David Cameron veut remanier l’Europe

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Le Premier ministre britannique David Cameron a présenté mardi ses propositions de réformes de l’Europe. Un discours qui doublait la lettre adressée aux autorités bruxelloises, et que le président du Conseil européen Donald Tusk a annoncée avoir bien reçue. Officiellement, ces propositions visent à éviter le fameux Brexit, c’est-à-dire le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, agité par Londres à chaque difficulté relationnelle avec Bruxelles, et sur lequel Cameron a promis d’organiser un referendum d’ici la fin de l’année 2017. Ce n’est pourtant pas si simple, et la Commission européenne a immédiatement jugé certaines exigences britanniques « hautement problématiques ».
 
A Paris comme à Berlin, l’on se veut pourtant confiant. Angela Merkel a aussitôt décroché son téléphone pour s’entretenir avec David Cameron sur « quelques points difficiles ».
 
Du côté des autorités françaises, on se dit satisfait qu’il n’y ait pas eu de « surprise », même si la volonté du Premier ministre britannique de parvenir à un compromis avant la fin de l’année ajoute à la pression. « L’objectif aujourd’hui, c’est décembre. Ça ne veut pas dire qu’il est très facile à tenir, c’est un délai très court, mais tant qu’il n’y a pas de surprise ce n’est pas impossible non plus », explique-t-on.
 

Le Premier ministre britannique veut remanier l’Europe

 
On notera qu’il s’agit là d’une réaction toute faite, celle d’idéologues qui n’ont manifestement pas pris connaissance de la lettre et du discours de David Cameron, et qui surtout n’imaginent pas un instant qu’il puisse y avoir quelque problème constitutionnel au sein de l’Union européenne.
 
Or le propos du Premier ministre britannique est beaucoup pointu que d’aucuns le prétendent, puisqu’il remet en cause, ni plus ni moins, le traité européen. Pas dans tous ses aspects, bien sûr ; mais cela est suffisamment pour que la Commission européenne ait tiqué…
 
David Cameron s’exprime de façon très nette. Soulignant qu’il n’a « aucun attachement sentimental aux institutions de l’Union européenne », il déclare : « Reconnaissons que la réponse à tous les problèmes n’est pas toujours plus d’Europe. C’est parfois moins d’Europe. »
 
L’idée est, en soi, révolutionnaire pour ses partenaires, pour la plupart tenants d’une Europe prenant de plus en plus le pas sur les Etats-membres qui la constituent. D’autant que cette opposition – du moins cette dispense britannique – à une « union toujours plus étroite » contrevient directement aux traités européens, et donc au fondement de l’Union européenne.
 

David Cameron détricote les traités européens

 
Sur ce point, David Cameron demande notamment que les Parlements nationaux puissent faire entendre leur voix. « Nous ne demandons pas un droit de veto pour chaque Etat membre, affirme-t-il. Nous reconnaissons que, dans une Europe à 28, ce serait la paralysie, mais nous voulons un nouvel arrangement dans lequel les parlements nationaux doivent pouvoir se rassembler et rejeter des règles européennes qui ne correspondent pas à leur intérêt. »
 
Qui ne voit qu’une telle demande constitue un coup d’arrêt sérieux à la construction européenne telle qu’on nous la vante chaque jour ? Sans compter que, si une telle brèche était ainsi ouverte dans le fonctionnement de l’Union européenne, certains pays – à commencer par la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie… – ne manqueraient pas de s’y précipiter.
 
D’autres points soulignés par le Premier ministre sont également délicats pour Bruxelles. On pourrait évoquer ses exigences dans le contrôle des flux migratoires à l’intérieur de l’Union européenne, ou ses réflexions sur le principe de libre circulation entre les Etats-membres.
 

Plus de monnaie unique…

 
Mais il y a un point particulièrement important qui concerne les relations entre la zone euro et les Etats européens n’ayant pas adopté la monnaie unique. Ainsi, pour David Cameron, « l’Union européenne a plus d’une monnaie ».
 
La chose paraît simple, si l’on observe la réalité quotidienne. Mais elle contrevient clairement aux traités européens, pour lesquels l’Union n’a qu’une monnaie unique, l’euro.
 
L’euro, vers l’adoption duquel doit tendre, à terme, l’ensemble des pays constituant l’Union européenne…
 
Là encore, si l’on veut reconnaître plusieurs monnaies, il faudra non seulement changer le texte des traités, mais leur esprit même !
 
Contrairement à ce qu’ont affirmé un peu vite ceux qui se sont dits satisfaits du discours britannique, un simple compromis risque d’être très insuffisant pour régler ce qui s’annonce être une crise institutionnelle de l’Union européenne.
 

François le Luc