Saint Carlo Acutis, apôtre sur Internet et non d’Internet

Carlo Acutis apôtre Internet
 

Lors de son homélie pour la canonisation de Carlo Acutis, qui s’est déroulée à Rome le dimanche 7 septembre, le pape Léon XIV n’a à aucun moment prononcé le mot d’Internet. Il n’a pas davantage fait référence au site créé par le jeune saint, qui s’était plu à répertorier des miracles eucharistiques à travers le monde à des fins d’évangélisation. Certains l’appellent d’ailleurs le « geek de Dieu », « l’apôtre d’Internet ». Est-ce à dire que le travail de Carlo Acutis, féru d’ordinateurs et même de jeux vidéo, était en quelque sorte désavoué par le souverain pontife ? Certes non, il faut plutôt y voir une marque de cette constante – déjà – du pontificat : tout centrer sur le Christ. Une fois cela posé, il importe tout de même de revenir, à cette lumière, sur l’« œuvre » informatique de ce jeune Italien qui aspirait avant tout à la sainteté, avant de mourir d’une leucémie foudroyante à 15 ans, d’une mort dont il avait eu la prescience.

Quant à la sainteté, il en a donné la recette, sa recette en tout cas. Ce fut en substance la même que celle de Pier Giorgio Frassati, canonisé le même jour que lui : faire de la Sainte Eucharistie le centre de sa vie.

Carlo Acutis exprimait cela en une phrase lapidaire : « Devant le soleil, on bronze. Devant l’Eucharistie, on devient saint. » Outre cette phrase rappelée par le pape Léon XIV au cours de son homélie, il faut aussi citer celle-ci, relevée par le pape : « La tristesse, c’est le regard tourné vers soi-même, le bonheur, c’est le regard tourné vers Dieu. La conversion n’est rien d’autre que le déplacement du regard du bas vers le haut, un simple mouvement des yeux suffit. » Et encore : « Non pas moi, mais Dieu. »

 

Carlo Acutis, apôtre de l’Eucharistie sur Internet

Carlo Acutis aimait à assister à la messe quotidiennement, et comme Pier Giorgio Frassati, il se confessait très souvent. Ce sont bien les sacrements qui apportent la grâce et qui permettent de placer le Christ au centre de la vie.

Mais alors, Internet ? N’y a-t-il pas un risque que ce jeune saint, mis en avant par l’Eglise afin d’attirer à la sainteté la nouvelle génération, ne soient utilisé comme une sorte d’alibi pour précipiter ces mêmes jeunes dans le monde virtuel, ou du moins invoqué par eux comme tel ?

Un nouveau film donne la réponse face à cette inquiétude : Roadmap to Reality. Il suit un groupe de jeunes Américains invités à aller faire un pèlerinage sur les pas de Carlo Acutis en Italie. La particularité de leur voyage, c’est qu’ils doivent le faire sans téléphone portable et sans écrans. L’idée est de montrer que ce que l’on trouve sur Internet, comme l’exposition virtuelle de Carlo sur les miracles eucharistiques, n’a de sens que si l’on revient à la réalité ; que le sevrage d’Internet est nécessaire pour savoir identifier et trouver l’essentiel. Et qu’on ne peut adorer la présence réelle du Christ qu’en se mettant à genoux devant le Saint Sacrement, en chair et en os si l’on ose dire.

 

Comment Internet a pu détacher de la réalité de la messe

Souvenons-nous : au moment des confinements covid, les catholiques à travers le monde étaient invités à suivre la messe par retransmission interposée. Sans doute le fait de regarder la cérémonie pouvait-elle faciliter les dispositions pour prier et sanctifier le dimanche. Mais l’idée s’est répandue, peu ou prou, selon laquelle on pouvait assister à la messe confortablement installé dans son fauteuil chez soi. C’est si vrai que les chiffres de l’assistance à la messe ont connu alors un nouveau plongeon – au sortir des confinements, 30 % des pratiquants réguliers dans des pays comme la France ne revenaient plus à l’église le dimanche.

