Le Canada oblige désormais à toujours proposer l’euthanasie, même aux patients vulnérables

Canada oblige proposer euthanasie
 

Alors qu’outre-Manche, les membres de la Chambre de Lords, réticents, ont proposé près de 1.000 amendements au projet de loi sur la fin de vie, le Canada, lui, s’ébroue dans une carrière toujours plus vaste, avec des mains toujours plus libres. Selon des médecins, le gouvernement canadien contraint désormais les médecins à promouvoir l’euthanasie auprès de leurs patients, même les plus vulnérables, surtout les plus vulnérables, ceux qui seront le moins capables de se battre contre une telle porte de sortie, soit parce qu’ils sont seuls, soit parce qu’ils souffrent trop.

Les chiffres avaient déjà augmenté, mais le nombre d’euthanasies risque immanquablement de croître davantage. D’autant plus que l’accès aux soins devient de plus en plus difficile (et c’est une réalité dans toute l’Europe et dans d’autres pays développés, et on la constate notamment en France) et que les soins palliatifs sont les premiers à s’en trouver diminués.

 

Les patients vulnérables, cible odieusement facile

Trois médecins canadiens alertent dans une vidéo postée sur YouTube. Alors même qu’on leur avait promis que le personnel médical ne serait pas contraint d’y participer, que personne n’en perdrait son emploi, qu’aucun hôpital n’y serait obligé, qu’aucun EHPAD, qu’aucune unité de soins palliatifs ne serait obligé d’accueillir des médecins pratiquant l’euthanasie, force est de constater que tout cela était du vent (on promet d’ailleurs exactement les mêmes choses en Angleterre).

Conformément au protocole de Santé Canada de 2023, les médecins doivent, en réalité, insérer l’euthanasie ou ce qu’on appelle « l’aide médicale à mourir » (AMM), dans « la gamme des options de traitement disponibles pour soulager la souffrance ». Aux patients vulnérables, donc, l’euthanasie sera proposée comme une option de traitement, alors qu’elle est tout sauf un traitement : c’est même l’inverse exact.

« C’est très grave », note l’un des médecins, car « un patient est plus susceptible d’opter pour cette solution si un professionnel de la santé la lui suggère ». Et la relation médecin-patient en est fondamentalement atteinte : l’état d’esprit change lorsque celui qui vous soigne, vous propose, avec le même sourire, de vous tuer.

La gériatre Catherine Ferrier raconte comment l’euthanasie a été proposée à un membre de sa famille atteint d’un cancer du cerveau : lors de sa première évaluation, le médecin n’a présenté que deux options : l’euthanasie ou la sédation palliative, rien qui puisse lui redonner le goût de vivre. Pire, il l’a redirigé vers un psychiatre qui a seulement semblé préoccupé de savoir si le patient était mentalement apte à choisir l’euthanasie !

 

A certains Canadiens handicapés, l’euthanasie est proposée chaque semaine

D’autres en ont témoigné. Début octobre, la PDG d’Inclusion Canada (fédération qui défend les droits des personnes présentant une déficience intellectuelle) a révélé, devant le Parlement, que de nombreux Canadiens handicapés subissaient des pressions pour mettre fin à leurs jours par euthanasie lors de consultations médicales de routine, sans lien avec leur état de santé. Et que parfois, même, ils en venaient à se priver de soins pour ne pas avoir à les subir !

C’est le résultat logique de la politique d’élargissement systématique de la loi initiale de 2016, mise en place par le Canada : depuis 2021, plus besoin d’être « en phase terminale », le seul fait d’être atteint d’une maladie chronique vous permet d’avoir accès à l’AMM.

Une nuance considérable qui a ouvert la porte à des résolutions finales funestes, car si le soin et le soutien disparaissent dans le cadre de telles vulnérabilités, l’AMM devient, de fait, le recours ultime. Les données du coroner en chef de l’Ontario, pour 2023, ont révélé, rapporte LifeSiteNews, que plus des trois quarts des personnes euthanasiées alors que leur décès n’était pas imminent, avaient besoin d’une aide à domicile pour personnes handicapées, et qu’elle ne leur avait pas été donnée.

Même chose pour les soins : actuellement, les délais d’attente pour en recevoir ont augmenté pour atteindre une moyenne de 27,7 semaines, ce qui pousse certains Canadiens au désespoir et les incite à opter pour l’euthanasie plutôt que d’attendre d’être soulagés. La famille d’un homme âgé a dénoncé, récemment, le traitement subi par ce dernier dans un hôpital public : la nuit terrible passée dans un couloir sans lumière, entouré d’infirmières aux abois, dépassées par le nombre des patients, lui avait fait arracher un oui à l’euthanasie, avant d’être rattrapé par les siens (on songe à certaines heures difficiles dans nos hôpitaux français, à s’endormir sur le brancard d’un proche…).

Et que dire de la solitude dans laquelle ces personnes, plus que toute autre, peuvent se trouver ? Des documents internes de médecins ontariens datant de 2024 ont révélé qu’un certain nombre de Canadiens choisissaient l’euthanasie pour cette raison, quand ce n’était pas la seule pauvreté qui les y poussait (Pauline Mille nous en parlait il y a un an). Par « souffrance intolérable », les mots employés par la loi, on peut entendre bien des choses.

 

Au Canada et en particulier au Québec, les chiffres augmentent à vitesse grand V

Certaines politiques tentent de remédier au manque de soins comme au Québec, mais de la pire des manières : une toute nouvelle loi y exige désormais que 15 % de la rémunération des médecins soient liés à des « objectifs de performance » : autrement dit, plus de patients en moins de temps. Que deviendront alors les soins palliatifs qui exigent, plus que tous les autres, déplacement, prise de temps, toute cette humanité dont on défait peu à peu la médecine ? Une niche où se dévoueront les fous.

Vue ainsi, l’euthanasie est du pain bénit pour un système de santé surchargé et sous-financé, aux prises avec une population vieillissante nécessitant des soins de plus en plus complexes. La Commission québécoise sur les soins de fin de vie a publié son rapport annuel d’activités pour l’année 2024-2025 : les euthanasies enregistrent une hausse de 9 % par rapport à la période précédente, représentant désormais 7,9 % des décès constatés au Québec. Et 11 % de médecins supplémentaires y ont participé.

Qu’on nous permette d’imaginer le zeste de folie qu’ajoutera l’Intelligence Artificielle à cette grande déchéance. Certains nous disent que l’IA rendra l’euthanasie obsolète, guérissant toutes les maladies humaines de la détection des tumeurs à la production accélérée des médicaments… mais peut-être uniquement pour ceux qui auront été jugés « dignes », et cette dignité n’est assurément pas celle d’« être créé par Dieu ». L’euthanasie survivra à l’IA. La culture de mort est avant tout une idéologie.

 

Clémentine Jallais