vaticanes où l’argent azéri coule par millions d’euros.

« Face à cette situation et comme nous l’avons envisagé lors de notre université d’été avec nos correspondants arméniens, Chrétienté-Solidarité lance une opération de soutien matériel et financier pour les populations arméniennes de l’Artsakh. »

Au sujet du Nagorny-Karabakh, théâtre de l’agression azérie en 2020, Bernard Antony écrivait alors :

« Rappelons que cette petite région, peuplée à 94 % d’Arméniens au début du XXe siècle, avait été attribuée à l’Azerbaïdjan par Gorbatchev dans les dernières années de l’URSS. Les Azéris y entreprirent une telle politique d’éradication de l’identité culturelle et de substitution de population que les Arméniens, encore majoritaires à plus de 70 %, n’eurent pas d’autre issue que de faire sécession et de proclamer une entité fédérée à l’Arménie.

« L’Arménie actuelle résulte de l’indépendance de l’ancienne République soviétique d’Arménie proclamée le 21 septembre 1991. Elle est ce qui demeure des territoires de peuplement arménien dans l’empire russe et dans l’empire ottoman.

« Dans ce dernier les Arméniens, qui constituaient avec les autres minorités chrétiennes (Assyro-Chaldéens, Grecs et autres) plus d’un tiers des habitants, furent exterminés dans le génocide planifié à partir de 1916 par les dirigeants Jeunes-Turcs.

« A leur suite furent liquidées les autres populations chrétiennes. M. Erdogan, qui refuse la reconnaissance du génocide, aimerait bien en revanche le parachever à sa manière par son appui à l’Azerbaïdjan. »

L’Arménie demeure toujours un pays martyr.

 

Jeanne Smits