Le message de Carlo Acutis est à l’exact inverse de cette virtualisation néfaste. Carlo Acutis avait besoin de la messe. Il avait besoin de se recueillir devant Jésus Hostie. Et si par charité évangélisatrice, il l’a proclamé sur Internet, il n’a pas confondu le réel et le virtuel. D’ailleurs, il exerçait aussi une autre forme de charité en se faisant proche des démunis de son quartier.

Internet n’est pas non plus le domaine de la vérité : on y trouve le meilleur et le pire, et face à cette source omniprésente d’information et de divertissement il faut savoir exercer un discernement averti. « Google l’a dit » n’est pas une garantie de sérieux !

C’est en faisant ces derniers jours une recherche sur Carlo Acutis et la dévotion des premiers samedis du mois que j’ai pu en être témoin de manière particulièrement frappante. Faisant référence à un témoignage attribué à sa mère, le site jubilé2025-fatima.org affirme qu’en 2005, Carlos Acutis a eu un songe où Sœur Lucie, qui venait de mourir, lui disait : « Le sort du monde dépend des 1ers samedis du mois. »

 

Carlo Acutis et les premiers samedis font halluciner l’IA

J’ai voulu vérifier cette référence en tapant en italien dans ma barre de recherche Google les mots « Carlo Acutis primo sabato » – et en parlerai dans un article distinct. Comme c’est désormais le plus souvent le cas lorsqu’on interroge Google, la première réponse fut une synthèse réalisée par l’intelligence artificielle : « Aperçu IA ». A la fiabilité plus que douteuse…

L’« aperçu » qui m’a été servi à cette occasion annonçait que Carlo Acutis allait être canonisé un « premier samedi », le 7 septembre – or si la date était bonne, le jour ne l’était pas, puisque la cérémonie avait lieu dimanche. Pire, l’intelligence artificielle ajoutait que le pape François allait présider la cérémonie du 7 septembre, la canonisation ayant été décidée par lui le 27 avril dernier… En réalité, François est mort le 21 avril, le 27 avril était la date initialement prévue pour la canonisation de Carlo Acutis, et c’est bien entendu le pape Léon qui officiait dimanche sur la place Saint-Pierre.

Comme souvent, l’intelligence artificielle a répondu n’importe quoi, mélangeant les faits, incapable de les comprendre, ni même de vérifier leur cohérence. L’IA « se trompe » volontiers quand elle ne répond pas de manière biaisée, et c’est toujours sans garantie d’aucune sorte – si bien que lorsque l’on va jusqu’au bout de la synthèse, on trouve systématiquement la mise en garde suivante : « Les réponses de l’IA peuvent contenir des erreurs. » Et c’est peu de le dire !

 

Carlo Acutis, délivrez-nous du péril de l’IA !

Tout comme les robots « chatbots » qui sont censés vous renseigner sur les sites internet institutionnels ou d’entreprise, on est toujours frustré face à ces interlocuteurs mécaniques, inhumains qui neuf fois sur dix répondent mal ou à côté. C’est à croire qu’on a développé une sorte d’internet pour les gueux, les quidams que nous sommes. On est confrontés à de grands modèles de langage qui répondent sur la base de statistiques et répandent les inexactitudes, les mensonges et même les conseils néfastes. L’IA de cette sorte contribue puissamment au monde de la post-vérité, en permettant la diffusion de toutes sortes de faux, imitant les voix, fabriquant des événements et des discours de toute pièce face à un public exaspéré, ou au contraire – trop souvent – crédule ; semant une confusion inédite à ce jour.

Aux autres, aux professionnels et aux puissants, l’IA véritable est encore plus inquiétante : celle qui, efficacement, remplace ou remplacera les hommes dans l’emploi, l’industrie, la surveillance, l’armement, la conduite de la guerre… Jusqu’au jour où, devenue « agent autonome », elle sera capable de remplacer l’homme voire de l’éliminer. « L’IA des gueux » nous endort quant à la dangerosité de cette intelligence artificielle qui calcule, reconnaît, décide.

Saint Carlo Acutis, délivrez-nous des périls de l’une et de l’autre !

 

Jeanne Smits