Le cardinal Gerhard Müller dénonce un « processus de protestantisation » : « La foi est nécessaire à la Rédemption »

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Dans un entretien fracassant accordé à Catholic World Report, le cardinal Gerhard Müller, débarqué l’an dernier de sa charge de préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, critique durement ce que l’on pourrait synthétiser sous le mot de relativisme au sein même de l’Eglise, en insistant sur la nécessité de sauvegarder la vraie foi, même au prix du martyre. « La foi est nécessaire à la rédemption », a-t-il rappelé, dénonçant un « processus de protestantisation » et visant en particulier l’actuelle controverse sur l’intercommunion avec les protestants souhaitée par les évêques allemands. Le cardinal a dénoncé un faux œcuménisme qui voudrait adapter la foi catholique aux autres dénominations chrétiennes. Et plus largement, au monde…
 
Pour le cardinal Müller, « un groupe d’évêques allemands, avec leur président (de la conférence épiscopale d’Allemagne) en tête, se voient comme des faiseurs de tendance accompagnant la marche de l’église catholique vers la modernité ». « Ils considèrent la sécularisation et la déchristianisation de l’Europe comme un développement irréversible. Pour cette raison, la Nouvelle évangélisation – le programme de Jean-Paul II et de Benoît XVI – est à leurs yeux une bataille contre le sens objectif de l’histoire, qui tient de la lutte de Don Quichotte contre les moulins à vent. Ils cherchent, pour l’Eglise, une niche où elle puisse survivre en paix. C’est pourquoi toutes les doctrines de la foi opposées au “mainstream”, le consensus sociétal, doivent être réformées », dénonce le cardinal.
 

Le cardinal Gerhard Müller a donné un entretien particulièrement vif à “Catholic World Report”

 
Il y voit la raison pour laquelle il existe une demande pour que la communion soit donnée à des personnes « sans la foi catholique » et aux catholiques « qui ne sont pas dans un état de grâce sanctifiante ». Mais aussi pour la bénédiction des couples homosexuels, l’intercommunion, les attaques contre l’indissolubilité du mariage, la fin du célibat sacerdotal, l’approbation des relations sexuelles avant et en dehors du mariage. « Tels sont leurs buts, et pour les atteindre, ils sont prêts à accepter même la division au sein de la conférence des évêques », dit le cardinal Müller à propos de ces confrères allemands.
 
« Les fidèles qui prennent la doctrine catholique au sérieux sont taxés de conservatisme et poussés hors de l’Eglise ; ils sont la cible d’une campagne de diffamation de la part des médias libéraux et anti-catholiques », constate encore le cardinal pour qui « de nombreux évêques » considèrent la vérité de la Révélation « comme une variable de plus dans les jeux de pouvoir à l’intérieur de l’Eglise ». (Alors : ce sont les médias ou les évêques qui poussent les catholiques fidèles vers la sortie ?)
 
Le cardinal poursuit : « Certains d’entre eux (…) pensent que les déclarations du pape François avec des journalistes et des personnalités publiques éloignées de la foi catholique peuvent justifier l’“édulcoration” de vérité définies et infaillibles de la foi. Tout bien considéré, nous sommes aux prises avec un processus flagrant de protestantisation. »
 

L’intercommunion et les autres nouveautés mises en avant témoignent d’un « processus de protestantisation »

 
Le cardinal Müller a plus précisément évoqué l’œcuménisme, qui a pour but « la pleine unité de tous les chrétiens », et dont il a rappelé qu’elle est « déjà sacrémentellement réalisée au sein de l’Eglise catholique ». « La mondanité de l’épiscopat et du clergé au XVIe siècle a été la cause de la division du christianisme, diamétralement opposé à la volonté du Christ, qui a fondé l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique. La maladie de cette époque-là est aujourd’hui présentée comme le médicament qui permettra de surmonter la division. L’ignorance de la foi catholique à cette époque-là était catastrophique, spécialement parmi les évêques et les papes qui se consacraient davantage à la politique et à la puissance qu’au témoignage de la vérité du Christ », a-t-il déclaré. C’est donc une même ignorance négligence de la foi que l’ex-préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi tient pour responsable des abandons actuels.
 
