Pourquoi les enfants n’arrivent-ils plus à se concentrer ? Une nouvelle étude menée par l’Institut Karolinska en Suède et l’Université de santé et des sciences de l’Oregon a mis en évidence un lien significatif entre le temps passé devant les écrans et les diagnostics de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), suggérant que l’exposition des jeunes cerveaux aux réseaux sociaux pourrait avoir des implications majeures sur la santé mentale. Il apparaît aux termes de cette étude publiée dans la revue Pediatrics Open Science que ce sont spécifiquement les heures passées sur les réseaux sociaux qui causent les plus grands dommages aux jeunes.
Et le phénomène est considérablement aggravé par la place qu’y prennent désormais les contenus fabriqués par l’IA, le fameux « brain rot » ou « pourriture cérébrale » – choisi comme mot de l’année 2024 par l’université d’Oxford –, ces propos et vidéos stupides et abrutissants de quelques phrases ou de quelques minutes et sans lien entre eux qu’on peut visionner en continu. Pendant des heures… Selon l’étude, les enfants sont passés en quatre ans d’une trentaine de minutes par jour sur les réseaux sociaux à l’âge de neuf ans, à 2,5 heures par jour à treize ans (l’âge minimum théorique pour y accéder).
Les réseaux sociaux plus que tous les autres écrans…
Et on parle bien d’enfants. Les 8.324 jeunes suivis par les chercheurs pendant quatre ans aux Etats-Unis avaient entre neuf et dix ans au début de l’étude. Les enfants ont eux-mêmes déclaré le temps qu’ils passaient sur les réseaux sociaux, à regarder la télévision ou à jouer à des jeux vidéo. Leurs parents ont également évalué leur capacité à se concentrer et tout signe d’hyperactivité.
Ils ont mis en évidence un lien clair entre l’utilisation des réseaux sociaux et un déficit de l’attention (mais non une augmentation de l’hyperactivité), ce qui soulève la possibilité que l’assaut sensoriel constant des services en ligne tels que TikTok et Snapchat puisse priver les enfants de leur capacité à se concentrer. Et ce à l’inverse de l’utilisation de la télévision ou des jeux vidéo, qui n’a montré aucun lien clair avec les symptômes du TDAH.
« Notre étude suggère que ce sont spécifiquement les réseaux sociaux qui affectent la capacité de concentration des enfants », a déclaré le coauteur et professeur de neurosciences cognitives à l’Institut Karolinska, Torkel Klingberg, dans un communiqué. « Les réseaux sociaux entraînent des distractions constantes sous forme de messages et de notifications, et le simple fait de se demander si un message est arrivé peut constituer une distraction mentale », a ajouté M. Klingberg. « Cela affecte la capacité à rester concentré et pourrait expliquer le lien. »
La concentration des jeunes pâtit des informations courtes et de leur nombre
Il ajoute que tous les enfants qui surfent sur les réseaux sociaux ne présentent pas des troubles de la concentration, mais que le grand nombre de jeunes qui y passent des heures a forcément des conséquences visibles au sein de la population où de fait, les troubles de l’attention sont en croissance.
En 2022, plus de sept millions d’enfants et d’adolescents aux Etats-Unis avaient reçu un diagnostic de ce trouble, contre un peu plus de six millions en 2016, soit une augmentation significative en seulement six ans.
L’étude constate que l’association entre réseaux sociaux et manque de concentration « n’était pas influencée par le contexte socio-économique ou une prédisposition génétique au TDAH », selon le communiqué, qui ajoute : « De plus, les enfants qui présentaient déjà des symptômes d’inattention n’ont pas commencé à utiliser davantage les réseaux sociaux, ce qui suggère que l’association se fait dans le sens de l’utilisation aux symptômes, et non l’inverse. »
Les réseaux sociaux s’ajoutent aux autres facteurs qui réduisent l’attention
Décidément, les cerveaux des jeunes sont en ligne de mire. La « génération décervelée » a d’abord vu sa concentration abîmée par les méthodes pédagogiques globales, et notamment l’apprentissage global de la lecture aggravé par le passage trop précoce, dès le CP, à la lecture rapide et silencieuse, comme l’a montré Elisabeth Nuyts. Celle-ci met également en garde depuis longtemps contre les dangers des écrans, l’expérience la conduisant à être beaucoup moins optimiste que les chercheurs suédois sur les jeux vidéo, en particulier – notamment ceux qui ne laissent pas le temps de verbaliser en développent uniquement l’« action-réaction ».
Et ainsi le « temps de cerveau disponible » se réduit comme peau de chagrin (mais, gageons-le, pas la manipulabilité !).
L’explosion des réseaux sociaux et la place prise désormais par ceux-ci dans la vie de l’immense majorité des jeunes aggrave considérablement la situation (et peut-on dire que seuls les jeunes en souffrent ?). A tel point qu’on se demande si en les alimentant, on ne se rend pas complice de leur capacité de pourrissement…
Pour ce qui est de la remédiation, on peut trouver des solutions sur le site d’Elisabeth Nuyts.











