Pour Bill Gates, seulement trois emplois échapperont à l’IA dans 10 ans

Bill Gates emplois IA
 

Lorsqu’on lui a demandé, il y a dix ans, sur quel secteur il se concentrerait s’il devait repartir de zéro, Bill Gates a répondu sans hésiter : l’IA. Le co-fondateur de Microsoft n’a jamais cessé de parier sur l’IA. Et chacune de ses interventions l’évoque comme un Graal qui pourra changer la face du monde. Car, il l’a redit lors de l’émission « The Tonight Show » de la chaîne NBC en février, les humains ne seront plus nécessaires « pour la plupart des choses ».

Plus qu’un Graal, c’est alors une Révolution. Déjà parce que la technologie remplacera l’humain dans la majorité des professions. Et encore une fois, cette libération du travail, avancée comme telle, pose d’autres questions plus fondamentales, car on révoque ainsi la mission confiée à l’Homme par Dieu, celle qui doit le faire, entre autres, se réaliser dans sa vocation d’Adam ou d’Eve rachetés. Et puis on ne peut s’empêcher d’imaginer que certains humains ne seront plus nécessaires du tout.

Bill Gates, lui, ne s’inquiète en rien ou presque. Il est foncièrement optimiste pour l’avenir et réellement fasciné par l’absence de « limite supérieure », comme il le dit mot pour mot, dans cette course technologique – l’infini, pourtant, n’est pas censé nous appartenir.

 

De la disparition quasi radicale des emplois

Comme Bill Gates l’avait déjà fait remarquer en octobre dernier, trois domaines resteront l’apanage de l’homme et échapperont à l’IA : la programmation, car « les codeurs devront comprendre les couches sous-jacentes de l’IA pour déterminer si elle fonctionne correctement ou agit de manière “stupidement folle” ». Les biologistes resteront nécessaires pour la recherche et la découverte scientifique, malgré la capacité de l’IA à diagnostiquer des maladies et à analyser l’ADN. Enfin, il estime que le domaine de l’énergie est trop complexe pour être entièrement automatisé, ce qui rend les experts en énergie indispensables.

A part ça, tout est permis, tout est possible… « Grâce à l’IA, d’ici à dix ans, les conseils médicaux de qualité et l’accompagnement pédagogique [notamment] deviendront gratuits et accessibles partout. » Professeurs et médecins seront donc remplacés : ceux qui soignent les corps et ceux qui développent les intelligences.

Dans l’enseignement supérieur, l’IA pourrait révolutionner la recherche et les processus administratifs, en aidant les étudiants à s’orienter dans des cours complexes et en permettant aux établissements d’adapter leurs programmes à l’évolution des secteurs.

Quant à la médecine, les progrès potentiels sont faramineux. L’IA pourra identifier des maladies rares ou personnaliser des traitements en fonction des profils génétiques. Elle pourra même réaliser des diagnostics de soins primaires et décharger ainsi les professionnels de santé. « A terme », a-t-il noté, il ne manquera pas de médecins, « et la machine sera probablement supérieure aux humains, car l’étendue des connaissances nécessaires pour prendre certaines de ces décisions dépasse largement la cognition humaine individuelle ».

 

L’IA est une « formidable opportunité » selon Bill Gates

On peut se demander ce qu’il fait des liens humains… La transmission d’un savoir, ou un diagnostic médical ne sont pas seulement le résultat d’une froide compilation de connaissances. Que fait-il de la passion communiquée, de l’empathie stimulante, de la géniale intuition, de la compréhension réconfortante ? Si Bill Gates est arrivé jusque-là, et il le dit pourtant dans son tout récent livre racontant les vingt premières années de sa vie, ce fut d’abord grâce à des personnes dotées d’une intelligence, d’un cœur et d’une âme. Quel type d’humains donneront les « soins » de la « parfaite » IA ? Point de réflexion sur le sujet : le souci est l’efficacité et l’uniformité.

Bill Gates précise que l’homme pourra participer encore à une tâche, mais toujours par un choix personnel, généralement lié au plaisir. Il prend l’exemple d’un match de base-ball… où il y aura très probablement toujours des humains, d’abord parce qu’ils aiment ça et parce que ceux qui les regardent n’apprécieraient sans doute guère applaudir les performances d’un robot. « Il y aura des choses que nous nous réserverons. Mais pour ce qui est de fabriquer des objets, de les déplacer et de produire de la nourriture, avec le temps, ces problèmes seront essentiellement résolus », prévoit Gates.

Si la disparition du travail était la simple résolution d’un problème, il n’en serait pas tant question. Le PDG de Microsoft AI, Mustafa Suleyman, pense, lui, que les progrès technologiques continus au cours des prochaines années auront un impact « extrêmement déstabilisant » sur la main-d’œuvre. Peut-être seront-ils aussi déshumanisants.

 

L’avènement d’une « intelligence entièrement libre »

Bill Gates l’a dit à un professeur à l’université de Harvard, le mois dernier : nous entrons dans l’ère de « l’intelligence entièrement libre ».

Auparavant, l’informatique visait à rendre les tâches existantes plus efficaces, mais l’IA pourra redéfinir fondamentalement les tâches que les humains délèguent aux autres humains ou aux machines et touchera presque tous les aspects de notre vie. Alors que l’informatique des premiers temps était limitée par le matériel et un manque de sophistication logicielle, l’IA est simplement limitée, aujourd’hui, par le nombre de données d’apprentissage et leur interprétabilité.

« C’est très profond et même un peu effrayant, parce que cela se produit très rapidement et qu’il n’y a pas de limite supérieure », a déclaré Gates au professeur. Un horizon sans fin ou un trou sans fond ?

Il admet quand même qu’il subsiste des préoccupations compréhensibles et valables quant aux abus potentiels. Le principal « péché de l’informatique » comme il le disait à Harvard, réside dans sa capacité à renforcer de faux récits : l’IA pourrait, selon lui, soit exacerber, soit atténuer ce problème, selon la manière dont elle est déployée. Qu’on nous permette de se demander qui aura intérêt à ce que la Vérité soit reine, dans ce monde régi par le Prince du Mensonge.

Plus généralement, il y a bien sûr quelque chose d’éminemment philanthropique dans les aspirations de Bill Gates qui donne à rêver un monde entier nourri, soigné, enseigné et diverti ad libitum. Seulement ce genre d’utopie a toujours flirté avec l’absence de liberté.

 

Clémentine Jallais