Il précise d’ailleurs : « Aujourd’hui, pour de nombreuses personnes, le fait d’être accepté par les médias est plus important que la vérité, pour laquelle il nous appartient aussi de souffrir. Pierre et Paul ont souffert le martyre pour le Christ à Rome, le centre du pouvoir en leur temps. Ils n’étaient pas célébrés par les puissants de ce monde comme des héros, mais plutôt moqués, comme le Christ sur la Croix. Nous ne devons jamais oublier la dimension martyrologique du ministère pétrinien et de la charge épiscopale. »
 

Le cardinal Gerhard Müller répond aux pressions en faveur de l’intercommunion

 
Sur la question de l’intercommunion, à laquelle reiformation.tv consacre aujourd’hui une analyse plus étendue, le cardinal Müller a répondu :
 
« Aucun évêque n’a autorité pour administrer la sainte communion à des chrétiens qui ne sont pas en pleine communion avec l’Eglise catholique. Ce n’est que dans une situation de danger de mort qu’un protestant peut demander l’absolution sacramentelle et la sainte communion comme viatique, s’il partage la totalité de la foi catholique et entre ainsi en pleine communion avec l’Eglise catholique, même s’il n’a pas encore déclaré officiellement sa conversion. Malheureusement, il existe aujourd’hui même des évêques qui ne connaissent plus la foi catholique en unicité de la communion sacramentelle et ecclésiale, et ils justifient leur infidélité à la foi catholique au motif d’un supposé souci pastoral ou à l’aide d’explications théologiques qui contredisent pourtant les principes de la foi catholique. Toute doctrine et praxis doit être fondée sur l’Ecriture sainte et sur la Tradition apostolique, et ne doit pas contredire les déclarations dogmatiques antérieures du magistère de l’Eglise. C’est le cas pour la permission accordée aux chrétiens non catholiques de recevoir la communion au cours de la sainte messe – hormis la situation d’urgence décrite plus haut. »
 
Interrogé sur la santé de la foi catholique en Allemagne et en Europe, le cardinal Müller s’est montré tout aussi franc :
 
« Un grand nombre de gens vivent selon leur foi, aiment le Christ et son Eglise et placent leur espérance en Dieu, dans la vie et dans la mort. Mais parmi eux, nombreux sont ceux qui se sentent abandonnés et trahis par leurs pasteurs. Etre populaire dans l’opinion publique est aujourd’hui le critère du prétendu bon évêque ou bon prêtre. Nous sommes au milieu d’une conversion au monde, et non à Dieu, au mépris de ce que disait l’apôtre Paul : “Car, en ce moment, est-ce la faveur des hommes que je désire, ou celle de Dieu ? Est-ce que je cherche à plaire aux hommes ? Si je plaisais encore aux hommes, je ne serais pas serviteur du Christ. (Gal 1:10). »
 
Et de plaider pour des prêtres qui soient entièrement au service de la Rédemption des êtres humains « en pèlerinage de foi vers notre demeure éternelle ». « Il n’y a absolument aucun avenir pour le “christianisme light” », a insisté le cardinal.
 

La foi est nécessaire à la Rédemption, rappelle l’ex-préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi

 
Interrogé ensuite sur les pressions qui continuent pour faire accepter l’ordination des femmes malgré la réitération par la Congrégation de la Doctrine de la foi de l’enseignement pérenne de l’Eglise à ce sujet, le cardinal Müller a répondu :
 
« Malheureusement, en ce moment, la Congrégation pour la doctrine de la foi ne jouit pas d’une estime particulière, et sa signification pour la primauté de Pierre n’est pas reconnue. La Secrétairerie d’État et les services diplomatiques du Saint-Siège sont très importants pour la relation de l’Eglise avec les différents Etats, mais la Congrégation pour la Doctrine de la foi est plus importante, pour la relation de l’Eglise avec sa Tête d’où procède toute grâce.
 
« La foi est nécessaire à la Rédemption ; la diplomatie papale peut faire beaucoup de bien dans le monde. Mais la proclamation de la foi et de la doctrine ne doit pas être subordonnée aux exigences et aux conditions des jeux de pouvoir du monde. La foi surnaturelle ne dépend pas du pouvoir du monde. Dans la foi, il est très clair que le sacrement de l’ordre dans ses trois degrés – évêque, prêtre et diacre – ne peut être validement reçu que par un homme baptisé catholique, car lui seul peut symboliser et sacramentellement représenter le Christ en tant qu’Epoux de l’Eglise. Si le ministère sacerdotal est entendu comme une position de pouvoir, alors cette doctrine de la réservation de l’ordre au catholique de sexe masculin est une forme de discrimination à l’encontre des femmes.
 
« Mais cette perspective de pouvoir et de prestige social est fausse. Ce n’est que si nous voyons toutes les doctrines de la foi et des sacrements avec des yeux théologiques, au lieu de les voir en termes de pouvoir, que la doctrine de la foi relative aux prérequis naturels au sacrement de l’ordre et au sacrement du mariage nous apparaîtra également comme évidente. Seul un homme peut symboliser le Christ, Epoux de l’église. Seul un homme et une femme peuvent symboliquement représenter la relation du Christ avec l’Eglise. »
 
Les déclarations du cardinal Müller prennent un poids particulier lorsqu’on considère la confusion qui continue d’émaner de Rome à propos de nombreux sujets abordés au cours de son entretien.
 

Jeanne Smits