Biélorussie : un prêtre catholique condamné à 11 ans de prison

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En Biélorussie, cet Etat-frère de la Russie, il ne fait pas bon être catholique. Michael Haynes de LifeSiteNews rapporte les derniers propos en date diffusés depuis sa prison par un prêtre condamné en fin d’année dernière dernière à onze ans de détention pour « haute trahison » : le P. Henryk Okołotowicz affirme que son cas est actuellement instrumentalisé pour faire le procès de l’Eglise catholique du Bélarus dans son ensemble.

Le P. Okołotowicz s’estime victime d’un procès inique : « Il n’y a pas un mot de vrai, pas un seul fait permettant de me convaincre d’espionnage, et toute l’accusation est basée sur des mensonges, des menaces et du chantage. »

« Haute trahison » : tel est l’unique motif donné pour l’arrestation initiale du prêtre qui eut lieu en 2023, et pour sa récente condamnation par le tribunal régional de Minsk. Le juge Uladzimir Areszko, décrit localement comme prompt à sanctionner la « résistance ».

Dans une lettre envoyée depuis sa prison le P. Okołotowicz a donné davantage de détails, affirmant qu’il avait été accusé d’espionnage en faveur de la « Pologne et du Vatican », ce qu’il nie avec véhémence. Il ajoute que tout au long du procès, malgré le défilé de nombreux témoins, aucun fait déterminant n’a été rapporté qui permette de l’incriminer.

 

Des sanctions à la prison : le P. Okołotowicz dérange depuis 1984

Son crime est peut-être d’avoir gagné l’estime par le ministère qu’il offre aux catholiques locaux, et par la renaissance de la pratique religieuse qui en a résulté parmi cette population. Ordonné en 1984, rappelons qu’il devint la même année le premier prêtre biélorusse à célébrer la messe sur la tombe des officiers polonais massacrés à Katyn en 1940 par la police secrète de Staline – et déjà, il suscitait la colère des autorités communistes. Certains médias rapportent qu’il a été sanctionné une trentaine de fois par les Soviétique avant la chute de l’URSS.

Mais la persécution continue. Et pour le P. Okołotowicz, elle est le signe d’une volonté d’asservissement de l’Eglise catholique afin que ses prêtres « se taisent » et qu’« elle ne dise pas la vérité ».

Derrière les barreaux depuis novembre 2023, le prêtre souffre de problèmes de santé importants. Selon les médias, il a été victime d’une crise cardiaque avant son arrestation, et aurait également subi depuis lors une opération chirurgicale pour un cancer de l’estomac.

Plus gravement encore, les autorités l’empêchent toujours de célébrer la messe ou d’accéder à la salle de prière de la prison où il se trouve actuellement en attendant son envoi dans un camp pénitentiaire de haute sécurité.

 

Etre prêtre catholique en Biélorussie, c’est déplaire au pouvoir

Le porte-parole du groupe local de défense des droits de l’homme Viasna Human Right Center, Pavel Sapelka, avait commenté sa condamnation en ces termes en décembre : « Pour la première fois depuis la chute du régime communiste, un prêtre catholique en Biélorussie a été condamné au titre de chefs d’accusation criminels portés contre les prisonniers politiques. Sa lourde peine vise à intimider et à réduire au silence des centaines d’autres prêtres avant l’élection présidentielle de janvier. »

L’homme politique en exil Pavel Latouchka, jadis en grâce au Bélarus mais qui s’est opposé au président Alexandre Loukachenko à la suite de violences policières sur des manifestants en 2020, a également dénoncé la sentence prononcée à l’encontre du prêtre. Il a lui-même été condamné à 18 mois de prison par contumace pour s’être opposé au pouvoir.

Le P. Okołotowicz n’est pas le seul responsable religieux à avoir été arrêté et jugé au Bélarus : de nombreux membres du clergé de diverses confessions ont été arrêtés à la suite de l’élection présidentielle de 2020, largement contestée ; le groupe Viasna estime que le pays compte actuellement 1.200 prisonniers politiques.

 

L’AED dénonce la « répression autoritaire » contre les catholiques

L’association catholique « Aide à l’Eglise en détresse » (AED) dénonçait en 2023 déjà la « répression autoritaire » qui avait cours dans le pays et qui « a eu des conséquences dévastatrices pour la société civile et les droits de l’homme, y compris la liberté religieuse », tout en notant : « Le gouvernement surveille régulièrement les croyants par l’intermédiaire de la police secrète du KGB. » Celle-ci a en effet gardé l’appellation soviétique – ainsi les choses sont plus claires.

Les vieux mécanismes sont toujours à l’œuvre : ainsi en août 2021 un journal gouvernemental a ridiculisé l’Eglise catholique en publiant une série de caricatures représentant des prélats avec des croix gammées nazies au lieu de croix pectorales. L’épouvantail nazi, c’est le grand classique – au moins depuis la rupture du pacte germano-soviétique en 1941.

Pour l’AED, les choses sont claires : « La plupart des droits de l’homme, y compris la liberté religieuse, sont menacés en raison de la nature autoritaire du gouvernement biélorusse. »

 

La Biélorussie sous influence du Kremlin ?

Un autre groupe de défense des droits de l’homme, Human Rights Without Frontiers (HRWF), écrivait en décembre que les droits de l’homme et les libertés religieuses étaient systématiquement réprimés en Biélorussie, une situation que le groupe attribuait en grande partie à l’influence et au contrôle exercés par le Kremlin.

Leur communiqué affirmait notamment :

« Le gouvernement biélorusse met en œuvre des lois draconiennes pour étouffer les différentes communautés religieuses et restreindre leur liberté d’action. Les institutions religieuses, en particulier celles qui ne sont pas alignées sur le régime, sont constamment surveillées, harcelées et contraintes de fermer. En manipulant la religion comme un outil de contrôle politique, Loukachenko s’assure la loyauté envers son régime autoritaire, réduisant au silence toute opposition fondée sur la foi. »

Selon HRWF, Loukachenko « continue d’utiliser les mêmes mécanismes de répression de style soviétique qui ont longtemps opprimé la société biélorusse ».

La Russie demeure elle aussi dans cette logique, au moins dans les zones qu’elle occupe en Ukraine où deux prêtres grecs-catholiques ont été arrêtés et séquestrés entre novembre 2022 et juin 2024. L’un d’entre eux a depuis lors publiquement témoigné des tortures et autres mauvais traitements dont il a fait l’objet, comme nous le racontions ici.

 

Jeanne Smits