Confiant, le cardinal Sarah parle de Léon XIV, de la messe traditionnelle et de “Fiducia supplicans”

 

Dans un entretien, dimanche, avec le journal italien Avvenire, quotidien d’inspiration catholique mais indépendant de la hiérarchie de l’Eglise, le cardinal Robert Sarah a donné ses impressions au sujet du pontificat de Léon XIV et plaidé pour un retour à la normale afin de rectifier certaines positions prises sous François – en particulier, en revoyant la déclaration Fiducia supplicans, qui ouvre la porte à la bénédiction de « couples irréguliers », homosexuels en particulier. Il a notamment exprimé ses doutes quant à la possibilité d’« interdire » la messe tridentine.

Il a ainsi affiché un esprit particulièrement critique à l’égard des restrictions imposées par et sous François à la célébration de la messe traditionnelle de rite latin, déclarant :

« Dans l’Eglise, tous les baptisés ont leur place s’ils partagent le Credo et la morale catholique. La diversité des rites n’a jamais été un problème pour l’autorité, car la foi est une. C’est une richesse. Les rites ne s’inventent pas dans un bureau : ils sont le fruit d’une histoire vivante. Je me demande s’il est possible d’“interdire” un rite millénaire. Si la liturgie est source de théologie, pourquoi fermer l’accès aux “sources anciennes” ? Ce serait comme refuser à ceux qui étudient la grâce l’accès à saint Augustin. »

 

Léon XIV discrètement invité à « oublier » Fiducia supplicans

Au sujet de Fiducia supplicans, le cardinal a commenté à son sujet : « J’espère qu’elle sera clarifiée et peut-être reformulée. C’est un texte théologiquement faible et injustifié. Il met en danger l’unité de l’Eglise. C’est un document qu’il vaudrait mieux oublier. »

Pour ce qui est de la synodalité, mot cher à François et repris à son compte par Léon XIV, mais avec un sens semble-t-il assez différent, le cardinal Sarah a précisé :

« Il serait peut-être nécessaire de la fonder théologiquement à partir de la notion de communion, beaucoup plus ancienne et riche. Cela permettrait d’éviter les visions idéologiques qui opposent synodalité et communion. La communion est la fin ; la synodalité, un moyen à discerner. La communion est hiérarchique, parce que Jésus-Christ l’a voulu ainsi ; la synodalité, comme l’a rappelé le pape, est avant tout un style. »

Connu pour son attachement à la doctrine traditionnelle de l’Eglise, le cardinal guinéen semble rassuré par les premières orientations du nouveau pontificat, au sujet duquel il a noté : « J’ai le privilège de connaître et de collaborer avec certains saints : je pense à Mère Teresa de Calcutta ou à saint Jean-Paul II. Puis avec les derniers papes : Benoît XVI et François. Et aujourd’hui, je contemple Léon XIV avec une grande confiance. »

 

La cardinl Sarah souligne la valeur de la messe traditionnelle

Une confiance qui repose d’abord sur l’approche déjà si visible du nouveau souverain pontife :

« Léon XIV fait renaître la centralité incontournable du Christ, la conscience évangélique que “sans Lui, nous ne pouvons rien faire” : ni construire la paix, ni édifier l’Eglise, ni sauver notre âme. De plus, il me semble qu’il fait preuve d’une attention intelligente au monde, dans un esprit d’écoute et de dialogue, toujours avec une sage considération pour la Tradition. »

« Sans la Tradition vivante, qui permet la transmission de la Révélation divine, l’Eglise ne pourrait exister », a aussi souligné le cardinal Sarah, qui a par ailleurs minimisé la portée de la décision de Léon XIV de le désigner comme son envoyé à Sainte-Anne d’Auray en Bretagne lors des célébrations du 400e centenaire des apparitions de la mère de la Vierge Marie à Yvon Nicolazic. « Je pense qu’il y a chaque jour des nouvelles qui méritent d’être soulignées. Et parmi celles-ci, il n’y a certainement pas celle qui me concerne », a déclaré le cardinal.

 

La cardinal Sarah salue la volonté de Léon XIV de refaire l’unité

Celui-ci, répétant un point de vue qu’il a souvent exprimé, a déclaré au sujet de l’unité ecclésiale sur laquelle Léon XIV insiste volontiers : « Il est urgent de dépasser une vision idéologique qui a alimenté deux perspectives opposées au sein de l’Eglise. D’un côté, ceux qui souhaitent éliminer la Tradition au nom d’une ouverture inconditionnelle au monde et à ses critères. De l’autre, ceux qui considèrent la Tradition comme quelque chose d’immuable, étranger au dynamisme de l’histoire. La mission de l’Eglise est unique et doit être accomplie en pleine communion. Il existe une diversité de charismes, mais la mission est unique et exige l’unité. »

Le cardinal Sarah a cependant souligné l’importance de ne rien négliger du message du Christ ; affirmant que le mandat du pape est d’annoncer « le Christ avec clarté et une immense charité », il a précisé :

« L’annonce est toujours la même et il ne peut en être autrement. L’être humain abandonne la foi lorsqu’il oublie qui il est, lorsqu’il refoule ses interrogations fondamentales. L’Eglise n’a jamais abandonné l’homme et ne le fera jamais. Certains chrétiens, à tous les niveaux de la hiérarchie, l’ont peut-être fait lorsqu’ils n’ont pas été fidèles à eux-mêmes, c’est-à-dire lorsqu’ils ont eu honte du Christ, occultant la raison pour laquelle ils sont chrétiens et réduisant la pastorale à une simple promotion sociale. »

 

Jeanne Smits