Ajay Banga, nouveau président de la Banque mondiale, mettra le “climat” au centre

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Ajay Banga prendra début juin ses fonctions de nouveau président de la Banque mondiale, après avoir été élu à l’unanimité sauf une voix (la russe) à ce poste historiquement « réservé » à un citoyen des Etats-Unis, étant donné que les USA détiennent la plus grande part des actions de la World Bank. Candidat unique soutenu par Joe Biden, Ajay Banga est certes américain, mais répond à la grogne des pays « en voie de développement » et plus spécialement des BRICS ; il est d’origine indienne, de confession sikhe (il porte le traditionnel turban de cette minorité religieuse), et grand banquier ayant présidé pendant une dizaine d’années, jusqu’en 2021, le groupe Mastercard. Champion de la « diversité », mais surtout promoteur de l’utilisation des fonds de la Banque mondiale pour la lutte contre le changement climatique, Banga arrive avec un programme et surtout avec une idéologie.

C’est même certainement à cause de celle-ci que Banga – dont la fortune est estimée à plus de 200 millions de dollars et qui avait un salaire annuel de plus de 20 millions chez Mastercard – prend les rênes d’une institution financière qui dessine l’avenir de nombreux pays par le jeu de ses investissements. Jadis et naguère, elle a posé la diffusion de la contraception comme condition de son « aide ». Un exemple ? En 2015, en association avec l’ONU, la Banque mondiale injectait 200 millions de dollars dans un programme d’accès à la « santé reproductive » et à « l’éducation des jeunes filles » pour limiter les naissances dans cette région d’Afrique.

 

Ajay Banga, ce multimillionnaire qui fera payer les pays riches

Le « climat » est aujourd’hui considéré comme un problème encore plus grave, même si la dénonciation du « réchauffement » et celle de la « surpopulation » obéissent à une même logique anti-humaine. Et c’est à cause du « climat » que le poste de président de la Banque mondiale s’est trouvé vacant : son actuel président, David Malpass – nommé par Trump – devait rester aux commandes jusqu’en avril 2024. Mais celui-ci s’est trouvé très contesté pour avoir refusé de dire s’il était ou non d’accord avec le « consensus scientifique » au sujet du « changement climatique », et notamment sur le rôle des « énergies fossiles ». Il a eu beau par la suite présenter ses excuses et avouer (l’autocritique, ça existe encore) qu’il avait « mal parlé », et assurer que la Banque se calait systématiquement sur la « science du climat », ses jours étaient comptés.

Ajar Banga, qui est proche par ailleurs de la vice-président des Etats-Unis, Kamala Harris, mise tout sur la lutte pour le « climat ». Au cours de ses cinq ans de mandat, il entend « lutter contre la pauvreté » (c’est l’objectif numéro un de cette institution qui chapeaute 189 pays) à travers la « lutte contre le réchauffement ». Le Fonds monétaire international, pour la présidence duquel il était également pressenti, estime qu’il faudra au bas mot 1.000 milliards de dollars par an ces prochaines années pour y faire face dans le seul but d’aider les pays émergents et en développement.

 

Le climat au cœur des décisions de la Banque mondiale

Banga est d’accord, qui propose – dans la droite ligne de la doctrine du Forum économique mondial qu’il fréquente et qu’il honore de ses tribunes sur la digitalisation bienfaisante de l’économie – d’associer le financement public et privé afin de répondre ainsi à la « mission centrale » de réduction de la pauvreté confiée à la Banque mondiale, comme dit Biden, tout content de son « nominé ».

Rien ne leur fait peur, décidément, car c’est l’énergie bon marché qui permet de développer l’économie, et la tendance actuelle est de la rendre de plus en plus chère, au détriment des plus pauvres et en appauvrissant les populations des pays riches…

Pour l’heure, Banga peut s’appuyer sur la Bridgetown Initiative, un mécanisme mis en avant par le Premier minister de Barbados, Mia Mottley, et soutenu avec enthousiasme par Emmanuel Macron, en vue de faciliter l’accès à l’argent à taux d’intérêt modestes pour les pays en développement pour les aider à se remettre de catastrophes climatiques et à mettre en place des structures plus « résilientes ». Dans un contexte de forte inflation, c’est encore un moyen de transférer les richesses selon une logique toute socialiste.

 

Diversité et climat, deux mots clefs pour comprendre la Banque mondiale

Ajay Banga ne la conteste pas. Il a pu affirmer au cours de sa campagne mondiale que la question du changement climatique dépasse de loin celle des gaz à effet de serre. « Je crois que la réduction de la pauvreté, la prospérité partagée, tous ces mots qui impliquent essentiellement l’idée de lutter contre l’inégalité ne peuvent être dissociés des défis liés à la gestion de la nature », a-t-il dit.

Vis-à-vis de la Chine, Banga adopte une posture conciliante, affirmant que face à l’« urgence » climatique, il ne fallait pas la considérer comme une « concurrente » dans les pays en développement : « On a besoin de tout le monde. »

Il était interrogé à ce sujet par Michel Martin vendredi dernier sur la chaîne américaine National Public Radio, qui pointait les prêts accordés à ces pays par la Chine, et ce que celle-ci peut demander en retour, en même temps que la Chine continue d’être considérée comme un pays en développement.

De fait, elle a reçu des fonds de la World Bank depuis 1980 et, malgré des efforts de remboursement, demeure son cinquième débiteur à ce jour. Banga a botté en touche en affirmant que ce qui importe, c’est que les jeunes aient une « bonne qualité de vie » et l’accès au travail partout.

A condition, toutefois, de ne pas briser les tabous modernes. A la tête de Mastercard, Ajay Banga vantait les mérites de la « diversité » sous toutes ses formes, de telle sorte que la société se plaçait dans la dizaine de tête des grosses multinationales les plus « inclusives », y compris dans le domaine du « genre ». Il coche toutes les cases.

 

Jeanne Smits