Slovaquie : la CEDH dit non à une protection juridique solide de la liberté de culte en temps de crise

CEDH protection juridique culte
 

Le Dr Ján Figel’ a beau être haut fonctionnaire de l’UE, il n’a pas pesé plus lourd qu’un autre Slovaque ou qu’un autre Européen. La contestation des interdictions de culte en Slovaquie pendant la crise du covid qu’il avait introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme a été tout bonnement rejetée, avec des motifs pour le moins limités. Face à une indifférence aussi évidente devant une requête pourtant précise et fiable, il est manifeste que la CEDH ne veut statuer sur aucune affaire concernant la liberté de religion ou de conviction qui soit liée au covid. Ce qui pose question quant au respect de ces libertés prétendues fondamentales, dans une Europe qu’on disait chrétienne. Qui donc les défendra demain, si nous est imposée une nouvelle crise sanitaire ?

Encore un tant soit peu souverains, certains Etats européens ont été plus respectueux de ces libertés comme on l’a vu en France, lorsque la décision du Conseil d’Etat du 18 mai 2020 a estimé que le gouvernement avait porté à la liberté du culte une atteinte grave et manifestement illégale en interdisant le libre exercice du culte. Ce qui est certain, c’est que cette garantie ne viendra jamais de Bruxelles.

 

La CEDH ne conteste pas les interdictions des messes en Slovaquie

La CEDH a donc refusé d’évaluer la légalité et la proportionnalité de l’interdiction générale de culte qui a été imposée en Slovaquie, en 2021, pendant la crise du covid. Elle a déclaré qu’elle ne se prononcerait pas sur le fond de la contestation, comme l’a noté l’Alliance Defending Freedom, car il n’était pas suffisamment clair comment Ján Figeľ lui-même a été affecté par les mesures prises par le gouvernement slovaque et qu’il ne pouvait donc pas être considéré comme une victime.

Une surprise pour le requérant qui, habitué des rouages et des impératifs de Bruxelles, avait pourtant tout détaillé et répondu à tous les points que la Cour lui avait d’abord reproché de ne pas avoir fournis. En tant que catholique pratiquant, habitué de sa paroisse plusieurs fois par semaine, il s’était plaint d’avoir été impacté personnellement et directement par les mesures mises en place et estimait que ses droits garantis par l’article 9 de la Convention avaient été violés.

La Cour a rétorqué pourtant qu’il n’y avait pas de lien démontré entre les restrictions et sa situation individuelle, et que par ailleurs son action constituait de facto une « actio popularis », à savoir une action intentée par un tiers dans l’intérêt général.

Deux éléments qui mettent à plat l’attaque : car, comme l’explique l’universitaire britannique Frank Cranmer, habitué des enjeux juridiques liés à la religion, un requérant doit apporter des preuves raisonnables et convaincantes de la probabilité qu’une violation le concernant personnellement se produise. Et s’il y parvient, il doit le faire seulement pour lui-même : la Convention ne prévoit pas l’exercice d’une action populaire pour l’interprétation des droits garantis par la Convention.

Facile tour de passe-passe.

 

Soin attentif mais fictif de l’UE à défendre la liberté de culte

Pouvait-on attendre que la Cour reconnaisse que la nourriture spirituelle est aussi essentielle que le bien-être physique ? On pouvait au moins espérer qu’elle reconnaisse que le gouvernement avait violé la Convention européenne en interdisant à plusieurs reprises les cultes collectifs. Mais, en dépit d’un cadre international clair, la liberté religieuse, « l’un des droits humains les plus vitaux et les plus fondamentaux » comme l’a dit Ján Figeľ, est malheureusement devenue un droit protégé à géométrie variable.

Ce dernier est d’ailleurs bien placé pour le savoir. Après les atrocités commises par Daech, en 2016, l’Europe avait créé le poste de représentant spécial permanent pour la liberté de religion ou de conviction hors de l’Union européenne et Ján Figeľ, ancien commissaire européen, en a été le premier représentant. Une fois les trois années de son mandat écoulés, le poste n’a été pourvu que la moitié du temps, et, aujourd’hui, depuis quinze mois, il est toujours vacant, malgré les appels répétés de membres du Parlement et autres organisations civiles.

Mais comment s’en étonner si à l’intérieur même de l’UE, la liberté de culte n’est qu’une fiction ? « En tant qu’envoyé spécial, j’ai pu constater de visu la fragilité de la liberté, a déclaré Ján Figeľ. Je suis convaincu que l’UE ne peut promouvoir de manière crédible la liberté religieuse à l’étranger si nous ne la défendons pas sur son territoire. » Cette affaire visait à garantir que le culte ne devienne pas un droit superflu en temps de crise, a-t-il poursuivi. Elle a d’ailleurs bénéficié d’un soutien massif de la société civile, notamment de dirigeants du monde universitaire, de la politique et de communautés religieuses d’horizons divers. Mais son issue prouve, s’il était encore à prouver, le résolu non-engagement de Bruxelles qui se lave bien ostensiblement les mains.

 

La crise du covid justifie encore d’enterrer des libertés fondamentales

On se souviendra qu’en France, d’aucuns se sont battus à l’époque, et plus victorieusement. Lorsque le Premier ministre Edouard Philippe annonça, début mai, que les églises, déjà fermées au culte depuis le 15 mars, le resteraient jusqu’en juin, plusieurs requérants saisirent le Conseil d’Etat, selon la procédure du référé-liberté, pour dénoncer une atteinte illégale à la liberté de culte. Bruno Gollnisch, comme l’avait précisé Jeanne Smits sur son blog, a été le premier à travailler sur un recours, suivi par l’AGRIF et la plupart des instituts sacerdotaux ou religieux attachés à la liturgie traditionnelle.

Quelques jours plus tard, dans une décision historique, le Conseil d’Etat français ordonnait de modifier le décret interdisant les cultes publics dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, reconnaissant de facto les droits spécifiques attachés à la « liberté fondamentale » du culte public.

Malheureusement comme attendu, et comme partout en Occident, la conférence épiscopale des Evêques n’y fut pour rien : elle n’avait pas pipé mot, déclarant préférer le « dialogue » à toute action juridique et donc l’inaction et la soumission. Aujourd’hui encore, de par le monde, il en est qui demandent pardon pour ce non refus d’obtempérer…

En tout cas, de Bruxelles, qu’on se le dise, rien ne viendra ! Ce qui aurait pu servir d’exemple a été jeté aux orties. Le message est qu’en temps de crise, réelle ou déclarée, les libertés fondamentales seront foulées au pieds.

 

Clémentine Jallais