La canonisation solennelle, avec six autres nouveaux saints, de Bartolo Longo, par Léon XIV, dans la continuité de François, qui avait signé le décret, alors déjà très malade, a une signification particulière. Bartolo Longo est né en 1841 à Latiano, dans les Pouilles, province alors très belle mais très pauvre du Royaume des Deux-Siciles. Lors de ses études d’avocat à Naples, faute de trouver un véritable sens à sa vie, il se lança dans l’occultisme et le spiritisme, dont il devint l’un des adeptes les plus renommés de son temps, au point d’être appelé officiellement prêtre de Satan – avant de se convertir et de mener par la suite une vie de pauvreté entièrement dévouée aux autres. Ayant renoncé à Satan, à ses séductions décevantes et vaines en se confiant entièrement à la Vierge Marie (saint Jean-Paul II, qui lança la procédure de béatification, le nommait « l’apôtre du rosaire »), il devint saint. L’Eglise aujourd’hui le reconnaît pleinement : ainsi entend-elle proclamer avec une solennité particulière que les péchés les pires peuvent être rédimés par le repentir et la conversion.
Un futur saint tiré très tôt vers l’abîme par Satan
L’avocat du diable n’aura pas manqué de travail. La déchéance de Bartolo Longo vers Satan a commencé très tôt, par un véritable malheur : il a dix ans quand sa mère meurt. Il perd la foi. En faisant son droit dix ans plus tard à Naples, il mène « joyeuse vie » dans une jeunesse étudiante marquée par l’anticléricalisme du Risorgimento. L’air du temps est aux chemises rouges de Garibaldi, qui préconise d’abolir la papauté. L’athéisme de Bartolo lui fait fréquenter des séances de spiritisme, s’adonner à l’occultisme, devenir médium (avec un certain succès). Il en profite au passage pour se droguer, et, brûlant ce qu’il avait adoré, ridiculise publiquement la religion de son enfance, incitant les fidèles à apostasier. Il participe à des orgies rituelles, et finit par être « ordonné » prêtre de Satan lors d’une cérémonie occulte particulièrement impressionnante, où lorsque « l’évêque » de Satan prononce les paroles blasphématoires, les murs de la pièce tremblèrent, terrifiant l’assistance. Il avait vingt ans.
Prêtre de Satan : dix ans d’enfer, paranoïa et dépression
Dès lors, la prochaine décennie de sa vie ne fut qu’une descente en enfer. Il continue et aggrave ses pratiques, s’enfonce dans le spiritisme et le service de Satan – et n’en retire qu’une tristesse sans remède. Il tombe dans la dépression et la paranoïa. Cela ne le détourne nullement de ses pratiques sataniques. L’avocat, le spirite, semble encore briller, mais l’homme traîne son malheur de plus en plus lourdement. Cela va durer ainsi dix ans, quand une nuit il entend la voix de sa mère lui crier de retourner à Dieu. Le lendemain, il se confie à un ami, Vincenzo Pepe, qui lui montre les conséquences de son erreur s’il y persiste : la mort dans un asile de fous et la damnation. Puis il l’emmène chez un prêtre dominicain, Alberto Radante. Le reste est connu : confession, conversion, service des pauvres, prêche des personnes perdues pour les ramener à Dieu. Entré dans le tiers-ordre dominicain, Bartolo a renoncé solennellement au spiritisme et à Satan, brandissant son chapelet en pleine séance d’occultisme.
Bartolo sauvé du désespoir par le pardon de Dieu et le service des autres
Malgré tout, il ne pouvait pas digérer son passé. Il a raconté comment, étant occupé près de Pompéi, où il s’était installé, à aider des paysans pauvres, il faillit douter du pardon de Dieu. « Malgré mon repentir, je me disais : Je suis toujours consacré à Satan, et je suis toujours son esclave et sa propriété, puisqu’il m’attend en enfer. Alors que je méditais sur ma situation, je ressentis une grande vague de désespoir et faillis me suicider. » C’est alors qu’il pensa au rosaire de son enfance, et à l’amour de la Sainte Vierge. Elle lui disait : « Qui propage le saint Rosaire est sauvé. » Aussi fonda-t-il des groupes de prière du Rosaire, organisa des processions mariales et entreprit la construction d’un sanctuaire dédié à Notre-Dame du Rosaire, dont il fit d’Alberto Radente le premier recteur. Une riche veuve, la comtesse di Fusco, l’aida de son argent et de sa ferveur. Pour dissiper les rumeurs que leur proximité engendrait, le pape Léon XIII, qui encourageait leur œuvre, les poussa à s’épouser : ils contractèrent un mariage blanc pour continuer à servir les pauvres ensemble. Ainsi, pendant plus de 50 ans, Bartolo put-il enseigner la prière du Rosaire, fonder des écoles pour les pauvres, et créer des orphelinats pour les enfants de criminels. Ayant renoncé à Satan, il fut, sinon prêtre, du moins apôtre du retour à Dieu des démunis et des déchus, avec l’aide de la Sainte Vierge.











