La présentation du budget 2025 par Michel Barnier a suscité toutes sortes de faux débats. Pourquoi ne prévoit-il pas de faire payer plus les riches, ou ne taxe-t-il pas plus carrément les superprofits ? Comment l’erreur de prévision commise par le précédent gouvernement lorsqu’il a publié fin 2023 son budget 2024 a-t-elle pu être aussi lourde ? Les comptes présentés par Le Maire et Attal étaient-ils faux ? Eric Coquerel, président LFI de la Commission des finances à l’Assemblée, a été particulièrement émouvant dans son rôle de procureur de la rigueur financière et de l’exigence morale du socialisme. Pendant ce temps, Barnier a pu faire passer comme une lettre à la poste son affirmation : sur les « 60 milliards d’euros à trouver » pour commencer à rétablir les comptes, 20 milliards seraient demandé à l’ensemble des contribuables et 40 proviendraient des efforts de la puissance publique. Or il ne s’agit pas de chipoter sur le détail des chiffres fournis, le vrai débat porte sur la répartition d’ensemble, qui est une imposture : la quasi-intégralité de l’effort est demandé aux contribuables et aux citoyens, et pratiquement rien à l’Etat, qui ne réduit en rien son train de vie.
Le flou de Barnier sur la réalité du budget
Parmi les « économies » annoncées par Michel Barnier, laquelle, ou lesquelles, peut être honnêtement considérée comme le résultat d’un effort de l’Etat ? Le report au mois de juin de l’indexation des pensions de retraite ? Non, ce sont les retraités qui paieront la note, pas l’Etat – car les pensions ne sont pas une subvention ou une aide qui dépend du bon vouloir de la collectivité, mais un dû. Et si l’Etat doit abonder pour boucher les trous du système, c’est que celui-ci a été mal conçu par la collectivité elle-même. Les quelques milliards qu’il va supprimer aux collectivités locales ? Ce n’est pas forcément une mauvaise chose, mais c’est elles qui paieront l’addition.
Le reste est flou. La presse s’interroge. On dit que certaines agences de l’Etat dépenseront moins, mais lesquelles et comment, nul ne le précise. On verra bien. Selon l’association Contribuables associés, « en 2023, il y aurait 438 opérateurs, 314 commissions diverses et des centaines de structures employant 479.000 agents en équivalent temps plein. Pour un coût total de 76,6 milliards de financements publics (contre 63 milliards en 2021) ».
Moins de fonctionnaires et de socialisme pour réduire la dépense
Comment l’Etat, et les collectivités locales, peuvent-ils sérieusement faire de véritables économies ? Réponse, en cessant de financer ce qui n’est pas de leur ressort d’une part et qui peut nuire (transition écologiste, immigration), mais cela demanderait un débat de fond honnête sur la nature des dépenses de l’Etat et ses fonctions régaliennes. L’autre méthode est de réduire le nombre des fonctionnaires. L’exemple le plus intéressant à suivre est celui du président argentin Javier Millei, l’homme à la tronçonneuse, qui, coupant dans le vif, a supprimé des ministères. Mais sans aller jusque-là, Nicolas Sarkozy avait commencé en 2007 à prévoir le non-remplacement d’une proportion sensible de fonctionnaire partant à la retraite, et cela prenait tournure, quand eut lieu la crise des subprimes et la crise mondiale de 2008. Néanmoins, il laissait 85.000 fonctionnaires en moins dans la fonction publique d’Etat à son départ qu’à son arrivée, sans parvenir à freiner l’essor monstrueux de la fonction publique territoriale et hospitalière. Hollande a fait pire et Macron encore pire. En 2017, pour être élu, il avait promis de réduire le nombre de fonctionnaires, il l’a accru de 150.000 en cinq ans.
N’existant que par la dépense ils refusent tout débat
Aujourd’hui, la France compte presque 7 millions d’agents publics, soit 3,4 millions de plus que l’Allemagne. On comprend qu’elle soit la championne des prélèvements obligatoires et de la dépense publique, la championne du socialisme redistributeur. L’Etat, ses agents, ses syndicats, ses ministres, et les collectivités locales qui suivent la même logique et sortent souvent des mêmes écoles, entretiennent cet immobilisme galopant vers l’abîme. Quand Elisabeth Borne demanda en juin 2023 à ses ministres de présenter un plan de coupe de 5 % dans leur budget, Le Figaro Economie titra : « Les ministres se font prier pour réduire leurs dépenses ». Pourtant la dette dépassait déjà 111 % du PIB et le déficit du budget 4,7 % du PIB, bien loin des critères de Maastricht. Il y a une culture du gaspillage dans un pays trop fonctionnarisé où l’on ne se sent exister que par la dépense.
Canada, Pays-Bas, des exemples pour Barnier
Pourtant, réduire la dépense publique est possible, même dans le cadre des démocraties soft et des coalitions multipartites. Dans les années 90, au Canada, sous les gouvernements de Jean Chrétien et Paul Martin, le secteur public a été réformé à la dure. Tous les ministères ont subi des baisses de budget allant de 5 à 60 %. Le ministre de l’Environnement Mel Casse a diminué le sien en trois ans. Il n’en a pas fallu plus à toute la fonction publique pour être réduite de 23 %. Résultat, la dette publique est tombée de 60 % du PIB en 90 à 30 % en 2000. Dix ans plus tard, Mark de Rutte prenait des décisions analogues aux Pays-Bas. Un haut fonctionnaire néerlandais raconte comment le ministère des Affaires étrangères a réduit son budget de 25 % : « Nous nous étions réunis et avions passé en revue toutes les dépenses ligne par ligne en nous posant chaque fois la question : “Et si nous supprimons ces dépenses, que se passera-t-il ?” Pas toujours, mais assez souvent, la réponse fut “rien”, ou “pas grand-chose”. » Le gouvernement dans son ensemble a fait de même et, en 2023, la dette publique néerlandaise est de 46,5 % du PIB. Sans doute, en raison même du nombre époustouflant de fonctionnaires en France et des habitudes prises, la désaddiction serait-elle plus difficile en France, mais l’homéopathe Barnier ne peut réussir : avec au mieux 5.000 fonctionnaires en moins, c’est à dire 0,07 % des effectifs, la réduction qu’il prévoit ne fera pas sortir la France du socialisme.