C’est un signe et pas des moindres. La Bible vient de disparaître du web chinois : il est désormais impossible d’en commander un exemplaire via le réseau. Aucune interdiction officielle du gouvernement, et pourtant lui seul pouvait mener à bien cette résolution puisqu’il contrôle l’internet, le vecteur qui pouvait malheureusement le mieux répandre l’outil de la foi chrétienne… D’une certaine manière, c’est une énième réponse aux agitations du Vatican qui fait tout (et trop) pour retrouver un lien avec l’église catholique officielle, dont un certain nombre d’éléments se trouvent excommuniés. La Chine veut finir de la mouler dans sa matrice communiste.
Quant à l’autre, la souterraine, la fidèle à Rome, la traître au socialisme conquérant, elle veut s’en arranger à sa façon – c’est encore plus simple sans la Bible.
Interdire ou restreindre les ventes « papier » de la Bible : la résolution web du gouvernement chinois
La « sagesse » communiste fait bien les choses : la Chine n’a jamais interdit ouvertement la vente de la Bible. Elle faisait juste en sorte de contrôler sa diffusion, ne permettant son impression et sa distribution que par les organes officiels de l’église attachée au gouvernement. Mais le développement d’internet générait bien évidemment de trop grandes potentialités.
Il y a quelques jours, CNN a fait des recherches sur le réseau chinois : les termes « Holy Bible » sur JD.com (géant chinois) ne donnent plus aucun résultat, et sur Amazon.cn, ne sont proposés que des guides d’études et… le Coran. Taobao, un autre géant du Web chinois, fait pire en conseillant la « Bible de guérison des maladies auto-immunes ».
A l’heure où n’importe quel produit peut s’acheter en ligne (surtout en Chine), la Bible chrétienne est devenue, en l’espace de quelques heures, la grande absente de l’e-commerce chinois, alors même que cent millions de catholiques (et toujours plus de convertis) vivent dans l’Empire du Milieu. Comme le note Sarah Cook, analyste de recherche pour l’Asie de l’Est chez Freedom House, « les autorités chinoises utilisent de plus en plus de méthodes high-tech pour contrôler la religion et punir les croyants – y compris la surveillance et l’arrestation des croyants pour le partage d’informations en ligne. »
« Les groupes religieux et les affaires religieuses ne sont pas soumis au contrôle des pays étrangers »
Alors même que les internautes ont commencé à s’en rendre compte, une conférence de presse du gouvernement leur a donné une réponse indirecte. Le 3 avril, a été en effet publié un Livre Blanc, intitulé « Politiques et pratiques chinoises sur la protection de la liberté de croyance religieuse. » Comme tout manifeste socialiste-communiste, il charrie tout et son contraire : il fait croire à la liberté et impose, dans les faits, une contrainte exacerbée.
Sous prétexte de « protéger le droit des citoyens à la liberté de croyance religieuse », le gouvernement chinois revient surtout sur sa préoccupation maîtresse : le contrôle complet des religions, au-delà de toute influence et ingérence étrangères. Or les catholiques sont les seuls à devoir répondre, s’ils sont vraiment catholiques, à une autorité extérieure à Pékin, à savoir le Vatican… Le manifeste fustige les religions « qui ont été utilisées par les colonialistes et les impérialistes ». Un haut fonctionnaire, Chen Zongrong, l’a redit le 3 avril : « Je pense qu’il n’y a pas de religion dans la société humaine au-dessus de l’État ».
Les résolutions du texte sont très claires. L’État déclare vouloir enregistrer tous les lieux de culte, vouloir contrôler toutes les publications des textes religieux, et vouloir admirer partout les valeurs socialistes à l’œuvre, pour « explorer activement la pensée religieuse conformément à la réalité chinoise ». Autrement dit conformément à la réalité du régime communiste.
La Chine communiste : le retour aux catacombes
Le souci est que le socialisme se marie fort mal avec le catholicisme – Pie XI dans son Quadragesimo Anno, l’a dit avant nous. TheNewAmerican rappelle le triste sort du pasteur protestant roumain Richard Wurmbrand qui, pour avoir déclaré l’incompatibilité du communisme et du christianisme, a été emprisonné et torturé par le régime de l’époque, quatorze ans durant.
Pourtant, il semble bien que la Bible sera sinisée ou ne sera pas – sera compromise ou ne vivra pas. Pékin va limiter sa diffusion et la nettoyer de ses accents anti socialistes.
Drôle de réponse aux efforts du Vatican qui espèrent toujours un accord, reporté au moins jusqu’en juin. Le quotidien italien Corriere Della Serra a encore affirmé, le 19 février, que le pape François a exprimé sa volonté – de principe – de signer un accord. Mais le problème majeur des sept « évêques officiels » nommés par Pékin (et excommuniés de facto par Rome) demeure et l’arrestation, le 28 mars, de l’évêque de Mindong qui avait refusé de co-célébrer la Pâque avec un officiel de l’Association patriotique des catholiques chinois a rendu difficile (impossible ?) la discussion.
La Chine n’a rien à perdre dans ce débat – ni à gagner. L’Église en revanche y perdrait tout. Le cardinal Zen le sait mieux que quiconque. « Ils vont anéantir l’Église clandestine, disait-il dans une interview le 9 mars dernier sur la chaîne américaine EWTN, et pas seulement. Nous retournons à l’époque des catacombes. »
Doucement mais sûrement, à la manière socialiste, sans trop d’effusion de tous ordres.