Confucius l’enseignait et cette tradition avait perduré jusqu’à maintenant. Mais l’individualisme occidental doublé des conséquences mécaniques de la politique mortifère maoïste de l’enfant unique ravagent aujourd’hui la piété filiale telle qu’elle existait en Chine depuis des siècles : les enfants rechignent, aujourd’hui, à s’occuper de leurs vieux parents. Beaucoup de personnes âgées, laissées pour compte, doivent se contenter d’une retraite de misère absolue, et la situation ne fera mathématiquement qu’empirer.
Et ce n’est pas l’État communiste, faussement altruiste, qui s’en occupera.
Les enfants quittent les personnes âgées
Un article du Global Times, media officiel en Chine, rapportait l’histoire, devenue virale sur Internet, de ce père qui a menacé de renier sa fille, si elle ne revenait pas des Etats-Unis où elle a élu domicile.
Zhang Yong lui a lancé un ultimatum, resté sans réponse. Il commence à penser que la plus grosse erreur qu’il ait jamais commise était d’envoyer sa fille à l’étranger… Ils voulurent soigner, en effet, le seul enfant que leur avait permis d’avoir et d’élever le draconien régime communiste, et avaient été jusqu’à vendre une maison pour pouvoir l’envoyer à l’étranger, étudier à l’université. Mais juste après l’obtention de son diplôme, Zhang Li a trouvé un travail in situ et a déclaré vouloir s’y installer et même s’y marier avec son récent petit ami…
Qui a tort, qui a raison ? L’histoire a fait se remplir des pages et des pages de discussions sur « Sina Weibo », le réseau social N°1 chinois, signe que la population jeune (les personnes âgées n’utilisent pas Internet) est devenue d’avis mitigé sur la question de sa responsabilité.
Égoïsme des parents ou ingratitude des enfants ?! Ce n’est plus tranché comme autrefois.
Failles dans le système de soins sociaux en Chine
En 2016, nous rapporte le Global Times, China Youth Daily a mené un sondage en ligne à choix multiple sur « élever un enfant pour vous soigner dans la vieillesse », proverbe-vérité chinois : 64,4 % des répondants pensaient que ce mode évolue peu à peu et 28 % seulement disaient qu’ils voudraient vivre avec leurs enfants.
Signe des temps. On cède à un mode de vie occidentalisé et les liens familiaux se fragmentent.
Le problème est que l’État chinois ne distribue pas les mêmes retraites que ne le font – pour l’instant – les États occidentaux. L’âge de la retraite, déjà, est précoce, et son montant oscille entre 16 et 80 € quand le salaire moyen est de 433 € (chiffre de 2012). D’autre part, le système est largement déficitaire : en 2014, environ 50 % des provinces ne pouvaient déjà plus payer et devaient compter sur une aide financière de Pékin. Rien d’étonnant à voir de plus en plus de personnes âgées ramasser les matières recyclables dans les ordures pour subvenir à leurs besoins…
Qui d’autre que les enfants, donc, pour s’occuper d’eux ?
Le gouvernement, ne voulant pas en porter le poids, a bien tenté de le leur rappeler dans sa rhétorique officielle. A la fin 2012, il a même adopté une législation protégeant les droits des personnes âgées, qui exige notamment que les membres de la famille fassent de « fréquentes visites » à leurs aînés… Mais, comme le confirma un économiste de la China Construction Bank, dans Sina Finance, il y a trop de personnes âgées pour que le gouvernement s’en occupe ; l’argent public manque pour les soins aux aînés, et la capacité du secteur privé est également insuffisante.
En 2050, un tiers des Chinois auront plus de 60 ans
« Trop de personnes âgées »… mais le problème n’ira qu’en s’amplifiant ! Principalement à cause de la très mortifère politique de l’enfant unique imposée par Pékin en 1979. De fait, c’est la population qui vieillit le plus rapidement du monde…
Selon les données du Bureau national des statistiques, la Chine devrait compter, d’ici 2025, 300 millions de personnes âgées ; et en 2050, environ 473 millions de personnes, soit un tiers de la population chinoise, auront plus de 60 ans. Une étude des Nations unies datant de 2007 a estimé qu’en 2005 il y avait 16 retraités pour 100 travailleurs en Chine, mais qu’en 2025 le ratio serait de 64 retraités pour 100 travailleurs.
En respectant le principe de « piété filiale », un tout jeune actif, aujourd’hui, pourrait donc avoir à sa charge non seulement ses parents mais ses quatre grands-parents… Situation insolvable. D’autant qu’il y a peu de maisons de retraites, que l’industrie globale des soins aux personnes âgées n’y est absolument préparée – des robots sont même envisagés devant l’ampleur des carences.
Et si l’enfant unique est décédé ? Certaines villes comme Pékin ont mis en place des établissements publics d’hébergement et de soins à disposition de ces personnes âgées esseulées. Mais c’est une goutte d’eau.
Concrètement, ce sont des centaines de millions de personnes âgées qui vont être mises en grande difficulté, sans accès à des soins décents. Beaucoup en pâtissent déjà – le taux de suicide chez les personnes âgées dans les zones rurales est en constante augmentation.