Royaume-Uni : autorisation des bébés à “trois parents”

bebes-trois-parents-autorisation-Royaume-Uni
 
Les députés britanniques ont voté à 382 contre 128 en faveur d’une nouvelle technique de conception de bébés qui implique trois ADN différents, donc « trois parents », faisant du Royaume-Uni le premier pays au monde à approuver cette ingénierie génétique. Le vote était libre mais l’affaire soutenue par le gouvernement de David Cameron : il y a eu finalement si peu d’opposition que le passage devant la Chambre des Lords, le 23 février, est considéré comme une formalité.
 
Il ne faut pas sous-estimer l’importance cruciale de ce vote et de cette autorisation prométhéenne où l’homme rêve de se faire Dieu et de modifier la Création.
 
Il paraît que la technique des fécondations « à trois parents » divise profondément le Royaume-Uni. De cela il faut bien conclure que le Royaume-Uni est mal représenté en son Parlement…
 

Des embryons à trois parents

 
La nouvelle technique vise à créer des embryons (que l’on appelle dans ce cas précis des « bébés », chose que l’on ne fait plus pour les embryons et fœtus « avortables ») sains alors que leurs parents risquent de leur transmettre des maladies héréditaires incurables, notamment un dysfonctionnement mitochondrial transmis par la mère. Les mitochondries sont des structures spécialisées présentes dans les cellules dont la défectuosité provoque des maladies comme la myopathie ou le diabète. La technique des « bébés à trois parents » consiste à traiter l’ovule de la mère, en retirant les mitochondries qui seront remplacées par celles, saines, d’une donneuse anonyme. Même si cela ne représente qu’un pourcent du capital génétique de l’enfant à naître, conçu in vitro, le résultat est bien un embryon à trois ADN et la modification se transmettra de génération en génération.
 
Et on est bien obligé de dire qu’il a trois parents génétiques : deux mères et un père.
 
« Pas plus sinistre qu’une prise de sang », assure Lord Robert Winston, pionnier de la fécondation artificielle. Les partisans de cette technique des bébés à trois parents se sont réjouis d’arriver « au bout d’un long tunnel ». Marginal par le nombre – l’autorisation devrait concerner quelque 150 fécondations par an – le remplacement mitochondrial marque une étape majeure dans la marche des hommes vers la maîtrise du vivant.
 

Le Royaume-Uni ouvre la voie à la manipulation génétique

 
Car c’est bel et bien une manipulation génétique, qui touche à la racine même de la vie. « Une fois cette frontière éthique franchie, une fois acté le fait qu’il est permis de manipuler le génome humain, il deviendra difficile de ne pas franchir les étapes suivantes pour aboutir à un monde de bébés fabriqués sur mesure, un scénario que tout le monde veut éviter », s’alarme David King de l’association Human Genetics Alert.
 
David Cameron, lui, a approuvé l’autorisation des « bébés à trois parents » sans le moindre scrupule. Il a lui-même connu la souffrance de perdre un enfant atteint d’une grave maladie probablement génétique, la paralysie cérébrale. « D’après toute la recherche et les données actuelles il ne s’agit pas de se prendre pour Dieu en modifiant la nature ; c’est plutôt comme un don de reins ou de poumon, et non un changement fondamental. »
 
A cette différence près que la technique des bébés à trois parents modifie pour toujours le matériel génétique plutôt que de réparer ponctuellement une défaillance : l’acte est irréversible. « On crée quelque chose de nouveau », note ainsi le député Jacob Rees-Mogg, qui a voté contre l’autorisation.
 

Bébés parfaits… ou exposés à tous les risques ?

 
Sur le plan médical, la technique des bébés à trois parents pose des problèmes tels que des scientifiques du monde entier ont assuré que leur autorisation serait une « erreur historique ». Parmi les risques envisagés : la plus grande incidence du cancer, du vieillissement prématuré, davantage de maladies congénitales, davantage de fausses couches.
 
Le problème médical se pose notamment du fait de l’absence de recul : c’est une terra incognita, assure un professeur de l’université de Californie, Paul Knoepfler, où l’on expose volontairement les générations futures à des risques inconnus. Un autre spécialiste, le Dr Trevor Stammers, observe qu’il va de toute façon surveiller les enfants de « trois parents » pendant toute leur vie, ainsi que leur descendance. « Nous ne connaissons rien à l’interaction entre les mitochondries et l’ADN nucléaire. Dire que c’est aussi simple que de changer une pile est simpliste. C’est quelque chose d’extrêmement complexe. »
 
On brûle donc les étapes. Alors que les premières naissances sont attendues à l’automne 2016, d’autres scientifiques du Royaume-Uni notent que lors des essais sur des animaux, de l’ADN mitochondrial défectueux a été transféré dans l’ovule dans la moitié des cas.
 

L’autorisation des bébés à trois parents, étape vers “Le Meilleur des mondes”

 
La question de la compatibilité de la technique des bébés à trois parents avec le droit européen actuel se pose également, puisque l’Union européenne interdit les modifications du génome humain.
 
Reste le problème éthique – bien plus grave en réalité. La fécondation artificielle est en soi non conforme à la dignité de la vie humaine. La modification de la lignée génétique est une deuxième difficulté. Et l’ouverture de la boîte de Pandore que réalise cette première mondiale rend possible des évolutions bien plus spectaculaires qui vont du clonage à la fabrication d’embryons « augmentés ». « Le Royaume-Uni est pionnier en matière d’abus sur les enfants à naître », note pour finir la SPUC, première et principale association pour la protection des enfants à naître.