Bien que l’économie britannique se porte nettement mieux que celles d’autres pays développés, plus de sept mois après le vote du Brexit qui devait déclencher une variante particulièrement sévère de l’Apocalypse, on joue encore à faire peur au Royaume-Uni. Le rapport d’un conseiller du gouvernement du Royaume-Uni sur la question des retraites, John Cridland, annonce que les Britanniques pourraient devoir travailler nettement plus longtemps en cas de « hard Brexit », dans la mesure où celui-ci est associé avec une limitation sévère de l’immigration. La sortie de l’UE pourrait donc pousser l’âge de la retraite bien au-delà des 70 ans, si, si !
John Cridland est précisément préposé au calcul du futur âge légal de la retraite dans le cadre des pensions d’Etat – l’équivalent de nos retraites de sécurité sociale en France – et selon lui, c’est le « facteur Brexit » qui rend l’avenir du système incertain.
Désinformation par omission : c’est la question démographique qui est au cœur de ce problème, avec une double réalité – l’allongement de la durée de vie et l’insuffisance des nouvelles générations qui bouleversent le rapport entre population active et population à la retraite dont il faut servir les pensions. L’immigration n’est par rapport à cela qu’une rustine…
Le Brexit rendu responsable d’un futur relèvement de l’âge de la retraite
Mais c’est une argumentation qui peut porter, puisqu’elle menace directement les Britanniques qui aujourd’hui travaillent, ou attendent de trouver un emploi, et ce d’autant que le rapport Cridland sera pris en compte par le gouvernement lors d’une réforme du système de retraites qui doit être finalisée pour le mois de mai.
Le rapport s’appuie sur les prévisions de l’Office de la responsabilité budgétaire qui ne prend pas en compte le Brexit – ce qui semble être une manière bien légère de fournir des informations supposées dicter une politique sur la longue durée. Mais à titre personnel, John Cridland a indiqué que la proportion future des retraités par rapport aux personnes en âge de travailler, l’un des plus grands facteurs pesant sur le coût des retraites publiques, est aujourd’hui « impossible à prédire » à cause de ces trois facteurs : espérance de vie, fécondité, et la politique migratoire post-Brexit. Remarques faites lors d’une conférence au Centre international de la longévité, c’est tout dire !
Selon certaines projections, un Brexit dur pourrait repousser l’âge de la retraite de 18 mois pour les personnes aujourd’hui âgées de moins de 40 ans, sur la base d’une estimation à la baisse des nouveaux enregistrements des numéros nationaux d’assurance de 600.000 à 140.000 en trois ans. Au bout du compte, cela représenterait un million d’actifs en moins, pour 1 million de personnes âgées de 70 ans et plus supplémentaires.
70 ans, ou 75… La lutte contre l’immigration a bon dos !
A défaut de relever l’âge légal de départ à la retraite, il faudrait relever les impôts en cas de baisse de l’immigration, prévient de son côté la société Eversheds Sutherland qui évalue actuellement les effets du Brexit sur les retraites. Son directeur, François Barker, vise particulièrement la chute du nombre de personnes en âge de travailler depuis l’Union européenne.
Deux remarques. Premièrement, que le Brexit soit dur ou mou, la question de l’immigration n’est pas gravée dans le marbre. En regagnant sa souveraineté en la matière, le Royaume-Uni sera de nouveau doté des outils qui lui permettront de fixer lui-même sa politique. Deuxièmement, la plupart des pays de l’UE souffrent eux-mêmes d’un grave déficit de population : compter sur des voisins à bout de souffle pour régler ses propres problèmes repose aussi sur un certain nombre d’aléas mal pris en compte…
Il faudrait préciser d’ailleurs que l’on part de l’idée que les immigrés, quels qu’ils soient, apportent une richesse qui profite à tous. La difficulté des masses de migrants dans l’UE à entrer effectivement dans la population active devrait aussi donner à réfléchir : ils ne font souvent que peser sur un système d’allocations qui repose aussi sur une population active de plus en plus sollicitée en tant que source de revenus à « redistribuer ».