Le changement climatique devient peu à peu une faute civile dont les victimes supposées peuvent réclamer réparation. Une cour allemande vient ainsi d’autoriser un fermier péruvien à poursuivre une compagnie d’électricité pour ce motif. La décision de la cour d’appel de Hamm de permettre à Saul Luciano Lliuya, fermier péruvien de la région du Lac Palcacocha dans les Andes de demander en Allemagne des dommages à la compagnie d’électricité Rheinisch-Westfälisches Elektrizitätswerk (RWE) le met en évidence – et montre que dans ce domaine comme dans d’autres, le gouvernement des juges est en marche.
 
RWE a produit 216,1 térawatts heures en 2015 pour un chiffre d’affaires de 45,8 milliards d’euros, fournissant de l’électricité à l’Allemagne, aux Pays-Bas, Royaume-Uni ainsi que plusieurs pays d’Europe centrale et même la Turquie.
 
Aux termes des poursuites, le fait que RWE ait produit 0,47 % environ des gaz à effet de serre émise par l’industrie suffit à l’obliger de payer un pourcentage équivalent du coût environnemental de la lutte contre leur impact.
 

Un fermier péruvien va pouvoir poursuivre la compagnie d’électricité RWE pour changement climatique

 
Luciano fait pousser des patates et du maïs et il élève quelques bêtes sur sa terre. Les glaciers environnants rétrécissent rapidement à cause du réchauffement climatique, assure-t-il, gonflant les eaux du lac Palcachoca dont on nous explique qu’il a vu son volume multiplié par 30 au cours des 40 dernières années. Des géologues ont affirmé qu’une forte avalanche risque de provoquer une vague d’une trentaine de mètres qui inonderaient la ville de Huaraz où vit le fermier.
 
Aidé par des activistes allemands de l’ONG Germanwatch, Luciano a déposé sa demande en réparation par rapport à cette catastrophe hypothétique, exigeant de RWE le paiement de 17.000 euros afin de financer la protection de son domicile face au risque d’inondation.
 

Une cour d’Allemagne fait progresser le gouvernement des juges

 
Il va sans dire que RWE a refusé de payer : « Une seule entité ne peut pas être tenue pour responsable de faits causés par de si nombreuses entités à travers le monde. »
 
Les poursuites de Luciano ont été rejetées dans un premier temps par un juge à Essen mais elles ont été acceptées en appel par la cour de Hamm. Le fermier et ses soutiens sont ravis : ils en font une affaire symbolique dont l’objectif est de mener à la mise en place de mécanismes internationaux pour permettre aux victimes du « changement climatique » d’obtenir des réparations. C’est en tout cas l’avis de Noah Walker-Crawford, anthropologue à l’université de Manchester qui conseille le fermier dans cette affaire.
 
Ce type d’affaires judiciaires se multiplient actuellement contre les sociétés de production d’énergie fossile.
 

Anne Dolhein