La tragique séparation des Églises d’Occident et d’Orient, qualifiée de « Grand schisme d’Orient » par les premières et de « Schisme de Rome » par les secondes, fut consommée en 1054. Depuis 12 siècles, c’est-à-dire depuis le concile de Constantinople IV (869-870), les Églises orthodoxes d’Orient n’avaient plus participé à aucun concile œcuménique y compris entre elles, alors que les Églises d’Occident, sous la houlette de Rome, en connurent treize…
 

Un concile préparé depuis 60 ans

 
Depuis 1961, les Églises orthodoxes préparaient un concile œcuménique. Après un intense travail préparatoire, l’annonce de sa tenue a été faite officiellement en mars de cette année lors d’une réunion des primats des Églises orthodoxes réunis en concile à Constantinople (Istanbul) au Phanar, siège du patriarcat œcuménique. Le concile panorthodoxe devait se tenir au Phanar du 18 au 26 juin. À la demande de l’Église orthodoxe russe – en raison des relations tendues entre la Turquie et la Russie –, le lieu du concile fut transféré à l’Académie orthodoxe de Crète. Doivent participer à ce concile les patriarches des 14 Églises orthodoxes autocéphales : les antiques Églises de Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem, et les Églises plus récentes (Albanie, Bulgarie, Chypre, Géorgie, Grèce, Roumanie, Russie, Serbie, Slovaquie-Tchéquie et Pologne). L’Église orthodoxe représente environ 300 millions de fidèles.
 

Une tonalité “légèrement” anti romaine…

 
Parmi les thèmes qui devront être abordés et débattus : la mission de l’Église orthodoxe dans le monde d’aujourd’hui, les relations avec les autres Églises et dénominations chrétiennes, des questions de discipline (le jeûne) et sacramentelle (le mariage)…
 
Présentant, dans une allocution vidéo, le concile œcuménique panorthodoxe, le patriarche œcuménique Bartholomée déclare : « Le premier but de ce concile panorthodoxe est de professer que l’Église orthodoxe est l’Église une, sainte, catholique et apostolique unie par les saints sacrements, les canons sacrés et les conciles œcuméniques ». Comme une pierre jetée dans le jardin de l’Église catholique de Rome…
 

Un concile panorthodoxe pour des Églises toujours divisées ?

 
Mais à une dizaine de jours de l’ouverture de ce concile, un incident est venu jeter un doute sur la possibilité même de le réunir aux dates prévues. Un communiqué du Saint Synode permanent du patriarcat œcuménique du 6 juin exprime « étonnement et perplexité » sur « les positions et opinions exprimées […] par des Églises orthodoxes sœurs ». En fait, les travaux préparatoires n’ont pas été jugés satisfaisants par plusieurs Églises dont la russe et la bulgare, laquelle demande un approfondissement du travail de préparation, ce qui exige que l’on reporte la date de réunion du concile. Faute d’obtenir satisfaction, l’Église orthodoxe bulgare a fait savoir qu’elle n’y participerait pas. Le patriarcat œcuménique appelle, « pour la sauvegarde de l’unité de l’orthodoxie », « à se montrer à la hauteur des circonstances et à participer, aux dates prévues, aux travaux du Saint et Grand Concile ». Mais, le même jour, le secrétariat du Saint-Synode d’Antioche, dans un long communiqué, annonçait, notamment, sa « non-participation » au concile tant que ne serait pas réglé son conflit de juridiction avec le patriarcat de Jérusalem. Ce dernier avait créé, voici trois ans, un métropolite pour le Qatar, pays qu’Antioche revendique comme relevant de sa juridiction canonique. L’incident, qui a motivé une rupture de communion entre les deux Églises, n’a toujours pas été réglé malgré la médiation du patriarche œcuménique… L’Église orthodoxe russe rappelant que les décisions du concile ne pouvant être prise que par « consensus », c’est-à-dire à l’unanimité des Églises, la non-participation ne serait-ce que d’une seule Église « constitue un obstacle insurmontable à l’accomplissement du Saint et Grand Concile »…
 
Des divisions qui augurent mal du projet conciliaire d’une plus grande communion entre les Églises concernées.
 
Ce concile panorthodoxe se tiendra-t-il ou non ? À la date prévue ? Avec toutes les Églises ? Réponse le 18 juin. Peut-être…
 

Adam Villiers