Berna van Baarsen quitte la commission d’évaluation des euthanasies aux Pays-Bas contre l’approbation de la mise à mort de personnes en démence avancée

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Spécialiste d’éthique médicale, Berna van Baarsen a renoncé début janvier à son statut de membre d’une des cinq commissions régionales d’évaluation des euthanasies. Les choses vont trop loin, semble-t-il, pour cette femme qui a pourtant participé à l’approbation de milliers de cas au cours de ses dix années de présence parmi les « sages » qui vérifient la conformité des mises à mort a posteriori. Elle ne parvient plus à « justifier à ses propres yeux » les décisions favorables à des euthanasies en cas de démence avancée que l’on a vu fleurir ces dernières années.
 
La loi d’euthanasie néerlandaise autorise en principe la prise en compte d’un testament de vie signé alors que la personne concernée était encore en possession suffisante de ses moyens, pour faire procéder à la piqûre létale une fois la raison perdue. Mais la majorité des médecins néerlandais continue de refuser de passer à l’acte lorsqu’un patient est incapable d’exprimer sa volonté.
 
Mme van Baarsen estime qu’on peut justifier l’euthanasie en cas de coma soudain chez un patient victime d’un cancer avancé pour qui l’intervention était déjà programmée. En revanche, cette psychologue ne l’accepte pas en cas de démence profonde.
 

Berna van Baarsen quitte une commission des euthanasies aux Pays-Bas deux ans avant le terme de son mandat

 
« C’est une maladie plus capricieuse et ce sont des patients qui vivent plus longtemps. Une période où beaucoup de choses peuvent encore arriver », assure Berna van Baarsen, donnant l’exemple d’un patient qui a demandé par avance l’euthanasie dès l’instant où il ne reconnaîtrait plus ses proches, mais qui, ayant traversé une phase où c’était le cas, a retrouvé suffisamment la mémoire pour reconnaître son partenaire et ses enfants. « Dans ce cas, quel est le moment juste pour pratiquer l’euthanasie ? », s’interroge-t-elle.
 
Le nombre d’euthanasies pratiquées sur des personnes en voie de devenir démentes, et qui ont encore la capacité d’exprimer leur volonté, a fortement augmenté ces derniers temps, passant d’une quarantaine il y a cinq ans à quelque 120 en 2017. Ce n’est pas cela qui gêne Berna van Baarsen, bien qu’il s’agisse de personnes par ailleurs en bonne santé et avec une bonne espérance de vie… En revanche, lorsqu’on pratique l’euthanasie sur une personne en état de démence avancée, ce qui est arrivé à de rares occasions, cela lui semble inacceptable.
 

L’approbation des euthanasies de personnes en état de démence avancée ne passe pas

 
« Dans cette phase, il est par principe impossible d’établir si un patient souffre de manière insupportable, puisqu’il ne peut plus l’exprimer », assure-t-elle. Les comportements agressifs, les plaintes ne suffisent pas à établir le fait : « Lorsqu’on n’est pas entièrement sûr, on ne peut pas présumer d’une souffrance insupportable », condition sine qua non pour l’euthanasie légale, précise la clinicienne.
 
Elle observe aussi que de nombreux médecins sont sous pression face à l’euthanasie : on leur reproche de la pratiquer mais on leur reproche aussi de ne pas la pratiquer. Le fait de donner une piqûre mortelle lorsqu’on n’est pas sûr de l’existence d’une souffrance insupportable peut représenter « une charge très lourde pour un médecin », dit-elle.
 
La solution ? Celle proposée par Berna van Baarsen prouve son adhésion au modèle de culture de mort en vigueur aux Pays-Bas. Elle consiste à encourager les personnes souffrant de démence a accepté d’être euthanasiées avant de perdre la capacité d’exprimer leur volonté. « Cela est difficile, parce qu’on se sent souvent très bien à cette phase de la maladie et il peut y avoir des choses qui donnent encore un sens à la vie », reconnaît-elle. Et on se demande évidemment comment il est possible de parler à ce moment là de « souffrance insupportable » alors que c’est la peur d’un hypothétique futur qui sert de justificatif… Dans le domaine de l’euthanasie, on n’est pas à une incohérence près !
 

La dérive de l’euthanasie aux Pays-Bas dénoncée par une partisane de l’euthanasie

 
L’idée de perdre l’autonomie est souvent mise en avant mais elle paraît insuffisante à Mme van Baarsen pour justifier une intervention une fois que la maladie a évolué ; n’est-il pas vrai, dit-elle, que nous dépendons les uns des autres lorsque nous sommes en bonne santé…
 
En attendant, son refus d’accomplir les deux ans qui lui restaient pour terminer son mandat dans une commission d’évaluation des euthanasies en dit long sur la dérive mortelle en cours aux Pays-Bas, dérive qui choque désormais certains partisans de l’euthanasie eux-mêmes.
 

Jeanne Smits