En Centrafrique, des « chrétiens » brûlent des « sorciers »

Centrafrique chrétiens brûlent sorciers
 
Alors que le pape François a entamé mercredi un voyage en Afrique, qui doit s’achever, lundi, en Centrafrique, voilà que l’ONU découvre que, dans ce pays, des « chrétiens » brûlent des « sorciers ». La concomitance des dates est trop belle pour n’être attribuable qu’à une simple coïncidence. D’autant que ces pratiques, pour condamnables qu’elles soient, ne sont pas nouvelles ; et que, en outre, les faits spécifiquement dénoncés remontent à près d’un an…
 
En réalité, il s’agit de règlements de comptes et d’extorsions de fonds, qui opposent des milices incontrôlées, souvent chrétiennes contre musulmanes, parfois animistes, chacune accusant les autres de sorcellerie, une pratique punie par la loi centrafricaine, pour justifier les vols, pillages et meurtres commis à l’encontre de ses adversaires. Les victimes récalcitrantes, ou tout simplement dans l’impossibilité de payer quelque somme que ce soit pour avoir la vie sauve, sont attachées à des poteaux de bois auxquels on met ensuite le feu…
 

La violence en Centrafrique

 
La publication de ce rapport des Nations Unies appelle plusieurs remarques. D’abord, parce que, comme il le note d’ailleurs lui-même, la sorcellerie est « fortement enracinée » en Afrique, et notamment en Centrafrique,
 
Ensuite, parce que les faits de tortures (entre autres) spécifiquement imputés aux milices chrétiennes dans ce rapport ont eu lieu entre décembre 2014 et début 2015.
 
Enfin, l’on sait que la République centrafricaine a sombré dans la violence communautaire après la prise du pouvoir en mars 2013 par les rebelles musulmans dans ce pays qui est à majorité chrétienne. Le pouvoir de transition n’en finit plus d’essayer d’asseoir son autorité. Et les violences continuent de se répandre…
 
Ces trois premiers points obligent déjà à se poser la question de savoir pourquoi l’ONU a donc décidé de publier ce rapport justement maintenant, au moment où le pape débute une visite apostolique dans ces pays.
 

Des « chrétiens » brûlent des « sorciers »

 
Il y a cependant une observation plus fondamentale. C’est que ce n’est pas parce qu’un assassin est catholique qu’il est devenu assassin. En l’occurrence, ce ne sont pas parce que ces milices sont composées de chrétiens qu’elles commettent ces exactions, mais bien parce que ce sont des gens sans foi ni loi, dont le christianisme, pour officiel qu’il soit, est encore tout imprégné de pratiques anciennes et ancestrales.
 
Ainsi, de l’aveu même des rapporteurs, dans l’un d’un des cas répertoriés, un prêtre, dont le corps était couvert de cicatrices, a raconté avoir tenté de s’interposer alors qu’un homme était enterré vivant après avoir été condamné pour sorcellerie. « Le prêtre s’est retrouvé sous la menace d’un couteau pour avoir tenté d’intervenir dans des affaires qui ne concernaient pas l’Eglise », a déclaré un témoin oculaire, cité dans le rapport.
 
Si ces « affaires » ne concernent pas l’Eglise, cela signifie bien que ces gens n’agissent pas en tant que chrétiens, puisqu’ils seraient prêts à tuer un prêtre qui leur reproche leurs agissements.
 
Une nouvelle fois, on se demande pourquoi alors publier ce rapport maintenant ? Et pourquoi ne pas évoquer aussi précisément les exactions commises par d’autres groupements ayant d’autres croyances ?
 
Les autorités de transition du pays avaient d’ailleurs fait savoir qu’elles n’approuvaient pas cette visite papale, estimant que, en l’état actuel, il y avait « un grand danger » d’affrontements avec les musulmans. Des musulmans que, justement, le Saint-Père doit rencontrer à la mosquée centrale de Bangui lundi matin, avant de célébrer la messe et de prendre la route du retour.
 
Le moins que l’on puisse dire est qu’il y a, en toute cette affaire, une forte pression médiatique autour d’un voyage qui est déjà fortement médiatisé…
 

François le Luc